La prochaine édition du
        Salon du Livre Insulaire (Ouessant, 22 au 25 août
        2002) mettra au premier plan les utopies insulaires. L'Utopie
        de Thomas More — texte fondateur — a été
        publiée en 1516, un quart de siècle après
        le premier voyage de Christophe Colomb et c'est d'un navigateur,
        Raphaël Hythlodée, que l'auteur affirme tenir les
        éléments de son récit. Autant dire que,
        pour être de nulle part, l'utopie a toute sa place non
        seulement dans l'histoire mais aussi dans la géographie.
        Derrière l'apparent paradoxe, c'est une constante du genre ;
        on ne compte plus les textes, tenus pour utopiques et qu'il a
        fallu requalifier en récits de voyages — François
        Leguat à Rodrigues, et comment ne pas penser à
        l'accueil réservé à la relation des voyages
        de Pythéas ? —, ceux auxquels on a fait
        effectuer un parcours inverse — l'épisode de
        Libertalia à Madagascar —, ceux encore qui laissent
        subsister le doute, comme pour Evhémère chez qui
        il est parfois difficile de faire la part de l'observation, directe
        ou indirecte, et de l'affabulation plus ou moins délibérée.
        Entre le rêve insulaire et la réalité, la
        ligne de démarcation est poreuse, ce que démontrerait
        s'il le fallait encore l'énergie déployée
        par tous, en Haïti ou à Cuba par exemple, pour vivre
        au jour le jour des utopies que le reste du monde juge pour le
        moins déraisonnables. Les conférences du 4ème
        Salon du Livre Insulaire exploreront les questions soulevées
        par cette résistance, qu'elle s'exprime dans les livres
        ou dans la réalité.
        Autre sujet inscrit au premier
        plan du programme de cette prochaine édition : la
        Nouvelle-Calédonie. La dimension utopique de l'histoire
        de la Grande-Terre est incontestable ... Elle marque la
        littérature qui se construit, riche des apports croisés
        de deux cultures — culture endogène de la parole,
        culture exogène de l'écrit. Sans forcer le trait,
        il est encore possible d'entendre un vif écho du rêve
        îlien d'une vie meilleure dans la bienveillante attention
        portée par Henri Queffélec — on
        célébrera cette année le dixième
        anniversaire de sa mort — aux communautés insulaires
        des côtes armoricaines : « ces petites
        îles bretonnes sont aussi des terres rares, où l'on
        respire un air unique. Non seulement macareux, hérons-butors,
        pétrels-fulmars, phoques, marsouins, peaux-bleues, etc.,
        ont depuis le début aimé ces îles, mais des
        hommes les ont adoptées pour y vivre » (Aimer
        les îles bretonnes, 1991).
        
          en guise de voeux tardifs ...
          ... les premières
          semaines de l'année 2002 ont été marquées
          par la parution de trois « livres insulaires »
          remarquables et qu'il faut lire !
          Aux antipodes du roman exotique, c'est à la Nef des
          fous ou à une nouvelle Danse macabre que fait
          irrésistiblement penser « Soupir »,
          le sixième roman de la mauricienne Ananda Devi.
          Et, de l'archipel caraïbe, nous arrivent presque simultanément
          deux autres chefs-d'oeuvre : un court récit du haïtien
          Lyonel Trouillot, un long roman du martiniquais Patrick Chamoiseau.