Les
morts concentriques / Jack London ; textes choisis et
présentés par Jorge Luis Borges. -
Paris : Retz,
Franco Maria Ricci, 1978. - 147 p. ; 23 cm.
- (La
Bibliothèque de Babel, 5).
ISBN 2-7256-0332-3
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C'est
seulement vers la fin de The House
of Mapuhi que le
lecteur comprend qui est le véritable protagoniste.
☐ Jorge Luis Borges, Introduction, p. 11 |
Les
mers du Sud et leurs îles, comme le grand Nord du continent
américain, ont fourni à Jack London un cadre
à la
mesure des intrigues romanesques où il excellait. L'exotisme
n'est pas absent, mais se fonde toujours sur une connaissance
éprouvée des lieux et de ceux qui y
vivent ; en
outre les ressorts mis en œuvre sont en harmonie avec les
convictions les plus profondes de l'auteur : “ la
doctrine darwiniste de la survivance du plus apte dans la lutte pour la
vie et l'amour infini de l'humanité ” 1.
Dans La Maison de Mapouhi
trois plans se superposent. On peut y lire une violente critique du
mercantilisme des négociants qui traitent avec la population
des
archipels polynésiens — ici les
Tuamotu ;
l'approche puis le déferlement d'un cyclone d'une rare
violence
fournit un cadre à l'action, et la précision du
reportage
peut à elle seule justifier la lecture.
Mais,
comme l'a
observé Borges, c'est dans la dernière partie du
récit que se révèle le
véritable
protagoniste : Naouri, “ une vieille femme
qui allait
vers ses soixante ans ”, balayée comme
tant d'autres
par l'ouragan puis propulsée par la mer et le vent sur un
atoll
désert éloigné. Hikuheru, l'atoll
où elle vivait
avec les siens, a dès lors disparu derrière
l'horizon ; “ mais elle était
née et
avait toujours vécu dans les îles, et gardait dans
le sang
l'accoutumance de la mer ” (p. 136).
1. |
Jorge Luis Borges, Introduction, p. 11 |
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EXTRAIT |
A la
pointe du jour, Takota était déjà
loin, mais Hikouérou ne paraissait pas.
Tandis
que Naouri pagayait vers le sud, un fort courant l’avait
déviée vers l’ouest. Tout en rectifiant
sa
direction, elle continua son âpre besogne et, au cours de
l’après-midi, elle aperçut,
à trois milles
environ devant elle, Hikouérou
découronnée de la
riche parure de ses cocotiers. Cette vue la réconforta. Mais
le
courant devenait plus violent et la pagaie de fortune dont se servait
la vieille femme était impuissante à fournir
l’effort nécessaire.
Au
coucher du soleil, un mille seulement avait été
gagné. Naouri comprit que poursuivre la lutte dans ces
conditions était vain. Car elle s’affaiblissait de
plus en
plus. Ce qui la tuait surtout, c’était
l’écopage. Elle retira ce qu’elle put de
sa
dernière boîte de saumon, l’absorba,
murmura une
prière ardente à l’adresse de son dieu
Requin et,
se laissant glisser par-dessus bord, se mit à nager. Sous la
pleine lune, elle put constater avec satisfaction qu’elle se
rapprochait sensiblement de la terre. Mais alors advint ce
qu’elle redoutait. A moins de six mètres, une
forte
nageoire coupa l’eau. Elle n’en continua pas moins
à
nager. Au bout de quelques minutes, l’aileron glissa tout
contre
elle, puis s’éloigna. Le monstre, qui
s’était
amplement repu les jours précédents, ne
paraissait point
d’une gourmandise excessive. Néanmoins, il pouvait
aussi,
si l’envie lui en prenait, la couper en deux d’un
seul coup
de sa mâchoire.
Elle
nageait toujours, faisant la planche, pour être moins
visible, lorsque l’aileron reparaissait.
Une
demi-heure s’écoula et le requin devint plus
hardi. Il
décrivait autour de Naouri des cercles toujours plus
étroits. Il était inutile de
s’illusionner.
Tôt ou tard, le tigre des mers, qui mesurait cinq
mètres
de long, se déciderait à foncer sur sa proie.
Naouri se
résolut à un coup d’audace. Jouant le
tout pour le
tout, elle décida d’attaquer le monstre la
première.
☐ pp. 141-142 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- «
The house of Mapuhi », McClure’s
Magazine, January 1909
— pp. 247-260 (ill. by Wladyslaw T. Benda)
- «
The house of Mapuhi », in South sea tales, New
York : The Macmillan Co, 1911
- «
La maison de Mapouhi » trad.
par Paul Gruyer et Louis Postif,
in Contes des mers du
Sud, Paris : Hachette, 1931
- « La
case de Mapuhi » trad. par Emmanuelle Vial, in Alain
Quella-Villéger (éd), Polynésie : Les
archipels du rêve, Paris : Omnibus,
1996
- «
La maison de Mapouhi » trad.
de Paul Gruyer et Louis Postif revue et corrigée par Robert
Sctrick, in Contes des mers du Sud,
Paris : Phébus (Libretto, 81), 2001
- « La maison de Mapouhi » in Les morts concentriques,
textes choisis et présentés par Jorge Luis Borges,
Paris : FMR, Ed. du Panama (La Bibliothèque de Babel, 7),
2008
- « La maison de Mapuhi » trad. par Marie Picart, in Les morts concentriques, Paris : Sillage, 2013
- « La maison de Mapuhi » in Romans, récits et nouvelles Tome II, Paris : Gallimard (La Pléiade, 616), 2016
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mise-à-jour : 3
avril 2020 |
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“ South Sea
Tales ”,
New York : Macmillan, 1911 |
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