Moi j'aime pas la mer /
Françoise Xenakis. - Paris : Balland, 2004. -
109 p. ; 20 cm.
ISBN 2-7158-1500-X
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Pendant plus
de quarante-cinq ans, chaque été,
Françoise Xenakis 1
a vécu un enfer. Iannis 2,
son mari, ne délaissait la musique que pour sa seconde
passion,
le kayak en haute mer. Mais pas seul. En famille. Afin que
« son bonheur soit complet »,
disait-il. Tout le
temps et par tous les temps. Et quand enfin une crique, parfois,
apparaissait à l'horizon, il fallait qu'elle soit
déserte. Sinon lannis Xenakis remettait son fier esquif
à
l'eau, ré-embarquait femme et enfant. Et vogue la
galère.
Qu'importe si dans la manœuvre le bébé
prenait
l'eau en même temps que le barda familial. Il faut dire que
le
maître avait été champion olympique de
la
catégorie.
Bref,
Françoise Xenakis qui aimait son immense musicien de mari,
le
haïssait (?) chaque été. Le
résultat est ce
superbe Moi j'aime pas
la mer
paru pour la première fois en 1974,
régulièrement
réédité — avec,
aujourd'hui, un
épilogue, un dernier coup de chapeau donné par sa
femme,
à Iannis Xenakis, décédé le
4
février 2001.
Un ton,
une écriture iconoclaste, gouailleuse qui, depuis, a fait le
succès de Françoise Xenakis.
1. |
Françoise
Xenakis (1930-2018) est l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages ;
elle a
également travaillé dans la presse
écrite, à la radio et à la
télévision. |
2. |
Iannis Xenakis (1922-2001) est l'un des plus
importants compositeurs de musique de la seconde moitié du XXe
siècle. Son engagement politique antifasciste en
Grèce l'a contraint à l'exil en France en 1947. |
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EXTRAIT |
Nous
sommes arrivés ce soir sur un petit îlot en pleine
mer exceptionnellement vert et plein de nids de mouettes.
« Vous voyez, je
sais où trouver de beaux endroits pour camper. »
Je
marche un peu, la mer est muette pour une fois et je peux presque
croire que je suis à la campagne. Des dizaines de vers
luisants
m'entourent. Comme ils sont gros, mais ce sont des yeux de lapin et
déjà je le cherche pour lui faire part de ma
découverte. Tapi derrière une touffe d'herbes
hautes, il
me fait signe du bras, que je m'arrête. Je m'approche
évidemment quand même, c'est un face à
face entre
lui et des dizaines de rats. Mes beaux lapins
sauvages …
Nous rentrons dans la tente, moi déçue, lui
inquiet,
muet. Je le vois chercher dans ses livres et puis sa lampe
électrique … Je
m'endors … Suis
réveillée par des grattements, on marche sur la
tente et
lui dit :
« Écoute,
écoute, c'est merveilleux, tu sais que les rats sont les
animaux
les plus intelligents — mais si, tu le sais
(agacé)
alors, attends je vais te lire. »
«
Ils vivent en groupe et lorsqu'ils attaquent, deux sont
désignés et commencent à se signaler
en faisant du
bruit … Ça y est. Ils ont
décidé
d'investir, j'ai regardé par la lucarne, ils sont en train
de se
mettre en place … c'est formidable,
non ? »
[…]
À
l'aube, décidés à nous faire mordre
mais en les
voyant, nous sommes sortis en portant les enfants endormis.
Les rats
étaient aussi excédés de cette attente
que nous
car à chaque piquet ils rongeaient les ficelles afin que la
tente tombe.
C'est en courant et en faisant beaucoup de bruit que nous avons pu
arriver aux bateaux.
Au village, lorsque j'en ai parlé, ils étaient
effarés :
«
Vous avez campé à l'île aux
rats ? »
Juste
sur l'îlot où des marins au siècle
dernier avaient
trouvé de l'eau douce, et creusé un puit pour que
les
pêcheurs de toute la baie puissent s'y approvisionner. Puis
les
rats étaient arrivés, comment ?
Alors le puit
avait été bouché mais les rats s'y
sont construit
une ville souterraine et depuis c'est là, les savants le
disent,
où il y a la plus grande concentration de rats de la
Méditerranée.
☐ pp. 92-94 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Moi
j'aime pas la mer », Paris : Balland, 1972,
1979, 1994
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- «
Elle lui dirait dans l'île »,
Paris : Robert Laffont, 1970, 1978, 1997
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mise-à-jour : 14
février 2018 |
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