Revenir
/ Raharimanana. - Paris : Rivages, 2018. -
379 p. ; 21 cm.
ISBN
978-2-7436-4337-9
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Il
ne saura pas que Revenir
n'était pas vers une terre mais vers un amour.
☐ p. 180 |
Revenir ?
Au temps enchanté de l'enfance ? Au pays
natal ?
Auprès des siens ? Auprès
d'Elle ?
Auprès des enfants ?
Pour
Hira, le chemin du retour est long, tortueux, éprouvant,
rythmé par les désordres de son île et
du monde
— spécialement par les plaies toujours
à vif
de la colonisation. En arrière-plan, l'aventure du
père : enfance meurtrie puis exigeant engagement
politique
débouchant sur la torture et la prison.
Opacités
à traverser et tensions à déjouer,
l'histoire individuelle, l'histoire familiale et l'histoire de
l'île se croisent, se mêlent ou s'opposent.
L'écriture à laquelle Hira se sait
voué depuis
l'enfance pourrait faire obstacle au retour. C'est elle qui ouvre la
voie et permet la nécessaire transmission : Raconter encore. Encore et
encore. De mille manières reprendre la voix du
père … (p. 372)
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NASSUF
DJAILANI
: […]
En creux, Revenir est
[…] un roman d’amour. Entre les lignes, on peut
lire les aveux
d’un écrivain qui est aussi un homme à
la ville. Un
homme qui avoue à sa bien-aimée être un
mari
absent. Comme si l’écriture le volait à
elle. Une
œuvre en forme de demande de pardon sans le dire ouvertement,
mais on le devine. D’ailleurs l’épouse a
cette
phrase terrible à l’adresse de
l’absent :
« Revenir tue si ce n’est pas vers
soi-même » (p. 347). Tout le
projet du roman
semble tendre vers cet objectif : revenir à soi
pour mieux
embrasser les autres. Raharimanana y parvient si bien avec ce roman
poétique, avec une écriture photographique comme
des
instantanées.
[…]
→
« Revenir,
un coup de poing signé
Raharimanana », Project-Île
(Revue d'analyse, de réflexion et de critique sur les arts
et littératures de l'océan Indien) [en
ligne]
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EXTRAITS |
La
mère de Hira était née à
Ambibaka, dans
cette brousse où l'administration coloniale avait
relégué ces bâtards ! Hira
comprenait parfaitement
pourquoi sa mère disait toujours :
« Regarde
comme nous sommes beaux ! Regarde ! Nous venons de
l'alliance
de tous ces peuples, nous venons du meilleur de tous. Nous venons des
désirs, nous venons des envies de se rassembler. Ont-ils,
ces
gens qui nous traîtent de bâtards, toutes les
beautés de ces traversées des mondes ?
C'est
magnifique de se rencontrer. Regarde, regarde comme nous sommes
beaux ! Sur ton visage les terres d'Ujunga. Sur ton visage les
terres de Pemba. De Maore. D'Aden. Sur ton visage les terres du
Morbihan. Sur ton visage les côtes indiennes
oubliées et
l'Austronésie lointaine. Sur ton visage. Sur ta peau.
Sakalava.
Antakarana. Tsimihety. Betsimisaraka. Tu es tout cela. »
☐
p. 170 |
Hira
ne parvient pas à écarter les pensées
qui
l'enracinent dans la douleur.
Lorsque ses livres le ramènent encore et toujours
à la
violence de cette île, à la violence de ce monde.
Il
voudrait simplement vivre.
Revenir, revenir ! À cet enfant qu'il
était,
soûl de la beauté du
monde, émerveillé des arabesques des abeilles ou
des
écritures sans
trace des vols d'oiseaux. Il voudrait simplement n'avoir plus
à
penser
la douleur qui n'est pas la sienne. Vivre avec Elle. Vivre avec ses
enfants. Ne pas les condamner à attendre sans fin. Attendre
qu'il
revienne de son écriture. Attendre qu'il se
dépouille de
ce qui le
hante. Attendre que son regard revienne et se pose sur eux. Attendre
que sa voix s'extirpe du silence et quitte le murmure qui l'ensable.
☐
pp. 291-292 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Lucarne »,
Paris : Le Serpent à plumes, 1996 ; Le
Serpent à plumes (Motifs, 96), 1999
- « Rêves sous le
linceul »,
Paris : Le Serpent à
plumes, 1998 ; Le Serpent à plumes (Motifs, 222), 2004
- « Nour, 1947 »,
Paris : Le Serpent à plumes, 2001 ; Le
Serpent
à plumes (Motifs, 168), 2003 ; La
Roque-d'Anthéron : Vents d'ailleurs, 2017
- « Identités,
langues et imaginaires dans l'océan Indien »
textes réunis et présentés par
Jean-Luc Raharimanana, Lecce : Alliance française
(Interculturel Francophonies, 4), 2003
- « L'arbre anthropophage »,
Paris : Joëlle Losfeld, 2004
- « Madagascar,
1947 » ill. de photos du Fonds Charles
Ravoajanahary, La
Roque-d'Anthéron : Vents d'ailleurs ;
Antananarivo : Tsipika, 2007
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Sur le site « île en
île » : dossier Raharimanana |
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mise-à-jour : 15 décembre 2018 |
La première édition du prix
littéraire Jacques Lacarrière a
distingué “ Revenir ”
de Jean-Luc Raharimanana |
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