L'éternité
par les astres / Auguste Blanqui ; préface de
Jacques
Rancière. - Bruxelles : Les Impressions nouvelles,
2012. -
123 p. ; 21 cm. - (Réflexions
faites).
ISBN
978-2-87449-155-9
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Qui
consent à passer sa vie dans les prisons du pouvoir pour se
libérer de la prison de la soumission sait aussi que la
terre
où tout cela se passe n'est elle-même qu'un
enclos,
séparé de toutes les autres terres et
voué comme
elles à disparaître sans mémoire. S'il
sait tout
cela, il peut raisonnablement espérer et tenter l'impossible.
☐ Jacques Rancière,
Préface, p. 29 |
Auguste Blanqui
(1805-1881) a vécu soixante-seize ans ; il en a
passé quarante-quatre en prison pour avoir attisé
l'espoir d'une société de
liberté …
Les prisons insulaires ne lui étaient pas
inconnues :
Mont-Saint-Michel, Belle-Île-en-Mer, la citadelle de Corte
et,
pour finir, le Château du Taureau dans la baie de Morlaix
où, il est incarcéré du 24 mai au 12
novembre 1871. Pendant les courtes promenades qu'il peut effectuer sur la
plate-forme du fort il lui est “ interdit de
regarder la
mer ”.
Ici, l'île est
réduite à son ultime mesure :
les murailles du fort plongent directement dans la mer
— aucun
recul, aucun retrait. C'est dans ce cadre que Blanqui rédige “ L'éternité par les astres :
hypothèse
astronomique ” qui retiendra l'attention de Nietzsche chez
qui
mûrissait la formule de l'éternel
retour.
Borges
estime que l'interprétation donnée par Blanqui de
la doctrine
de l'éternel retour est, en regard de celles
proposées par Platon (au trente-neuvième
paragraphe du Timée)
ou par Nietzsche, “ la mieux raisonnée et
la plus complexe ” 1.
Quant à Walter Benjamin, il y voit l'effort
désespéré de qui tente de se “ donner
de nouvelles portes de cachot ”, gage d'accès
à une forme supérieure et
supérieurement contraignante de liberté.
1. |
« Histoire de
l'éternité : Le temps
circulaire », in Œuvres
complètes, vol. 1, Paris : Gallimard
(La Pléiade), 1993 (p. 414) |
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WALTER
BENJAMIN :
Le dernier texte que Blanqui ait écrit dans sa
dernière
prison est resté, autant que je puis le voir, totalement
négligé jusqu’à
aujourd’hui.
C’est une spéculation cosmologique qui, il est
vrai,
s’annonce à la première lecture banale
et inepte.
Les réflexions maladroites d’un autodidacte ne
sont
toutefois que le prélude à une
spéculation
qu’on ne pensait pas trouver chez ce
révolutionnaire. On
peut dire en fait, dans la mesure où l’enfer est
un
thème théologique, que cette
spéculation est de
nature théologique. La vision cosmique du monde que Blanqui
expose en empruntant ses données à la physique
mécaniste de la société bourgeoise,
est une vision
d’enfer. […] L’aspect bouleversant de
cette
ébauche est qu’elle est totalement
dépourvue
d’ironie. C’est une soumission sans
réserve et, en
même temps, c’est le réquisitoire le
plus terrible
qui puisse être prononcé à
l’encontre
d’une société qui projette dans le ciel
cette image
cosmique d’elle-même. Le texte, qui est, quant
à la
langue, d’un relief très marqué,
entretient les
relations les plus remarquables autant avec Baudelaire
qu’avec
Nietzsche.
☐ « Paris,
capitale du XIXe
siècle », Paris : Éd.
du Cerf, 1989
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EXTRAIT |
L'univers
tout entier est composé de systèmes stellaires.
Pour les
créer, la nature n'a que cent corps simples à sa
disposition. Malgré le parti prodigieux qu'elle sait tirer
de
ces ressources et le chiffre incalculable de combinaisons qu'elles
permettent à sa fécondité, le
résultat est
nécessairement un nombre fini, comme celui des
éléments eux-mêmes, et pour remplir
l'étendue, la nature doit répéter
à
l'infini chacune de ses combinaisons originales ou types.
Tout
astre, quel qu'il soit, existe donc en nombre infini dans le temps
et dans l'espace, non pas seulement sous l'un de ses aspects, mais tel
qu'il se trouve à chacune des secondes de sa
durée,
depuis la naissance jusqu'à la mort. Tous les
êtres
répartis à sa surface, grands ou petits, vivants
ou
inanimés, partagent le privilège de cette
pérennité.
La terre
est l'un de ces astres. Tout être humain est donc
éternel dans chacune des secondes de son existence. Ce que
j'écris en ce moment dans un cachot du fort du Taureau, je
l'ai
écrit et je l'écrirai pendant
l'éternité,
sur une table, avec une plume, sous des habits, dans des circonstances
toutes semblables. Ainsi de chacun.
Toutes ces
terres s'abîment, l'une après l'autre, dans les
flammes rénovatrices, pour en renaître et y
retomber
encore, écoulement monotone d'un sablier qui se retourne et
se
vide éternellement lui-même. C'est du nouveau
toujours
vieux, et du vieux toujours nouveau.
[…]
☐
Ch. VIII, Résumé,
pp. 119-120 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'éternité
par les astres : hypothèse astronomique
», Paris : Librairie Germer Baillière,
1872
- «
Instructions
pour une prise d'armes ; L'éternité par les
astres et
autres textes » textes établis et
présentés par Miguel Abensour et Valentin
Pelosse,
Paris : Ed. de la Tête de feuille (Futur
antérieur),
1973 ; Paris : Sens & Tonka
(Mémoire volontaire),
2000
- «
L'éternité par les astres »
préface de
Jacques Rancière, Bruxelles : Impressions nouvelles
(La
Bibliothèque d'un amateur), 2002
- « L'éternité
par les astres » avec une introduction et des notes
par Lisa
Block de Behar, Genève : Slatkine, 2009
|
- Gustave
Geffroy, « L'enfermé »,
Paris : Eugène Fasquelle, 1897 ; Paris :
Archives Karéline, 2013
- Jean
Despert,
« Autour de l'incarcération de
Louis-Auguste Blanqui
au château du Taureau en 1871 », Les
Cahiers de
l'Iroise (Brest), n° 149, 1991 (pp. 19-23)
- Lisa
Block de Behar (éd.), « De
l'éternité
à nos jours : l'hypothèse astronomique
de
Louis-Auguste Blanqui », Paris :
Honoré Champion
(Bibliothèque de littérature
générale et
comparée, 160), 2019
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mise-à-jour : 12
septembre 2019 |
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