Rêves
arctiques : imagination et désir dans un paysage
nordique / Barry Lopez ; trad. de l'américain par
Dominique Dill. - Paris : Union générale
d'éditions, 1993. - 571 p. :
cartes ; 18 cm. - (10/18, 2359).
ISBN 2-264-01843-7
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BARRY
LOPEZ :
[…]
En sortant de la
forêt qui marque la limite sud du Grand Nord, on laisse
derrière soi les chouettes de Tengmalm serrant contre le
duvet de leur poitrine leurs proies raidies par le froid, pour les
dégeler. Droit devant s'ouvre un vaste paysage sauvage que
les cartes signalent par des noms frappants, étranges :
glacier de Frère Jean, cap du Mouchoir Blanc, île
de Navy Board, île de l'Ours en Peluche, collines
Zébrées, fjord de la
Dextérité, canyon de Saint-Patrick, crique de la
Famine. Les Esquimaux chassent encore le phoque marbré dans
les larges baies des îles des Fils du Clergé et de
la Société Royale d'Astronomie.
C'est le pays où
les avions cherchent des icebergs de la taille d'une ville comme
Cleveland, et où les ours polaires tombent des
étoiles. C'est une région, comme le
désert, où naissent les métaphores et
les pressentiments. Par le simple fait de vous pencher sur le nid d'une
alouette hausse-col, vous jouez votre vie sur un rêve.
☐
Préface,
p. 31
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EXTRAIT |
J'étais fasciné par
l'île Axel Heiberg […]. Je me disais que cette
île était plus lointaine que tout ce que je
pouvais imaginer, et pour la première fois, après
tant de mois passés dans le Nord, je sentis que je passais
la frontière du Grand Nord. […] Ici la
beauté est telle qu'on la ressent dans sa chair. On la sent
physiquement, et c'est pourquoi son approche est parfois terrifiante.
D'autres beautés ne s'emparent que du cœur ou de
l'esprit.
Pendant de longs moments, je perdis le sentiment
de ma durée et de mon but en tant qu'être humain.
Dans les falaises de l'île Axel Heiberg, j'ai
trouvé ce que je savais des montagnes quand
j'étais enfant : d'elles venaient une connaissance
que l'on recevait, pour laquelle il n'y avait pas de mots mais
seulement, très vaguement, des prières.
[…] Dans le calme de l'île Axel Heiberg, je me
sentis pour la première fois aux limites d'un paysage
inviolé.
[…]
Regarder le pays, ce n'était jamais oublier les personnes
qu'il contenait.
☐ pp. 521-522
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Arctic
dreams : imagination and desire in a northern
landscape », New York : Charles Scribner's
sons, 1986
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- « Rêves
arctiques : imagination et désir dans un paysage
nordique » trad. de l'américain par
Dominique Dill,
Paris : Albin Michel, 1987
- « Rêves
arctiques : imagination et désir dans un paysage
nordique » trad. de l'américain par
Dominique
Letellier, Paris : Gallmeister (Nature writing), 2014
|
- « Field notes », New York : Knopf,
1994 ; « Les dunes de Sonora » trad. de
l'américain par Suzanne V. Mayoux, Paris : Plon, 1997
- « About this life : journeys on the threshold of memory », New York : Knopf, 1998
- « Horizon », New York : Knopf, 2019
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→
Yves-Charles Grandjeat,
« L’écriture de la
nature chez Barry Lopez : enjeux et
stratégies », Caliban,
19 | 2006, pp. 279-289 [en ligne]
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mise-à-jour : 31 décembre 2020 |
Né en 1945, Barry Lopez est mort le 25 décembre 2020 à Eugene dans l'Oregon. |
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