L'isolâtre
/ Jacques Vignes. - Paris : Arthaud, 1979. - 237 p. :
carte ; 20 cm. - (Arthaud-marines).
ISBN 2-7003-0295-8
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Méditerranéen de
cœur et de culture, journaliste et écrivain, Jacques
Vignes [1921-1989] est un marin d'envie, de ceux pour qui la mer n'est ni
une première ni une seconde nature, mais le véhicule
de voyage vers d'autres terres, d'autres gens et d'autres temps,
dont la saveur n'est révélée qu'aux cœurs
déjà riches.
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ERIC AUPHAN : Jacques Vignes retrace une navigation
autobiographique parmi les îles de la mer Tyrrhénienne
dans L'isolâtre en 1979. « Je rêvais
de forcer des paysages secrets s'ouvrant sur l'imprévisible (…)
Pour cela, une seule route possible : celle des îles.
Et non pas de ces îles-continents que sont
la Corse, la Sardaigne ou la Sicile, ni de quelques foyers de
colonisation touristique comme Elbe, Ischia, et Capri la défigurée (…)
De vraies îles bordées de mer, si bien enfermées dans
leur insularité qu'on a toujours, en poussant leur
porte, l'impression de commettre quelque infraction, il n'en
manque pas pour inciter à la vadrouille et permettre l'initiation.
J'en avais compté vingt-cinq qui pouvaient se situer dans
le sillage sinueux menant aux Syrtes (…),
parmi lesquelles il faudrait faire un tri, au hasard des
humeurs, des intuitions, des coups de foudre, sans
oublier le bon vouloir du vent et de la mer (…) »
(pp. 9 et 10). Le navigateur réécrit pour
lui-même L'Odyssée
en inversant les paramètres ; il accoste dans
les îles les plus inaccessibles ou les plus méconnues 1,
à la recherche d'un pouvoir magique qui le
retiendrait prisonnier.
☐ « Les
îles de la mer d'Ouest », Villeneuve-d'Ascq :
Presses universitaires du Septentrion, 1999 (p. 108)
1. | Au nombre desquelles, les Egates, Eoliennes, Kerkennah, Pontines, Pelagies, Ustica, Pantelleria, … |
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EXTRAIT |
La maison rouge est un peu plus
loin, sur la droite en amorçant la descente, une bâtisse
de style pompéien, dont les linteaux s'ornent de la coquille
de Vénus. En amont, elle se trouve de plain-pied avec
la ruelle, séparée d'elle par une grille et un
étroit jardin. En aval, elle s'étage sur trois
plans de terrasses en escalier face à la mer. Vendesi,
pouvait-on lire sur une pancarte accrochée à
l'entrée. Vendesi. A vendre. En lettres délavées.
Pas d'adresse. Aucune indication. Il suffisait de pousser la
porte pour entrer.
Je l'ai fait. J'ai pénétré
dans une grande pièce rectangulaire, dallée de
terre cuite, décorée de peintures murales écaillées,
elles aussi d'inspiration pompéienne. Rien n'empêchait,
semblait-il, de pousser les volets, de s'installer, de convier
là ceux qu'on aime et d'attendre que quelqu'un vienne
réclamer son dû.
Une voix suggérait de
le faire. N'était-ce pas ici, en ces lieux curieusement
familiers, que se trouvait l'issue de la route des îles ?
« Il faut savoir s'arrêter, disait Pepe. Toi
qui n'es plus un jeune homme … » Au ras de
l'eau, en contrebas, le Viva Maria somnolait sous le soleil,
immobile dans l'air immobile, minuscule, déjà devenu
l'annexe de cette demeure aérienne.
Je suis resté longtemps
à rôder dans les parages, caressant les figuiers
qui plongent leurs racines dans la roche, accrochant des panaches
au sommet de Stromboli, guettant l'explosion de Vulcano. Tapi
dans l'ombre, j'échafaudais les plans d'un livre imaginaire
dont le décor était présent autour de moi
et, dont, déjà, les personnages prenaient corps,
peuplant les pièces désertes, un livre à
transcrire au jour le jour, inéluctable, bâti sur
la force des choses. Aucune angoisse à redouter. Assis
parmi les certitudes, débarrassé de mon propre
avenir, j'allais enfin devenir plante parmi les plantes. Peu
à peu, à mesure que je m'enfonçais au sein
de cette assurance, la maison rouge prenait des allures de mausolée …
Je suis parti. J'ai repris le
chemin de la mer. Panarea ne serait, comme prévu, qu'une
étape.
☐ Une maison rouge à
Panarea, pp. 81-82
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « La comtesse de Levanzo », Paris : Arthaud, 1980
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mise-à-jour : 16 octobre 2018 |

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