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Il était
une fois deux anguilles ...
'I na po 'omua, e pohu'e a'a e 'ua kue'e |
Les légendes marquisiennes,
superbe héritage d'une longue tradition orale, ont été
sur le point de disparaître au tournant des XIXe
et XXe siècles ; les efforts de quelques
collecteurs étrangers au nombre desquels Karl
von den Steinen, Edward Handy ou, plus tard Henri Lavondès,
ont permis de recueillir de larges pans de cette mémoire
qui témoigne avec éclat d'une culture hautement
élaborée.
A la fin du siècle dernier,
les Marquisiens ont entrepris de se ressaisir de leur passé ;
ces efforts doivent beaucoup à l'action de Lucien Kimitete,
maire trop tôt disparu de Nuku Hiva. L'impulsion décisive
ainsi donnée ne cesse de porter des fruits prometteurs.
Aujourd'hui, ce sont les enfants
de l'école Saint Joseph de Taiohae (à Nuku Hiva)
qui reprennent le flambeau en proposant leur version — illustrée
par leurs soins — d'une légende qui permet aux lecteurs
de visiter les principales îles de l'archipel. L'initiative
peut sembler modeste ; qu'on ne s'y trompe pas : elle
illustre le moment privilégié qui voit le passage
de l'oralité à l'écriture, les deux formes
d'expression s'enrichissant l'une l'autre.
Les lecteurs peu familiers du
monde océanien découvriront ici un mode de récit
qui échappe totalement à tous les stéréotypes
occidentaux ; en reprenant les termes exacts de l'éditeur
tahitien des mythes recueillis hier par Karl von den Steinen,
on peut dire de ce bref récit qu'il ne s'agit ni d'une
« waltdisniaiserie », ni d'un conte de
fées : à la fin on ne se marie pas, on n'a pas
beaucoup d'enfants et on n'est pas heureux. A la fin, c'est fini.
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