Matthew Gregory Lewis

Le brigand de Venise

Laffitte

Marseille, 1978
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Méditerranée
Venise
Le brigand de Venise / Matthew Lewis ; traduit de l'anglais par P. de C… ; avant-propos de Michel Baridon. - Marseille : Laffitte, 1978. - [4]-271 p. ; 16 cm.
Publié en France en 1806 dans une traduction de P. de C…, « Le brigand de Venise » est l'adaptation par Matthew Gregory Lewis 1 d'un roman de Johann Heinrich Daniel Zschokke, « Abaellino der grosse Bandit » (1794). L'édition originale anglaise (1804) est présentée comme une traduction — A romance translated from the German — mais ne donne pas le nom de l'auteur. Dans un avertissement (pp. V-VI), Lewis confesse avoir pris certaines libertés avec sa source, ajoutant ici et retranchant ailleurs selon son goût ou pour ménager les attentes du public britannique ; cet avertissement du traducteur ne figure pas dans la traduction française de 1806 et n'est qu'allusivement évoqué dans l'avant-propos de la réédition de 1978. Entre Zschokke et Lewis se noue un équivoque jeu de masques (sans qu'on puisse imputer une intention malveillante au britannique).

Jeu de masques ? C'est précisément ce qui est au cœur du roman. Abellino le brigand — un étranger solitaire et mélancolique — agit masqué ; masqués également sont ceux qu'il affronte. Ce n'est qu'aux dernières pages, quand les masques tombent, que se dévoilent la trame et les ressorts d'une intrigue subtilement retorse. L'aventure ne pouvait se dérouler ailleurs qu'à Venise où le port du masque était un art de vivre, et parfois une nécessité pour survivre.
       
1. Matthew Gregory Lewis (1775-1818) a gagné la célébrité en écrivant « Le moine » (The monk, 1795), œuvre-phare du roman « gothique ». À la mort de son père qui possédait des plantations à la Jamaïque, il fit deux voyages pour se forger une opinion sur le système colonial : son journal expose un regard critique qui fut peu apprécié de ses contemporains (« Journal de voyage à la Jamaïque » trad. et préf. par Liliane Abensour, Paris : José Corti, 1991).
EXTRAIT    A peine les brigands étaient-ils assis, que Cinthia (c'était le nom de la jeune femme) fut encore une fois appelée à la porte par le bruit du marteau, et bientôt après la compagnie fut augmentée de deux personnages qui examinèrent le nouveau venu de la tête aux pieds.

   — « Maintenant », dit en s'adressant à Abellino l'un de ceux qui l'avaient amené dans cette respectable société, « laisse-nous donc voir un peu ta figure. — En disant ces mots, il prit une lampe, et soudain sa lueur éclaira les traits d'Abellino. — Grand Dieu ! s'écria Cinthia, quel horrible monstre ! » Elle se retourna avec précipitation, en se cachant la figure dans ses mains. Abellino répondit à son compliment par un regard terrible.

   — « Coquin, » dit l'un des bandits, « tu dois remercier la nature d'avoir imprimé sur tes traits ces signes heureux qui te rendent digne d'être des nôtres. Allons, sois franc, et dis-nous quels moyens tu as employé pour échapper si long-tems au gibet ! De quelles galères sors-tu ? ou quelle est la dernière prison dans laquelle tu as brisé tes fers ?

   — « Si ma figure annonce tout le bonheur que tu me supposes, » répondit Abellino avec un air de supériorité et un son de voix qui fit trembler ses auditeurs, « je m'en réjouis. Quelle que soit désormais ma conduite dans la profession que j'embrasse, le ciel même n'aura pas le droit de m'en punir, puisqu'il semble m'y avoir destiné. »

pp. 19-20
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « The bravo of Venice », London : Hughes, 1804
  • « Le brigand de Venise », Paris : Dentu, 1806
  • Johann Heinrich Daniel Zschokke, « Abaellino der grosse Bandit », Frankfurt und Leipzig, 1794
  • Johann Heinrich Daniel Zschokke, « Abaellino der grosse Bandit » mit einem Nachw. hrsg. von Josef Morlo, St. Ingbert : Röhrig, 1994
  • Matthew Gregory Lewis, « Journal de voyage à la Jamaïque », Paris : José Corti (Domaine romantique, 33), 1991
  • Matthew Gregory Lewis, « L'anaconda », Le Bouscat : Finitude, 2016

mise-à-jour : 4 août 2017

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