8ème édition du Prix du Livre Insulaire
(Ouessant 2006)
ouvrage sélectionné |
Du bon usage des
îles / Jean-Paul Loubes. - Gardonne :
Fédérop, 2006. - 180 p. : ill.,
carte ; 21 cm.
ISBN 2-85792-164-0
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Spécialiste de la
Chine, Jean-Paul Loubes réunit ici quatre récits
qui forment un rouleau de peinture placé
sous le double signe de la joie et d'une volonté de
résistance aux compromissions : « l'humanité
urbaine est occupée (…) à verrouiller
ses portes, à s'endurcir le
cœur ».
En quête
d'ouverture, le premier temps suit la route du nord en
été, alors que « toute
l'Europe descend vers le soleil (comme s'il ne
brillait pas aussi au nord !) » ; destination
l'île de Magerøy, « là
où la côte de l'Europe se retourne pour regarder
le Pôle ». Jean-Paul Loubes ne
voyage pas seul ; des livres l'accompagnent, occasion d'un
dialogue discontinu avec Jack Kerouac …
C'est ensuite, à
peine moins au nord, l'archipel des Lofoten où l'approche du
Maelström — flux tourbillonnant soumis au rythme des
marées entre les îles de Moskenes et de
Vaerøy — renvoie aux Histoires
Extraordinaires d'Edgar Poe. Non loin de là, sur
l'île de Røst en 1431, les rescapés du
naufrage de la nef vénitienne Querina ont été chaleureusement accueillis par une petite
communauté de pêcheurs. Dans ce milieu propice aux
fortunes de mer, Jean-Paul Loubes évoque le souvenir encore
vivace des villages de la côte ouest : « trop
exposés aux tempêtes, [ils] ont
été déplacés, les maisons
de bois démontées et reconstruites dans les
fjords abrités de la côte est ».
C'était dans les années cinquante ;
depuis, la nature reprend ses droits, « un
retour à la seule géologie ».
Le troisième temps
du récit gagne encore au sud. L'auteur arpente les
îles d'Aran, sur les pas de Nicolas Bouvier et de
Synge ; dans la rumeur de l'océan, le
paysage lui apparaît marqué par la
volonté des générations qui ont
édifié un impressionnant réseau de
murs de pierre, « immense projet
collectif, hors du temps, à l'ampleur peut-être
même insaisissable pour l'esprit de ceux qui, leur vie
durant, s'y employèrent ».
A Tautra, près de
Trondheim en Norvège, « il ne
se passe jamais rien » au dire des
quarante-trois habitants. Dans la lumière du couchant,
Jean-Paul Loubes contemple le lent passage d'un cargo blanc, venu du
sud …
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EXTRAIT |
Thoreau fait de Walden son île, island
en anglais, ce qui lui permet d'en
dériver I-land, le territoire, la terre
du moi. Continuant à jouer sur les mots, Thoreau dit que
Walden, c'est walled-in, qui signifie
« entouré de murs ».
C'est un territoire d'intériorité, à
l'écart des agitations vaines et du bruissement du discours
social qui consume nos énergies. L'île de Tautra,
l'espace muré de Dun Dùchathair, le grenier de la
maison, la cabane en forêt, sont les figures
réalisées de ce repli qui peut permettre que le
moi se projette ensuite au-delà, au-dehors, mais en sachant
au moins d'où il part. Obnubilés par les
charlatans qui nous désignent un point d'arrivée,
un futur disent-ils, nous en avons oublié d'où
nous venons.
☐ Épilogue
de la grenouille tachetée, pp. 177-178
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « La
lune dans mes bras » poèmes,
Gardonne : Fédérop, 2002
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- Pietro
Querini, Cristoforo Fioravante et Nicolò de Michiel,
« Naufragés »
trad. du vénitien et postface par Claire Judde de
Larivière, Toulouse : Anacharsis, 2005
- Nicolas
Bouvier, « Journal
d'Aran et d'autres lieux »Paris :
Payot (Voyageurs), 1990
- John M.
Synge, « Les
îles Aran » trad. de l'anglais
par Pierre Leyris, Castelnau-le-Lez : Climats, 2000
- Henry David
Thoreau, « Cap
Cod » trad. et
présenté par Pierre-Yves Pétillon,
Paris : Imprimerie nationale, 2000
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mise-à-jour : 21
juin 2006 |
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