Atlas
des îles abandonnées / Judith Schalansky ; traduit de
l'allemand par Élisabeth Landes ; préface d'Olivier
de Kersauson. - Paris : Arthaud, 2010. - 139 p. :
cartes ; 27 cm. ISBN 978-2-0812-3820-6
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| Il faut mettre son nez dans ces extrémités que sont les îlots, y aller voir.
Olivier de Kersauson, Préface, p. 9 |
Le
sous-titre de l'édition originale (qui n'est pas traduit dans
l'édition française) précise que l'auteur ne s'est
pas rendue dans les îles qu'elle présente dans son Atlas
— et qu'elle ne s'y rendra pas ; de fait, il s'agit
d'une invitation à la rêverie insulaire : cinquante
petites îles, souvent éloignées des grandes routes
maritimes et pas ou peu habitées, sont l'objet d'une
brève notice et d'une carte.
Le champ géographique est largement ouvert : Arctique (de Solitude à l'île Rodolphe), Atlantique (de Saint-Kilda à Thule du Sud), océan Indien (de l'île Saint-Paul à Tromelin), Pacifique (de Napuka à Takuu), Antarctique (de l'île Laurie à l'île Pierre Ier).
Chacune de ces escales imaginaires est l'occasion de mettre en
lumière une particularité géographique ou
naturelle — le combat des fourmies jaunes contre les crabes de terre à l'île Christmas ; une page d'histoire — à Sainte-Hélène ou à Iwo Jima ; un fait divers jamais élucidé — à Floreana ; un récit légendaire — à Atlassov.
Plus généralement, cette navigation vagabonde permet
à l'auteur d'illustrer quelques-uns des grandes thèmes
qui ont contribué à populariser le récit
insulaire : fortunes de mer, hasard des rencontres, aspiration
utopisante, hantise de la claustration, …L'Atlas
refermé, il reste à prendre la mer ou à poursuivre
la navigation dans les bibliothèques, ne serait-ce qu'en
suivant, pour commencer, les pistes suggérées par Judith
Schalansky qui mentionne Johann Gottfried Schnabel à Tristan da Cunha, Darwin aux îles Keeling du Sud, Jules Verne à l'île de la Possession, Magellan à Napuka ou, parmi d'autres encore, Alexander Selkirk à … Robinson Crusoé.
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EXTRAIT |
Île Atlassov Kouriles septentrionales (Russie) Russe Ostrov Atlassova | Japonais Araido-tō
Ce
n'est pas du porteur de la voûte céleste que l'île
tient son nom, mais d'un cosaque ; elle est constituée d'un
seul mont qui émerge, solitaire, des flots et dépasse
toutes les autres perles d'une chaîne d'îles aux plages de
sable noir. Et ce mont, que le peuple des Kouriles appelle Alaïd,
est plus beau que le Fuji. L'hiver, son sommet de basalte gris est
paré d'un revêtement de neige immaculée. C'est le
plus septentrional des volcans de cette partie de la ceinture de feu
éclatée en îles éparses, il a quarante ou
cinquante mille ans, et l'harmonie de ses formes enchante l'œil.
On raconte qu'il se trouvait jadis au milieu du lac des Kouriles, au
sud de Kamtchatka. Il était si haut, si imposant, qu'il faisait
de l'ombre à tous les sommets voisins. Ils s'en
indignèrent et lui cherchèrent querelle. Mais en
réalité, sa beauté parfaite les faisait
pâlir de jalousie. Le mont s'en affligea fort et se vit
forcé d'abandonner sa place séculaire au milieu des
autres. Il entreprit donc un long voyage pour se fixer finalement bien
loin à l'écart dans l'océan.
Mais en
souvenir du temps passé dans le lac des Kouriles et en signe de
deuil, il laissa là son cœur, qui se dit outchitchi
en langue aïnou, la langue des Kouriles, et
« cœur de roche » en russe. C'est un rocher
de forme conique, situé maintenant au milieu du lac.
Le
fleuve Ozernaïa, qui a fait son lit dans le tracé de son
périple, témoigne du long voyage qui fut imposé au
mont. Quand celui-ci se souleva pour partir, l'eau du lac se
précipita pour lui emboîter le pas. C'est ce mince cordon
ombilical de couleur bleue qui relie encore le mont exilé
à sa terre d'origine.
☐ p. 84 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Atlas der abgelegenen Inseln :
fünfzig Inseln, auf denen ich nie war und niemals sein
werde », Hamburg : Mare, 2009
- « Taschenatlas
der abgelegenen Inseln : fünfzig Inseln, auf denen ich nie
war und niemals sein werde », Frankfurt am Main : Fischer, 2011
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mise-à-jour : 12 juin 2017 |
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