Frantz
Fanon et les Antilles : l'empreinte d'une pensée /
André Lucrèce ; suivi de Hommage
à Frantz
Fanon / Aimé Césaire. - Fort-de-France :
Le Teneur,
2011. - 164 p. ; 19 cm.
ISBN
978-2-918141-17-4
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Il
y a des vies qui constituent des appels à vivre. Des
« paraclets » disait le
poète anglais
Hopkins. On peut appliquer le mot à Fanon en le
dépouillant de son contexte religieux et mystique. Celui qui
réveille et celui qui encourage, celui qui somme l'homme
d'accomplir sa tâche d'homme et de s'accomplir
lui-même, en
accomplissant sa propre pensée. Dans ce sens, Frantz Fanon
fut
un « paraclet ».
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Aimé
Césaire, Hommage
à Frantz Fanon, pp. 156-157 |
Né
à Fort-de-France en 1925, Frantz Fanon est mort en 1961, il
y a
cinquante ans [en 2011, à la parution du livre d'André Lucrèce]. C'est l'occasion de remettre en pleine
lumière un
parcours humain, une pensée et une œuvre d'une
extrême exigence — en phase, aujourd'hui plus que
jamais,
avec le cours du monde et le destin de nos
sociétés.
Puisant son énergie dans la nécessité
de répondre
à l'oubli inconcevable qui frappe la pensée de
Frantz Fanon (p. 13), le
bref essai d'André Lucrèce retrace la
genèse d'un
engagement, où la jeunesse martiniquaise tient une place
déterminante, avant de s'attacher à
éclairer les
ressorts d'une pensée tendue vers un but majeur :
rompre,
par la force si nécessaire, l'emprise de la domination
coloniale
y compris dans sa forme la plus pernicieuse, celle qui s'exerce au plus
intime de l'être, dans l'inconscient individuel et collectif
des
opprimés — l'imposition culturelle
irréfléchie, pour reprendre les
mots de Fanon dans « Peau noire, masques
blancs » (cité p. 125).
En
assumant sans ambiguïté le principe d'une
réponse
violente à la violence coloniale, en agissant en harmonie
avec
les principes qu'il défendait et, plus
précisément, en s'engageant avec le FLN en
Algérie, Fanon a offert de fallacieux motifs à
tous ceux
qui, non sans succès, ont tenté d'occulter ou de
dévoyer sa pensée. Mais il n'était pas
homme de
ressentiment, encore moins nihiliste, comme le reconnaît
Aimé Césaire dans l'Hommage
si opportunément réédité en
fin de
volume : « ce violent était
amour, ce
révolutionnaire était humaniste !
(…) Si
(…) il dresse contre l'Europe un réquisitoire
passionné, ce n'est pas par sous-estimation de l'Europe, par
manque d'admiration pour la pensée européenne. Au
contraire, c'est pour s'être montrée parcimonieuse avec l'homme,
mesquine, carnassière avec l'homme. Et ce
n'est pas par hasard que le chapitre [des Damnés de la terre]
consacré précisément à la
violence débouche sur cette phrase
insolite : Réhabiliter
l'homme, faire triompher l'homme partout, une fois pour toutes,
réintroduire l'homme dans le monde, l'homme
total … »
(p. 156).
Pour
André Lucrèce, le souffle de Frantz
Fanon porte un appel au
commencement (p. 123) qu'il est urgent de réintroduire
au cœur de la réflexion sur la
réalité
d'aujourd'hui. En premier lieu — précise-t-il —
sur la
réalité antillaise
(pp. 13-14).
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EXTRAIT |
Il y a chez certains hommes une fierté fondatrice
qui les
amène à déplacer leur tente
là où on
les attend le moins. Cultivant une vérité qui est
la
leur, il y a toujours ce profil inaccessible qui bourdonne dans la
pénombre, cette voix qui travaille en
secret : ne
demeure pas retranché en toi-même, il n'y a rien
d'insurpassable, oppose le désir à l'ennui,
écarte-toi des rêves peu glorieux, même
si tu dois
te dépouiller, affirme ta délivrance et ton
consentement
au monde par ton hostilité au déni, prends ta
place aux
caractères trempés.
De tels
hommes ont cette assise sauvage et cette force entre leurs mains qui
les placent au-dessus de ce que Nietzsche appelait les
« gens de demi-mesure ». De tels
hommes dissipent
leurs blessures en prenant charnellement possession du monde.
Frantz Fanon fut de cette espèce humaine.
☐
p. 23 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Frantz
Fanon, « Peau noire, masques blancs », Paris :
Seuil, 1952
- Frantz
Fanon, « L'an V de la révolution
algérienne », Paris :
François Maspero,
1959
- Frantz
Fanon, « Les damnés de la
terre », Paris : François
Maspero, 1961
- Frantz
Fanon, « Pour la révolution
africaine :
écrits politiques », Paris :
François
Maspero, 1961
- Frantz
Fanon,
« Œuvres (Peau noire, masques
blancs ; L'an V de
la révolution algérienne ; Les
damnés de la
terre ; Pour la révolution
africaine) »,
Paris : La Découverte (Cahiers libres),
2011
- Frantz
Fanon, « Ecrits
sur l'aliénation et la
liberté » textes
réunis et
présentés par Jean Khalfa et Robert Young,
Paris :
La Découverte, 2015
|
- Pierre Bouvier,
« Aimé
Césaire, Frantz Fanon :
portraits de décolonisés »,
Paris : Les
Belles lettres, 2010
- Alice
Cherki, « Frantz Fanon,
portrait », Paris : Seuil, 2011
- Marie-Jeanne
Manuellan, « Sous
la dictée de Fanon »,
Coaraze : L'Amourier, 2017
- Matthieu
Renault, « Frantz Fanon : de
l'anticolonialisme
à la critique postcoloniale »,
Paris :
Amsterdam, 2010
- John Edgar
Wideman, « Le projet Fanon »,
Paris : Gallimard (Du Monde entier), 2013
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- André Lucrèce,
« Conversation
avec ceux de Tropiques »,
Paris : HC Éditions, 2003
- André
Lucrèce, « Martinique d'antan »,
Paris : HC Éditions, 2003
- André
Lucrèce, « Antilles : les
paroles, les visages
et les masques », Paris : L'Harmattan, 2019
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mise-à-jour : 23
mai 2019 |
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