Chantal Collard

« La politique du fosterage et l'adoption internationale en Haïti » in : Isabelle Leblic (dir.), De l'adoption : des pratiques de filiation différentes, pp. 239-267

Presses universitaires Blaise Pascal

Clermont-Ferrand, 2004

bibliothèque insulaire

   
Haïti
parutions 2004
De l'adoption : des pratiques de filiation différentes / sous la direction d'Isabelle Leblic. - Clermont-Ferrand : Presses universitaires Blaise Pascal, 2004. - 340 p. : ill. ; 24 cm. - (Anthropologie).
ISBN 2-84516-231-6

ISABELLE LEBLIC : La société haïtienne présente de grandes différences socioéconomiques, héritées du passé colonial et esclavagiste. Chantal Collard nous présente ses caractéristiques générales, à savoir une instabilité politique, une concentration des richesses dans les mains de quelques-uns et un accroissement massif et continu de la population qui concourent à entretenir une grande indigence. Aussi Haïti est le cas d'un pays où les transferts [d'enfants] sont liés à une inégalité de statuts entre donneurs et receveurs, que ce soit localement ou internationalement. Ainsi, on ne peut séparer ces transferts de la reproduction nationale mais aussi internationale dans un monde globalisé. Une des pratiques répandues en Haïti est celle du fosterage des restavec : le placement des enfants comme domestiques, qui n'est pas sans rappeler les wapambe comoriennes. 70 % des restavec sont des filles ; 42 % sont placés chez des parents, parrains ou marraines. Ici encore, on rencontre les problèmes de l'exploitation des enfants, d'abus sexuels, etc. et des rumeurs de trafic d'organes ! Cette pratique d'accueil vertical se fait surtout de la campagne vers la ville. Mais compte tenu de l'importance des émigrés haïtiens à l'étranger, les lois régissant l'immigration dans les pays d'accueil représentent souvent un frein à la perpétuation des formes traditionnelles de circulation des enfants. Il est difficile de placer un enfant chez un parent plus aisé s'il se trouve hors du pays ! Ce système, en décourageant l'immigration et la circulation d'enfants dans les réseaux de parenté installés ailleurs, a aussi pour corollaire de générer des enfants pour l'adoption internationale.

Chantal Collard mentionne également les différences entre les lois régissant l'adoption d'un pays à l'autre, entre le pays donneur et le pays receveur notamment : si l'adoption est plénière 1 au Canada, elle ne l'est pas en Haïti, car il n'y a pas d'abandon. Ce qui peut provoquer une fois de plus certaines incompréhensions de la part des donneurs d'enfants. Si le coût d'une adoption est bas en Haïti, cela ne place pas le pays en tête des pays donneurs car il existe un handicap certain pour nombre de parents adoptants : les Haïtiens sont de couleur, d'où finalement un faible nombre de leurs enfants adoptés à l'étranger. L'adoption internationale place presque toujours les pays donneurs et receveurs dans une situation inégale au sein d'une hiérarchie des nations où les premiers sont en bas et les seconds en haut. Il ne faut pas négliger non plus le poids des anciennes relations coloniales : « dans un tel système de circulation enfantine mondialisée, il y a forcément conflit d'intérêts entre familles, entre classes sociales, entre sociétés et entre États » (p. 264). En fait, l'adoption ne se fait localement, hormis en cas de chômage ou de très grandes difficultés économiques, que pour cause de naissances illégitimes et en cas de stérilité ; sinon, les enfants ne sont transférés que dans le cadre des restavec, c'est-à-dire du fosterage pour placement (domesticité, apprentissage, etc).

Chantal Collard, ethnologue, est professeur titulaire à l'université Concordia, Montréal (Québec) ; elle s'intéresse à la parenté dans des sociétés semi-complexes et complexes. Actuellement, elle effectue des recherches sur l'adoption internationale en Haïti et sur l'adoption intrafamiliale au Québec.

« De l'adoption : des pratiques de filiation différentes », Présentation : parenté et adoption, pp. 20-21
1.L'adoption est plénière  quand elle procède à la substitution d'une filiation par une autre, ce qui implique une rupture complète avec la parenté biologique.
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • Chantal Collard et Françoise Zonabend, « La parenté », Paris : PUF (Que sais-je ? 3999), 2015

mise-à-jour : 26 juillet 2017
COUV
   ACCUEIL
   BIBLIOTHÈQUE INSULAIRE
   LETTRES DES ÎLES
   ALBUM : IMAGES DES ÎLES
   ÉVÉNEMENTS

   OPINIONS

   CONTACT


ÉDITEURS
PRESSE
BLOGS
SALONS ET PRIX