Avant et après /
Paul Gauguin. - Papeete (Tahiti) : Éd. Avant et
Après, 2003. - 210 p. ; 19 cm.
ISBN 2-907716-25-5
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Reclus dans son
dernier décor, sur l'île
d'Hiva Oa, Gauguin écrit. « Ceci n'est pas un
livre », précise-t-il aux premières
lignes. Une bouteille à la mer ? Il y évoque ses
derniers combats, son engagement auprès des Marquisiens
broyés par une civilisation venue d'outre-mer avec ses
gendarmes séculiers et spirituels. En même temps
il convoque le souvenir de ses pairs dans une perspective qui rapproche
Michel Ange de Rodin, Hokusaï de van Gogh,
Raphaël et Velasquez de Cézanne et Degas.
Il a fait son deuil du grand
rêve de l'Atelier des Tropiques, mais il
a plus que jamais la volonté de participer à l'œuvre
commune. Sauvage et isolé : oui ! Mais toujours
solidaire dans son isolement : une main tendue vers ses amis
marquisiens, l'autre saluant au bout du monde Verlaine, Strindberg ou
— les siècles passés s'estompent avec
l'éloignement — Giotto : « je
voudrais passer ma vie en si honnête compagnie ».
En 1894 à Paris,
après son premier séjour océanien, il
lui arrivait de rêver : « Si nous allions encore
une fois au 17ème
de latitude ? Là les nuits sont toutes
belles ». Il y est retourné,
définitivement. Tahiti d'abord, puis Atuona où il
peint avec, semble-t-il, plus de
sérénité, et plus de
gravité. Les dernières pages d'Avant et
Après sont datées de février
1903. Gauguin meurt trois mois plus tard, au matin du 8 mai. Premier
sur les lieux son ami Tioka entonne une lamentation funèbre
(cf. Danielsson) ;
très vite arrivent l'évêque et le
brigadier …
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EXTRAITS |
A travers le grand Océan un navire
vient de toucher la terre et c'est un îlot qui n'est pas
marqué sur la carte. Trois habitants cependant : un
gouverneur, un huissier et un marchand de tabac avec timbres-poste.
Déjà !!!
Ah ! lecteurs vous croyez que c'est commode de trouver un coin
tranquille à l'abri des méchants. Pas
même l'Ile du
Docteur Moreau : pas même la
planète de Mars.
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p. 60
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Différents épisodes, maintes
réflexions, certaines boutades, arrivent en ce recueil
venant d'on ne sait où, convergent et
s'éloignent ; jeux d'enfant, figures de
kaléidoscope. Sérieux quelquefois, badin souvent
au gré de la nature si frivole ; l'homme traîne
dit-on son double avec lui. On se souvient de son enfance : se
souvient-on de l'avenir ? Mémoire d'avant.
Peut-être mémoire d'après, je ne
saurais préciser.
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p. 100
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A
ma fenêtre ici aux Marquises, à Atuana, tout
s'obscurcit,
les danses sont finies, les douces mélodies se sont
éteintes. Mais ce n'est pas le silence. En crescendo le vent
zigzague les branches, la grande danse commence ; le cyclone
bat
son plein. L'Olympe se met de la partie ; Jupiter nous envoie
toutes ses foudres, les Titans roulent les rochers, la
rivière
déborde. Les immenses maiore sont renversés, les
cocotiers ploient leur échine, et leur chevelure frise la
terre ; tout fuit : les rochers, les arbres, les
cadavres
entraînés vers la mer. Passionnante orgie des
Dieux en
courroux. Le soleil revient, les cocotiers altiers relèvent
leur
panache, l'homme aussi ; les grandes douleurs sont passées,
la
joie est revenue, la mère sourit à l'enfant. La
réalité d'hier devient la fable et on l'oublie.
☐
pp. 208-209
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Avant
et après » fac-simile du manuscrit
original, Leipzig : Kurt Wolff Verlag ;
Paris : E. Druet, 1918
- « Avant
et après » avec les 27 dessins du
manuscrit original, Paris : G. Crès, 1923
- « Avant
et après », Taravao (Tahiti) :
Éd. Avant et Après, 1989
- « Avant
et après » préface de
Jean-Marie Dallet, Paris : La Table ronde (La Petite
vermillon, 35), 1994, 2017
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mise-à-jour : 31
août 2017 |
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couverture
et frontispice de l'éd. Crès (1923) |
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