L'invention de Morel / Adolfo
Bioy Casarès ; traduit de l'espagnol (Argentine)
par Armand Pierhal ; préface de Jorge Luis Borges. -
Paris : Union générale
d'éditions, 1976. - 124 p. ;
18 cm. - (10/18, 953)
ISBN 2-264-00010-4
|
| Aujourd'hui, dans cette île, s'est produit un miracle.
☐ Incipit, p. 11 |
NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Un homme en fuite trouve refuge sur une île
déserte. Un
lieu étrange, dominé par une villa immense et
somptueuse
dont les sous-sols recèlent une machinerie aux fonctions
incompréhensibles. L’île, pourtant,
n’est pas
si déserte qu’elle l’a semblé
de prime abord.
Des estivants, réunis sur place par un certain Morel,
s’engagent dans une fête languide dont le rituel
paraît se reproduire à l’infini.
|
JORGE LUIS BORGES |
[…]
[Adolfo Bioy Casarès] déploie une
Odyssée de prodiges qui ne paraissent admettre d'autre clef
que l'hallucination ou le symbole, puis
il les explique pleinement grâce
à un seul postulat fantastique, mais qui
n'est pas surnaturel. La crainte de tomber dans des
révélations prématurées ou
partielles m'interdit d'examiner le sujet, et les nombreuses
et savantes finesses de l'exécution. Qu'il me suffise de
dire que Bioy renouvelle pleinement un concept que saint
Augustin et Origène
réfutèrent, que Louis-Auguste Blanqui
analysa et que Dante Gabriel Rossetti a
formulé dans une
musique mémorable :
I
have been here before,
But
when or how I cannot tell :
I
know the grass beyond the door,
The
sweet keen smell,
The
sighing song, the light around the shore ...
[…]
L'Invention de Morel (dont le titre
fait filialement allusion à un autre inventeur
insulaire, à Moreau)
acclimate sur nos terres et dans notre langue un genre nouveau.
J'ai discuté avec son auteur
les détails de la trame, je l'ai
relue ; il ne me semble pas que ce soit une
inexactitude ou une hyperbole de la qualifier de
parfaite
☐ Préface,
pp. 9-10
|
|
ADOLFO BIOY CASARÈS |
— En
écrivant L'Invention de
Morel, avez-vous
été influencé par L'Ile
du Dr Moreau,
comme l'a laissé entendre Borges ?
— Non.
Contrairement à ce qu'a écrit Borges, je
n'ai pas été influencé
par L'Ile du
Dr Moreau en écrivant L'Invention de Morel.
Je crois que Borges le savait, mais il
voulait, en évoquant Wells me placer sous
un haut parrainage littéraire. J'avais,
à l'origine, songé
à intituler mon roman L'Ile du
Dr Guérin. Si j'ai fini par choisir
le patronyme de Morel, c'est parce qu'il présentait
l'avantage de pouvoir se prononcer
de la même manière en
français et en espagnol. En revanche, j'ai
certainement pensé à L'Ile du Dr Moreau
en écrivant d'autres de mes livres, comme
par exemple Une
poupée russe. Dans le même ordre
d'idées, comme L'Invention de
Morel est une histoire sur l'immortalité, on a
prétendu que le personnage de Faustine était
une allusion à Faust. Je tiens
à préciser qu'il s'agit tout simplement d'un
hommage à la Faustine des Contrerimes de
Paul-Jean Toulet.
— Faut-il chercher
des symboles dans vos livres ?
— Certainement pas.
— Comment
jugez-vous la préface que Borges a écrite pour L'Invention de Morel ?
N'est-elle pas une magnifique preuve d'estime et
d'amitié ?
— Je crois
qu'il a été infiniment
soulagé de s'apercevoir que son ami
n'avait pas écrit un trop mauvais livre. Cela dit,
lorsqu'il utilise l'adjectif
« parfait » pour qualifier L'Invention de Morel,
il parle de la trame du roman, et non du style. C'est donc, de
la part de Borges, à la fois un compliment et une
restriction. Mais je n'ai pas la prétention
d'être un styliste comme Stendhal.
