Mémoire
/ John McGahern ; traduit de l'anglais (Irlande) par
Françoise Cartano et Marie-Lise Marlière. -
Paris :
Albin Michel, 2009. - 348 p. ; 23 cm.
ISBN
978-2-226-19086-4
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De
nouveau (…) nous passerions devant la mare de
Brady, sa
maison et sa rue, et la rue où vivaient les vieux
frères
Mahon, nous irions plus loin que la carrière profonde et
sombre,
nous emprunterions le pont de chemin de fer et grimperions la pente
abrupte qui menait à l'école en longeant la
boutique de
Mahon.
☐
p. 154 |
Derrière
la chronique familiale marquée par l'attachement
à une
mère trop tôt disparue et par le conflit permanent
avec un
père violent et fantasque, John McGahern parle d'une terre
qui
après s'être émancipée
politiquement de
l'Angleterre subit l'autorité sans partage de
l'église
catholique.
Les joies et les peines des
années de
formation semblent n'avoir d'autre fin que de mener à la
prêtrise — unique voie de promotion sociale et,
surtout,
accomplissement d'une promesse faite à la mère.
Mais ce
cheminement rigoureusement balisé reste exposé
aux
dérives et aux ruptures ; la lecture ouvrira des
voies
insoupçonnées, révèlera des
horizons de
liberté : « pourquoi n'adopter
qu'une seule vie
— être prêtre, soldat,
professeur, docteur,
aviateur —, alors qu'un écrivain est
capable de
créer avec beaucoup de force tous ces personnages ?
»
(p. 263).
John
McGahern évoque avec plaisir ses
promenades dans la campagne du conté de Leitrim —
où il reviendra se fixer à l'âge
adulte. Au rythme
du cheminement quotidien — vers l'école,
vers la
tourbière où il aide son père, vers la
rivière où il aime
pêcher — semble
répondre celui d'une vie qui se cherche :
« Je
dus être extraordinairement heureux en parcourant ce petit
chemin
pour aller à l'école. Il en existe beaucoup de
semblables
à l'endroit où j'habite, et en de rares
occasions, au fil
des années, il m'est arrivé en les suivant
d'êtrer
saisi tout à coup d'un exceptionnel sentiment de
sécurité, une paix profonde dans laquelle je
pensais
pouvoir vivre à jamais » (p. 11).
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EXTRAIT |
Bientôt, je posai des lignes le soir pour attraper
des
anguilles et j'allai jusqu'à Knockvicar à la
rame.
Parfois, l'une des filles venait avec moi pour tenir les lignes. Si
nous avions quelques pièces de monnaie, nous faisions halte
à Knockvicar où nous achetions des biscuits et de
la
limonade, celle, jaune et pétillante, que nous aimions, et
nous
prolongions ce festin royal le plus longtemps possible avant de
regagner le bateau pour nous en retourner. Mon père aimait
bien
que je fasse une bonne pêche ; il
préférait le
poisson à la viance ; ça ne
coûtait rien et il
pensait que c'était bon pour la santé. Chaque
fois que la
rivière ne m'arrachait ni au travail, ni à la
prière, je pouvais aller en bateau sans attirer l'attention,
ce
qui fit naître en moi une véribable passion et me
procura
une incroyable liberté. J'en vins à aimer ce
cours d'eau,
les signaux de navigation, les roseaux et les joncs, les
nénuphars, les lumières changeantes, les oiseaux
sauvages, les cercles que traçaient sur l'eau les poissons
en se
nourrissant, les champs en pente pareils à des pelouses,
qui,
d'Oakport House, descendaient jusqu'à l'eau, la fontaine
à l'orée des bois dont l'eau était
aussi claire et
froide que de la glace, les champignons qu'on pouvait ramasser
à
pleins seaux et qu'on faisait cuire avec du beurre et du sel,
même les hurlements des chiens qu'on nourrissait le soir
à
Oakport House ; mais ce qui m'était le plus cher
encore,
c'était la possibilité qui m'était
offerte de me
retrouver seul, tout seul, sur la rivière.
☐ pp. 211-212 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Memoir »,
London : Faber and Faber, 2005
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- « La
caserne », Paris : Presses de la
renaissance, 1986 ; Paris : 10/18, 1991
- « Les
créatures de la terre, et autres
nouvelles », Paris : Albin Michel,
1996 ; Le Livre de poche (Biblio), 2006
- « Entre
toutes les femmes », Paris : Presses de la
renaissance, 1990 ; Paris : 10/18 (Domaine
étranger, 2579), 1995
- « Haute-Terre »,
Paris : Presses de la renaissance, 1987
- « Les
huîtres de Tchekhov, et autres
nouvelles », Paris : Presses de la
renaissance, 1992
- « Journée
d'adieu », Paris : Presses de la
renaissance, 1983
- « Lignes de fond
[précédé de] L'image »,
Paris : Mercure de France, 1971
- « L'obscur »,
Paris : Éd. de la sphère,
1980 ; Paris : Presses de la renaissance,
1989 ; Paris : Livre de poche (Biblio, 3281), 1997,
2004
- « Le pornographe »,
Paris : Presses de la renaissance, 1981 ;
Paris : 10/18, 1991 ; Paris : Albin Michel,
1996
- « Pour qu'ils soient face au soleil
levant », Paris : Albin Michel,
2003 ; Le Livre de poche (Biblio), 2005
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mise-à-jour : 9
novembre 2009 |
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