parutions 2004

Les mécanismes toujours complexes de l'adoption constituent un révélateur très pertinent de la manière dont sont conçus, s'organisent et se vivent les rapports familiaux et sociaux ; il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les pratiques de groupes éloignés par la géographie, comme par l'histoire, les usages et les traditions (les sociétés insulaires — ici La Réunion, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Sumatra, les Comores et Haïti — fournissent, à cette fin, d'excellents observatoires).

L'examen prend toute son ampleur et sa portée quand, aux pratiques traditionnelles propres aux populations concernées — qui tendent à consolider, enrichir, élargir ou diversifier les liens sociaux —, se substituent progressivement des échanges internationalisés ou, pour le moins, régis par des sytèmes juridiques fortement occidentalisés qui déséquilibrent et dénaturent l'échange en y introduisant un formalisme déconnecté des sensibilités et usages locaux et, trop souvent, une visée marchande. Dans la confrontation de valeurs qui en résulte, et que soulignent bien les diverses contributions coordonnées par Isabelle Leblic, l'avantage s'établit rarement au bénéfice des nouveaux flux, même s'il ne faut pas sous-évaluer les dérives inacceptables qui marquent les limites de tel ou tel système traditionnel (exploitation, abus sexuels, trafic divers, etc).

On retiendra, dans cette perspective, l'inquiétude exprimée par Jean-Vital de Monléon : « malgré le côté souvent exemplaire et prémonitoire de l'adoption en Polynésie, où le social domine le biologique souvent pour le bien de l'enfant, ma conclusion sera tout de même pessimiste. En effet, j'ai pu constater en six ans une évolution défavorable du phénomène et sa pollution par une mondialisation insidieuse. À l'heure où l'adoption mondiale est gérée par une norme occidentale, la convention de La Haye, l'adoption traditionnelle trouvera-t-elle sa place ? D'autant que, du fait de cette même convention, l'adoption est de plus en plus difficile de par le monde ; ce qui fait que de plus en plus de postulants se tournent vers la Polynésie et y pervertissent le système, allant jusqu'à monnayer des enfants » (pp. 75-76).

SOMMAIRE

Présentation : Parenté et adoption, Isabelle Leblic I- De la circulation des enfants dans quelques sociétés « traditionnelles » : trois exemples de DOM-TOM français Adoption et fosterage à La Réunion : du souci de préserver les équilibres sociaux, Laurence Pourchez L'adoption en Polynésie française et les métropolitains : de la stupéfaction à la participation, Jean-Vital de Monléon Circulation des enfants et parenté classificatoire paicî (Ponérihouen, Nouvelle-Calédonie), Isabelle Leblic II- L'adoption des enfants dans deux société musulmanes Mode de résidence traditionnelle, émigration et circulation des enfants dans un village de Minangkabau (Indonésie), Bruno Portier Circulation des enfants aux Comores ; classe sociale, lignage, individu, Sophie Blanchy et Masseande Chami-Allaoui III- Quand l'adoption internationale supplante la circulation « traditionnelle » des enfants La circulation des enfants pauvres au Brésil : une pratique locale dans un monde globalisé, Claudi Fonseca La politique du fosterage et l'adoption internationale en Haïti, Chantal Collard Adopter, c'est donner, Françoise-Romaine Ouellette Postface : Mes mères et mes pères : rapports entre filiation, terme de parenté et adoption-fosterage, Suzanne Lallemand