☐ Extrait
d'une interview recueillie par J.R. v. der Plaetsen, Le Figaro littéraire,
16 novembre 1995.
|
|
HECTOR BIANCOTTI |
[…]
C'est en 1940
qu' [Adolfo Bioy Casarès]
écrit L'Invention de Morel, que
désormais le milieu littéraire
et même un assez large public des deux
Amériques et des pays européens
considèrent comme un chef-d'œuvre du genre
fantastique. Son auteur l'avait qualifié de « dernier
galop d'essai » :
« J'avais un bon sujet, mais je cherchais
moins la trouvaille que l'élimination de fautes
dans la composition ; j'avais peur de
tout abîmer, je me sentais
pestiféré, contagieux, aussi prenais-je des
précautions de toutes sortes —
j'écrivais des phrases très
courtes … —
pour ne pas contaminer l'œuvre ».
En France, depuis sa sortie, en
1952, il a inspiré des
commentaires prestigieux, notamment celui de Maurice Blanchot dans Le Livre
à venir 1.
Mais le tout premier fut un article paru dans Critique
et signé Robbe-Grillet.
Lorsqu'il écrivait ce livre, Bioy
admirait surtout H.G. Wells ;
il avait le goût exclusif des histoires, et
aurait pu dire avec James : « Le sujet est
tout ». C'est donc le
sujet qui, tout d'abord, émerveille ici le lecteur
qui débarque, en compagnie d'un homme en
fuite, dans cette île du Pacifique 2
qu'une peste mystérieuse a
vidée de ses habitants. La solitude y est
totale. Mais, tout d'un coup, le seul édifice qui
s'y trouve se peuple de personnages qui se
promènent, parlent, dansent. Pour le narrateur, ils ont
l'air d' « estivants
installés depuis longtemps à
Marienbad ». Robbe-Grillet n'oubliera
ni cette adresse ni cette atmosphère
étrange dans le film dont il écrira le
scénario pour Alain Resnais.
[…]
☐ « Adolfo
Bioy Casarès, un
rire fantastique », Le Monde, 11 mars
1999 [en ligne]
1. |
Gallimard
(Folio-Essais, 48), 1986 |
2. |
« Je
crois que le nom de cette île est Villings, et qu'elle
appartient
à l'archipel des Ellice. »
Mais
aussitôt, dans une note attribuée à
l'éditeur, Bioy Casarès s'amuse à
discréditer cette hypothèse : « J'en
doute. Il parle d'une colline et d'arbres d'essences diverses. Les
îles Ellice — ou des
Lagunes — sont plates
et n'ont pas d'autres arbres que les cocotiers enracinés
dans le
corail de l'atoll ». |
|
|
COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La
invención de Morel » prólogo
de Jorge Luis Borges, Buenos Aires : Editorial Losada, 1940
- « L'invention
de Morel » trad. par Armand Pierhal,
préface de Jorge Luis Borges, Paris : Robert
Laffont (Pavillons), 1952
- « L'invention
de Morel » trad. par Armand Pierhal,
préface de Jorge Luis Borges, Paris : Librairie
générale française (Livre de poche,
8710), 1989
- « L'invention
de Morel » in Romans, Paris :
Robert Laffont (Bouquins), 2001
|
- « L'invention de
Morel » scénario et dessin de Jean-Pierre Mourey
d'après Adolfo Bioy Casares, Bruxelles, Paris : Casterman,
2007
- « L'invention
de Morel ou la machine à images », Paris :
Maison de l'Amérique latine, Xavier Barral,
2018 — cet ouvrage publié à l'occasion de
l'exposition à la Maison de l'Amérique latine (16 mars-21
juillet 2018) contient le roman d'Adolfo Bioy Casares traduit par
Armand Pierhal et préfacé par Jorge Luis Borges ainsi que
les contributions de 15 artistes et 4 cinéastes choisis par
Thierry Dufrêne
|
« L'invention
de Morel » scénario et réalisation de
Claude-Jean Bonnardot, adaptation de Michel Andrieu d'après
Adolfo Bioy Casares, Bry-sur-Marne : INA éditions, 2012
(1 DVD vidéo, 1H35)
|
- « Plan
d'évasion », Paris :
Union générale d'éditions (10/18,
2490), 1994
|
|
|
mise-à-jour : 1er février 2021 |

|
|
|