Nous n'avons pas vu passer les jours /
Simone Schwarz-Bart [avec] Yann Plougastel. - Paris : Grasset,
2019. - 198 p. ; 20 cm.
ISBN 978-2-246-86149-2
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| Il
était une fois une Noire farouche et un petit juif
solitaire, qui vécurent longtemps ensemble, eurent deux
garçons et écrivirent une demi-douzaine de romans, sans
voir le temps passer …
☐ Yann Plougastel, Avant-propos, p. 18 |
NOTE
DE L'ÉDITEUR : 1959 : à la surprise générale, le prix Goncourt revient au Dernier des Justes,
premier roman d'un inconnu, André Schwarz-Bart. Ouvrier,
orphelin de parents morts à Auschwitz, ayant rejoint la
Résistance à 15 ans, il vient de rencontrer l'amour de sa
vie, Simone. L'un juif d'origine polonaise, l'autre
guadeloupéenne, l'œuvre croisée qu'ils
entreprennent est un travail de mémoire unique, associant la
tragédie des juifs d'Europe et celle des esclaves aux Antilles.
Mais les polémiques ont commencé dès Le Dernier des Justes, premier succès romanesque mondial sur l'extermination des juifs. Elles reprendront à la parution d'Un plat de porc aux bananes vertes,
cosigné en 1967. Les communautés juives et antillaises
s'offusquent du rapprochement de leurs passés. Eprouvé
par cette incompréhension, Schwarz-Bart choisit l'exil et le
silence. Il ne publiera plus jusqu'à sa mort, en 2006.
André
Schwarz-Bart voulait “ faire alliance avec tous les peuples
de la terre ”. Sa vision d'une bouleversante
modernité doit enfin être reconnue. Le récit d'une
passion absolue, d'un échange littéraire exceptionnel,
d'une tragédie du racisme identitaire.
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EXTRAITS
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André
passera sa vie à hésiter entre l'appartenance et la
non-appartenance à une langue d'expression. Doit-il opter pour
le français appris ou l'héritage familial yddish qu'il a
perdu avec la déportation de ses parents ? Il ne se
reconnaît totalement ni dans l'une ni dans l'autre. Sa relation
à la langue et à l'écriture sera toujours
compliquée. Elle passera, dans son œuvre et à
travers ses personnages, par toutes sortes de détours qui diront
pour lui l'étrangeté du fait même de parler.
Comment dire je et dire l'autre quand vous avez une sensation
perpétuelle d'illégitimité, quand vous
hésitez sans cesse entre deux dictions ? Le créole,
l'histoire et la culture antillaises lui permettront sans doute,
à travers moi, de trouver, comme en un miroir, un chemin vers
l'altérité.
☐ pp. 79-80 |
André
était un homme de l'essentiel, il avait entrepris un
questionnement gigantesque sur les pulsions du mal et la barbarie sans
cesse renaissante. Pourtant, il demeure jusqu'à la fin un
enchanté. Lors de cette épreuve, il écrivit ces
notes :
“
Pourtant, sur ce fond de mutations futures, l'écriture a
toujours un sens, au même titre que la respiration et le lien
humain. Mais c'est un sens infiniment modeste. On écrit un livre
comme on chante pour un ami autour du feu, pour le plaisir de quelques
mortels sur le point de se séparer. Comme on sourit sur le quai
à une figure inconnue qui s'éloigne avec le train. Comme
des vagabonds se rapprochent la nuit contre le froid. Comme on chante
à bord d'un bateau sur le point de faire naufrage ; et l'on
chante de tout son cœur, et la joie de tous est réelle,
bien qu'éphémère. C'est tout. ”
Bien
après Senghor, d'autres reconnaîtront le tribut
d'André à la littérature et à
l'humanité. Aimé Césaire ne rompit le silence
qu'en avril 1993, par un poème qu'il me fit parvenir et qui
s'achève ainsi :
“ Le crépuscule hésite encore sous le porche Soupçonné d'arc-en-ciel Le temps de saluer le spectre en son site crédible Vêtus de lichens et d'épiphytes La Solitude qui passe. ”
☐ pp. 164-165 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- André Schwarz-Bart, « Le dernier des justes », Paris : Seuil, 1959
- Simone et
André Schwarz-Bart, « Un plat de porc aux
bananes vertes », Paris : Seuil, 1967
- Simone Schwarz-Bart, « Pluie et vent sur Télumée Miracle », Paris : Seuil, 1972
- André
Schwarz-Bart, « La mulâtresse
Solitude », Paris : Seuil, 1972
- Simone
Schwarz-Bart, « Ti-Jean
l'Horizon », Paris : Seuil, 1979
- Simone
Schwarz-Bart, « Ton
beau capitaine », Paris : Seuil, 1987
- Simone Schwarz-Bart, « Hommage à la
femme noire
» avec la collaboration de André Schwarz-Bart (6 vol.), Paris : Ed. Consulaires, 1988-1989
- Simone
Schwarz-Bart, « Du fond des
casseroles » (1989), in Pierre Astier
(éd.), Nouvelles
de Guadeloupe, Paris : Magellan ;
Fort-de-France : Desnel, 2009
- Simone et
André Schwarz-Bart, « L'ancêtre
en Solitude », Paris : Seuil, 2015
- Simone et
André Schwarz-Bart, « Adieu Bogota », Paris : Seuil, 2017
- Simone et
André Schwarz-Bart, « Hommage à la
femme noire ” nouv. éd. en 3 vol., Lamentin (Martinique) : Caraïbéditions, 2020-2022
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- Mariella
Aïta, « Simone Schwarz-Bart dans la
poétique du
réel merveilleux : essai sur l'imaginaire
antillais », Paris : L'Harmattan (Critiques
littéraires), 2008
- Maryse Condé, « La parole des femmes : essai sur des romancières des Antilles de langue française », Paris : L'Harmattan, 1979
- Kathleen
Gyssels, « Filles
de Solitude : Essai sur l'identité antillaise dans
les
[auto-]biographies fictives de Simone et André
Schwarz-Bart », Paris :
L'Harmattan (Critiques
littéraires), 1996
- Kathleen
Gyssels, « Le folklore et la littérature
orale
créole dans l'œuvre de Simone Schwarz-Bart
(Guadeloupe) », Bruxelles :
Académie royale des
sciences d'Outre-mer, 1997
- Kathleen
Gyssels, « Marrane et marronne : la
co-écriture
réversible d'André et de Simone
Schwarz-Bart », Amsterdam : Rodopi (Faux
titre, 376),
2014
- Kathleen
Gyssels et Odile Hamot (dir.), « Intertextualités
dans l'œuvre d'André et Simone Schwarz-Bart », Relief, vol. 15, n° 2, 2021 [en ligne]
- Ernest Pépin, « La souvenance », Lamentin (Martinique) : Caraïbéditions, 2019
- Fanta
Toureh, « L’imaginaire dans l’œuvre de Simone
Schwarz-Bart : approche d’une mythologie
antillaise », Paris : L'Harmattan, 1987
| Sur le site « île en
île » : dossier Simone
Schwarz-Bart |
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mise-à-jour : 15 mars 2022 |
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