Daphnis et Chloé /
Longus [traduction du grec par Jacques Amyot, revue,
corrigée et complétée par Paul-Louis
Courier]. - Paris : Ed. Nilsson, s.d. -
246 p. ; 11 cm.
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La rédaction de
« Daphnis et Chloé »
remonte à la fin du deuxième siècle ou
au début du troisième siècle de notre
ère ; on ignore à peu près
tout de son auteur, Longus, et de sa vie. Plusieurs rencontres ont
permis à l'œuvre de traverser les âges.
En 1559, une première traduction française est
publiée à Paris 1 ; elle est l'œuvre de Jacques Amyot,
helléniste proche de Marguerite de Navarre. Deux
siècles et demi plus tard, Paul-Louis Courier 2
remanie et enrichit la traduction d'Amyot 3 ; de nombreuses éditions suivront sans
discontinuer. En 1912, a lieu la première du ballet 4
de Maurice Ravel
qui établira durablement la notoriété
de cette étonnante pastorale. En 1952,
Tériade commande à Chagall l'illustration de Daphnis et Chloé ;
à deux reprises (1952 et 1954) Chagall se rend en
Grèce pour découvrir sa lumière. Daphnis et Chloé,
illustré de 42 lithographies de Chagall paraît en
1961 aux éditions Verve.
Inspiré par une image peinte
qu'il prétend avoir découvert au cours d'une
partie de chasse sur l'île de Lesbos, Longus relate
l'histoire d'amour de deux orphelins livrés à
eux-mêmes au sein d'une nature exubérante,
recueillis et élevés dans l'innocence par des
bergers, exposés au danger, séparés
puis à nouveau réunis. Evoluant entre la pastorale
et la robinsonnade, le
récit a exercé une influence discrète
mais déterminante sur l'évolution de la forme
romanesque, éveillant des échos dans
l'œuvre de Cervantes aussi bien que chez Bernardin de
Saint-Pierre qui développe un thème
parallèle dans « Paul et
Virginie » avant de s'en éloigner au
bénéfice d'une conclusion dramatique.
1. |
« Les amours pastorales de Daphnis et
Chloé » escriptes premièrement
en grec par Longus, et puis traduictes en françois (par
Jacques Amyot), Paris : chez Vincent Sertenas, 1559 |
2. |
Poète,
helléniste et polémiste, Paul-Louis Courier de
Méré, né à Paris en 1772,
est mort
assassiné en 1825. Chateaubriand évoque sa mort
tragique
dans la Vie de
Rancé :
« Courier, savant helléniste, esprit
tumultueux,
pamphlétaire à cheval, avait eu le malheur
à
Florence de tacher d'encre un feuillet de Longus : ensuite
l'éditeur d'un passage perdu de Daphnis et Chloé
était venu s'ensevelir dans les lieux qu'avait
habité
l'éditeur d'Anacréon [Rancé dans sa
prime
jeunesse]. Si les arbres sous lesquels fut tué Courier
existent
encore, qu'est-il resté dans ces ombrages
(…) ? » |
3. |
« Daphnis et Chloé
» texte d'Amyot revu par Paul-Louis Courier,
Florence : Piatti, 1810 |
4. |
L'argument est signé
de Ravel et de Michel Fokine ; création au
Châtelet par les Ballets russes avec Vaslav Nijinski et
Tamara Karsavina dans les rôles-titres, sous la direction de
Pierre Monteux. |
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INCIPIT |
En l'île de Lesbos, chassant dans un
bois consacré aux Nymphes, je vis la plus belle chose que
j'aie vue en ma vie, une image peinte, une histoire d'amour. Le parc,
de soi-même, était beau ; fleurs n'y
manquaient, arbres épais, fraîche fontaine qui
nourrissait et les arbres et les fleurs ; mais la peinture,
plus plaisante encore que tout le reste, était d'un sujet
amoureux et de merveilleux artifice ; tellement que plusieurs,
même étrangers qui en avaient ouï parler,
venaient là, dévots aux Nymphes, et curieux de
voir cette peinture. Femmes s'y voyaient accouchant, autres enveloppant
de langes des enfants ; de petits poupards exposés
à la merci de fortune ; bêtes qui les
nourrissaient, pâtres qui les enlevoient ; jeunes
gens unis par amour ; des pirates en mer, des ennemis
à terre qui couraient le pays, avec bien d'autres choses, et
toutes amoureuses, lesquelles je regardai en si grand plaisir, et les
trouvai si belles, qu'il me prit envie de les coucher par
écrit. Si cherchai quelqu'un qui me les donnât
à entendre par le menu ; et ayant le tout entendu,
en composai ces quatre livres, que je dédie comme une
offrande à Amour, aux Nymphes et à Pan,
espérant que le conte en sera agréable
à plusieurs manières de gens, pour ce qu'il peut
servir à guérir le malade, consoler le dolent,
remettre en mémoire de ses amours celui qui autrefois aura
été amoureux, et instruire celui qui ne l'aura
encore point été. Car jamais ne fut ni ne sera
qui se puisse tenir d'aimer, tant qu'il y aura beauté au
monde, et que les yeux regarderont. Nous-mêmes, veuille le
Dieu que sages puissions ici parler des autres !
☐ Livre
I, pp. 5-7
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Daphnis et
Chloé » trad. de Jacques Amyot revue par Paul-Louis
Courier, notice de Eugène de Monglave, Paris : Libretto
(Libretto, 614), 2018
- « Daphis et
Chloé » gouaches de Marc Chagall et texte
de Longus, Paris : Langlaude, 2011
- « Daphnis et Chloé,
ou les Pastorales » trad. de Jacques Amyot revue par Paul-Louis
Courier, Paris : Librairie générale
française (Le Livre de poche, 13652), 1995
- « Daphnis et
Chloé » trad. et
édité par Aline Tallet-Bonvallot,
Paris : Flammarion (GF, 818), 1995
- « Daphnis et
Chloé » adaptation et postface de
Christophe Donner, Paris : Seuil (L'Ecole des lettres), 1994
- « Daphnis et
Chloé » texte établi et
traduit par Jean-René Vieillefond, Paris : EJL
(Librio, 49), 1994
- « Les amours pastorales de
Daphnis et Chloé » trad. de Jacques Amyot, avant-propos de Sabine Wespieser, Arles :
Actes sud (Les Belles infidèles), 1988
- « Daphnis et
Chloé » trad. de Jacques Amyot revue par Paul-Louis
Courier,
préface d'André Bonnard, dessins de
Gérard de Palézieux, Paris :
Bibliothèque des arts, 1987
- « Daphnis et
Chloé » éd. bilingue, texte
établi et traduit par Jean-René Vieillefond,
Paris : Les Belles lettres (Collection des
universités françaises), 1987
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- Alain Dejammet, « Paul-Louis
Courier », Paris : Fayard, 2009
- Marcelle
Laplace, « Les Pastorales
de Longos : Daphnis et Chloé »,
Bern (etc.) : Peter Lang (Sapheneia, 15), 2010
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mise-à-jour : 29
janvier 2017 |
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