Le dernier corsaire
(1914-1918) / Félix de Luckner ; traduit de
l'allemand par Louis Berthain ; lettre introductive de
Michèle Polak. - Paris : La
Bibliothèque, 2005. -
302 p.-[1] pl. ; 21 cm. - (Les
Navigations de la Bibliothèque).
ISBN 2-909688-38-0
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Seefahrt tut not.
Nous avons besoin de la mer. |
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Le charme du livre tient
autant aux aventures vécues par le dernier corsaire
qu'au style alerte dans lequel elles sont relatées
— à noter encore qu'il n'est pas si
fréquent qu'un épisode d'un conflit
dévastateur (la première guerre mondiale) se soit
déroulé sans aucune effusion de sang, avec
loyauté, élégance et courtoisie.
Le jeune comte von Luckner
s'ennuie à l'école ; après
avoir redoublé sa quatrième, il quitte le
domicile familial et trouve à s'embarquer comme mousse sur
un navire russe à destination de l'Australie. La fascination
de la mer ne le quitte plus ; quand le conflit se
déclare, il en fait son terrain de jeu en armant pour la
course un grand voilier, le Seeadler, travesti en
inoffensif transport de bois norvégien pour forcer le blocus
britannique en mer du Nord. Dans sa descente de l'Atlantique, le Seeadler
coule onze cargos alliés, puis il
double le cap Horn en avril 1917 et reprend la chasse sur la ligne
qu'empruntent les navires commerciaux pour relier les côtes
américaines à l'Australie et à la
Nouvelle-Zélande, ajoutant trois nouvelles prises
à son tableau.
Mais le scorbut menace, et
Luckner recherche une île isolée pour y faire une
discrète escale réparatrice. Ce sera Mopelia,
atoll situé à l'ouest de Maupiti dans les
îles Sous-le-Vent ; là un concours de
circonstances ou de maladresses cause la perte du Seeadler
jeté sur le récif, sans perte humaine, mais
définitivement inapte à poursuivre sa mission.
Trois Polynésiens vivent à Mopelia où
ils chassent la tortue pour le compte d'une
société française ; avec leur
aide, les marins du Seeadler et leurs prisonniers
organisent une vie de Robinson en vue d'un séjour d'une
durée indéterminée : « les
tentes des prisonniers se dressaient à gauche des cabanes
indigènes ; les nôtres étaient
à droite ; la plage, courant devant les tentes,
allait de Germantown à Americantown et à
Frenchtown. La Seeadlerpromenade était souvent fort
animée, et les Américains se mêlaient
amicalement à notre flânerie du
soir »
Mais l'inactivité,
fût-ce au pays des fées,
pèse aux esprits aventureux. Une embarcation de fortune est
construite, la Kronprinzessin Cecilie,
« le plus petit croiseur de la marine
allemande », canot non ponté
de six mètres. Fin août, le comte Luckner embarque
avec cinq de ses marins à destination des îles
Fidji où ils sont
arrêtés … sans que cela
suffise à mettre un terme à l'aventure.
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EXTRAIT |
Il fallait aborder dans une île pour
nous y refaire. Après quoi nous passerions à la
Géorgie du Sud pour y détruire le poste des
baleiniers anglais, et nous reprendrions nos affaires dans la
région plus fructueuse de l'Atlantique.
Nous avions d'abord pensé à
l'une des grandes îles Cook. Mais il pouvait s'y trouver un
poste de T.S.F., et d'ailleurs, dans des parages plus
fréquentés, nous courions plus de risques de
perdre notre incognito. Nous ne voulions pas aller vers l'est, car il
fallait épargner notre moteur indispensable au moment des
attaques. Enfin, et notre île devait être
inhabitée, nous choisîmes Mopélia, dans
l'archipel de la Société.
Ces îles du Sud, si charmantes qu'elles
soient, présentent l'inconvénient de n'offrir au
marin ni rade ni ancrage. L'île fût en vue le 29
juillet ; à mesure que nous nous approchions, il
nous semblait entrer au pays des fées.
Précédant le salut des hautes palmes, les bancs
de corail descendaient par degrés sous les eaux, allumant,
à chaque profondeur, des reflets différents.
L'humus fixé sur l'écueil circulaire avait
formé quatre îlots et une île assez
longue, entourant la lagune ronde, profonde et calme, semblable
à quelque étang secret au bout du monde. Mais le
court canal d'accès à la lagune était
trop étroit pour le Seeader ;
un fort courant y régnait. Nous fixâmes une ancre
sur le banc de corail, et nous prîmes une bonne longueur de
câble métallique pour rester à bonne
distance de l'île.
Quand les canots furent mis à la mer,
nous éprouvâmes le sentiment de Christophe Colomb
découvrant sa terre inconnue.
☐ Naufrage
et robinsonnade, pp. 206-207
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- Felix von
Lückner, « Seeteufel : Abenteuer
aus meinem
Leben », Leipzig : K.F. Koehler, 1921
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- Félix
de Lückner, « Le dernier corsaire
(1914-1918) » trad. de l'allemand par Louis
Berthain, Paris : Payot, 1927
- Félix
de Lückner, « Lückner, l'aigle des
mers » adapté par Patrick de Gmeline et
Joséphine Sinclair avec des ill. de Claude Le Baube, Paris,
Limoges : Lavauzelle, 1985
|
- James N. Bade, « Count Felix von
Luckner's 1938 ' Propaganda ' visit to New Zealand and its
consequences » in Emily Turner-Graham and Christine Winter
(eds.), National socialism in Oceania : a critical evaluation of its effect and aftermath, Frankfurt am Main, Berlin : Peter Lang, 2010
- « Corsaire,
naufrage et mensonges : la vérité au
sujet de la perte du navire Seeadler sur le
récif de l'atoll de Mopelia en 1917 »
d'après un texte de James N. Bade, Tahiti Pacifique
magazine, n° 170, juin 2005
(pp. 41-45)
- James N.
Bade,
« Von Luckner, a reassessment : Count Felix
von Luckner in New Zealand and the South Pacific 1917-1919 and
1938 », Frankfurt am Main : Peter Lang, 2004
- Gérard
A. Jaeger, « Luckner, ou le roman vrai d'un corsaire
du XXème
siècle », Grenoble :
Glénat, 1995
- Wolfgang
Knape,
« Felix Graf Luckner, der Seeteufel aus
Sachsen », Taucha : Tauchauer Verlag, 1999
- Hans D.
Schenk
(ed.), « Graf Luckners Seeadler :
das Kriegstagebuch einer berühmten
Kaperfahrt », Hamburg : Carlsen, 1999
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mise-à-jour : 20
juillet 2021 |
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