Sous
la dictée de Fanon / Marie-Jeanne Manuellan ;
contribution
éditoriale Michel Séonnet ; dessin de
couverture
Ernest Pignon-Ernest. - Coaraze : L'Amourier, 2017. -
178 p. ; 20 cm. - (Bio).
ISBN 978-2-36418-040-6
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Recrutée
en 1957 comme assistante sociale à l'Hôpital de
Tunis,
Marie-Jeanne Manuellan a travaillé pendant trois ans avec
Frantz
Fanon qui y dirigeait le Centre neuro-psychiatrique de jour.
Passés les premiers temps où l'un et l'autre font
connaissance et apprennent à travailler en commun 1,
Marie-Jeanne Manuellan est étroitement associée
à
la pratique hospitalière de Frantz Fanon puis
sollicitée
pour prendre en dictée deux de ses œuvres
politiques 2.
Marie-Jeanne
Manuellan dresse le portrait d'un homme réservé
voire
distant mais attachant, passionné à
l'extrême mais
fraternel — toujours soucieux d'apprendre et de
comprendre
pour mieux servir ses idéaux. Au-delà de cet
éclairage qui pourrait sembler anecdotique, l'auteur attache
un
intérêt prioritaire au rôle du praticien
dans son
service hospitalier, puis aux visées du militant telles
qu'il
les expose durant la maturation de ses livres. Dans l'un et l'autre
champ d'action, Fanon œuvre méthodiquement pour
soulager
et tenter de réparer les injustices qu'il observe et
dénonce. Le médecin et le militant
engagé
poursuivent des objectifs de même nature en appliquant avec
rigueur des méthodes comparables.
Ces souvenirs précieux soulignent la cohérence 3 — objectifs
et méthode — d'un parcours
fulgurant et exemplaire, en quête de l'homme nouveau.
1. |
“ Nous nous
apprivoisions ” — p. 68 |
2. |
L'An V
de la révolution algérienne et Les Damnés de la
terre. |
3. |
“
La colonisation, la guerre d'indépendance, Fanon en disait
l'essence, la dialectique, comme il savait
démêler, dans
les dires des malades, faire surgir de leur confusion, de leurs
dénégations, leurs rationalisations, les
éléments constituant du conflit qui
emprisonnaient,
à leur insu, leur psychisme et leur
liberté. ”
— p. 116 |
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NOTE
DE L'ÉDITEUR :
Marie-Jeanne Manuellan est de cette génération
qui a vu
dans les luttes de la décolonisation l'héritage
de la
résistance contre le nazisme et l'espoir d'un monde nouveau.
En
1957, elle part en Tunisie avec Gilbert, son mari, pour apporter son
concours à la construction de la jeune nation
indépendante. Il est ingénieur. Elle est
assistante
sociale. Elle est nommée au Centre neuro-psychiatrique de
jour
de l'hôpital de Tunis que dirige un certain docteur Frantz
Fanon.
Elle ne sait rien de lui. Et les premiers contacts sont rudes. Mais
Fanon comprend ce que cette femme peut lui apporter.
“ Je vais
avoir besoin de vous ” lui dit-il un jour.
“ Pour
écrire un livre ”. Et c'est ainsi que
Fanon va
successivement lui dicter L'An
V de la révolution
algérienne et Les Damnés de la
terre. L'amitié
naîtra entre les Fanon et les Manuellan. À
l'indépendance de l'Algérie, les Manuellan s'y
installeront avant de revenir en France quelques années plus
tard.
En même temps qu'il nous introduit à un Fanon
proche, familier, ce récit à la
première personne
nous fait revivre les enthousiasmes et les désillusions
d'une
femme engagée au service des indépendances.
❙ |
Marie-Jeanne
Manuellan est une combattante. De manifestation en manifestation, elle
ne cesse de porter une pancarte sur laquelle sont écrits ces
mots de Fanon : « L'Europe, qui n'en finit
pas de
parler de l'homme, tout en le massacrant partout où elle le
rencontre ». |
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EXTRAIT |
Dans sa conclusion
des Damnés
de la terre Fanon
écrit que “ l'Europe s'est refusée
à toute
humilité, à toute modestie, mais aussi
à toute
sollicitude, à toute tendresse. Elle ne s'est
montrée
parcimonieuse qu'avec l'homme, carnassière, homicide,
qu'avec
l'homme. ”
Fanon que l'on décrit abusivement comme
un “ chantre de la violence ”, appelle
à
l'humilité, à la modestie, à la
sollicitude, et
à la tendresse !
C'était là son
rêve de “ l'homme
nouveau ” qui sortirait
des indépendances. Il n'y aurait plus d'oppresseur et
d'opprimé, plus de torturé et de tortionnaire,
pour ne
laisser la place qu'à l'Homme enfin
libéré de
toute aliénation, la libération de l'un
engendrant la
libération de l'autre. Déjà dans Peau noire, masques blancs, il
décrit cette même dialectique à propos
du racisme.
☐ p. 94 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Frantz
Fanon, « Œuvres — Peau
noire, masques
blancs ; L'an V de la révolution
algérienne ;
Les damnés de la terre ; Pour la
révolution
africaine », Paris : La
Découverte, 2011
- Frantz
Fanon, « Ecrits
sur l'aliénation et la liberté »
éd. par Jean Khalfa et Robert Young, Paris : La
Découverte (Sciences
humaines), 2015
|
- Pierre
Bouvier, « Aimé
Césaire, Frantz Fanon : portraits de
décolonisés »,
Paris : Les Belles lettres, 2010
- Alice
Cherki, « Frantz Fanon,
portrait », Paris : Seuil, 2011
- André
Lucrèce, « Frantz
Fanon et les Antilles : l'empreinte d'une pensée »
suivi de « Hommage à Frantz
Fanon » par
Aimé Césaire, Fort-de-France : Le
Teneur, 2011
- Matthieu
Renault, « Frantz Fanon : de
l'anticolonialisme
à la critique postcoloniale »,
Paris :
Amsterdam, 2010
- John Edgar
Wideman, « Le projet Fanon »,
Paris : Gallimard (Du Monde entier), 2013
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mise-à-jour : 14 septembre 2018 |
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dessin
de couverture : Ernest Pignon-Ernest |
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