Suzanne
Césaire : archéologie
littéraire et
artistique d'une mémoire empêchée /
Anny-Dominique
Curtius. - Paris : Karthala, 2020. -
395 p. :
ill. ; 22 cm. - (Lettres du Sud).
ISBN 978-2-8111-2794-7
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Une
des premières intellectuelles qui a tenté de
rassembler
les fragments épars de l'identité antillaise et
de
restaurer l'histoire dispersée de la Caraïbe est
certainement Suzanne Césaire. Elle est la
première
intellectuelle à avoir inventé ce que nous
appelons
maintenant le cannibalisme littéraire (une
réécriture et une appropriation magique de la
littérature de l'autre).
Suzanne Césaire est à la fois un mythe et une
énigme. Nous connaissons très peu de chose
à son
sujet. Oubliée pendant de longues années par les
critiques, Suzanne Césaire émerge maintenant
comme une
icône caribéenne.
☐ Maryse Condé,
Unheard voice : Suzanne
Césaire and the construct of a Caribbean identity
(1998),
trad.
et cité p. 67 |
Suzanne
Roussi est née le 11 août 1915 à la
Poterie aux
Trois-Îlets en Martinique. Après des
études au
pensionnat colonial pour filles de Fort-de-France, elle poursuit son
cursus à Toulouse puis à Paris où elle
fait la
connaissance d'Aimé Césaire
— c'est
là qu'ils se
marient en 1937. Par la suite les deux parcours semblent se
mêler
harmonieusement : vie
familiale (le couple aura six enfants), créatrice et
politique.
Mais en 1963 Suzanne prend
l'initiative de la rupture ; elle meurt en 1966,
épuisée par la
tuberculose.
Quelques
décennies plus tard, le souvenir de Suzanne
Césaire peine
à quitter l'ombre. Et pourtant ! Suzanne
Césaire a
exercé un rôle déterminant dans la
résistance martiniquaise au régime de Vichy ;
elle a
contribué en première ligne à
l'expérience
poétique et politique de la revue Tropiques où
elle a signé de nombreux et fulgurants articles ;
elle
s'est vigoureusement engagée aux côtés
du parti
communiste ; enfin elle a capté l'attention de
plusieurs
intellectuels parmi les plus brillants de sa
génération.
Pour
André Breton, Suzanne Césaire était
“ belle comme la flamme du
punch ” ;
René Depestre se souvient autant de sa beauté et
de son
intelligence que de la vigueur de son engagement :
“ elle était très
véhémente
quand elle parlait de la colonisation ” ;
Etiemble
trouvait dans ses yeux “ l'intensité de
la fleur de
balisier ” ; Michel Leiris se
sentait devant elle
comme devant “ un merveilleux paysage qui serait
intelligent ” ; Jean Morisset a
célébré “ la belle
lame verte de la
Caraïbe ” ; pour Joseph Zobel
comme pour
René Suvélor, Suzanne Césaire
était
“ l'âme de Tropiques ”.
Le registre est ouvert, parfois nuancé d'exaltation
exotisante, toujours marqué par la persistance
d'un éblouissement — qui pourrait en
partie expliquer
le basculement dans l'ombre. Anny-Dominique Curtius ne manque pas
d'explorer d'autres pistes non moins vraisemblables : le sexe,
la
race, le statut de femme de
célébrité, … Et,
surtout, la vigueur
voire la radicalité d'une pensée
toujours
accordée au renouveau des cultures caraïbes, de
Kamau
Brathwaite à Fabienne Kanor ou Daniel Maximin (à
qui l'on
doit une réédition récente de
l'œuvre de
Suzanne Césaire).
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Anny-Dominique
Curtius est enseignante-chercheure en études francophones et
en
théorie culturelle à l'Université
d'Iowa
(États-Unis). Sa recherche interdisciplinaire est au
carrefour
de l'écocritique postcoloniale, du cinéma, des
arts
visuels et de l'art performance en Afrique subsaharienne, dans la
Caraïbe et les Mascareignes. La muséologie et la
statuaire
postcoloniales ainsi que la patrimonialisation de l'esclavage sont au
cœur de ses recherches sur le trauma, les nœuds et
les
lieux de mémoire. Elle est l'auteure notamment de Symbioses d'une
mémoire. Manifestations religieuses et
littératures de la Caraïbe
(L'Harmattan, 2006). |
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EXTRAIT |
Suzanne Césaire.
Archéologie littéraire d'une mémoire
empêchée
analyse (…) les tactiques littéraires et
artistiques
complexes par lesquelles Suzanne Césaire circule entre ombre
et
lumière, entre lambeau de mémoire et
révélations épiphaniques, entre
exclusion et
réhabilitation, et se trouve au centre de ce
“ grand
jeu de cache-cache qui a réussi ”. C'est
elle-même qui fait cette déclaration dans son
dernier
article “ Le grand camouflage ”
pour
révéler comment la beauté des paysages
caribéens cache “ les faims, les peurs,
les haines et
la férocité qui brûlent dans le creux
des
mornes ”. Mais, c'est comme si elle avait
également
pressenti en 1945, par cette déclaration, que ses
réflexions théoriques sur le paysage allaient par
détour s'appliquer à elle-même et
à
l'absurde, injuste et violent destin qu'on lui a
réservé.
☐ Avant-propos,
pp. 13-14 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
Tropiques : 1941-1945 » collection complète
reprod. en fac-sim., Paris : Jean-Michel Place, 1994
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mise-à-jour : 12 mai 2021 |
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