L'octopus
et moi / Erin Hortle ; traduit de l'anglais (Australie) par
Valentine Leÿs. - Paris : Dalva, 2021. - 397 p. ;
21 cm. ISBN 978-2-492596-00-1
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| Moi et l'octopus, pense-t-elle en contemplant son reflet. L'octopus et moi. Moi et l'octopus. L'octopus et moi.
☐ p. 177 |
Après
des études en marketing et management culturel à
Melbourne, Lucy a choisi de vivre en Tasmanie, parmi les hippies et les
bouseux, soit “ les
deux faces d'une même pièce (…) qui ont exactement
le même amour pour le bush, aussi féroce et
primitif ” (p. 220). Aux yeux des plus indulgents de ses
proches, Lucy “ n'est pas une plante indigène de
Tasmanie (…), c'est une plante indigène
d'Australie ” qui a “ passé des
années à infuser comme un sachet de thé dans le
bain de son éducation postmoderne et
poststructuraliste ” (p. 347).
Les sujets de
tension et les occasions de friction entre Lucy et son entourage ne
manquent donc pas. La rencontre inattendue et brutale avec une
pieuvre amorcera une succession chaotique d'événements
qui mettront à l'épreuve la résistance et la
cohésion du microcosme où Lucy peine à trouver sa
place.
Les animaux marins, les pieuvres (octopus) en particulier, sont au premier plan mais n'interviennent que comme des comparses
— au mieux miroirs ou révélateurs de passions
très humaines. Et c'est Lucy qui prend la lumière. Lucy
et ses contradictions. Lucy et les épreuves douloureuses qui
l'assaillent. ❙ | Evin
Hortle vit sur une presqu'île de Tasmanie. Passionnée par
l'océan et la question écologique, quand elle n'est pas
dans ou sur l'eau, elle enseigne la littérature à
l'université. L'octopus et moi est son premier roman. |
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EXTRAIT |
Je
me propulse je m'enroule je tourbillonne et la surface approche et je
touche-vois la clarté des étoiles qui frôle ma
peau. Mes tentacules dessinent des traces sur le sable et je regarde
les minuscules poissons les puces de mer s'éparpiller dans l'eau
qui balance et soupire autour de moi. Mes tentacules s'enroulent
tourbillonnent se rassemblent se bouclent sur le sable et le limon
tandis que je me propulse je tourbillonne je … Un oursin ! Je
touche-goûte le venin de ses épines qui me piquent et j'ai
mal je me propulse plus loin loin loin. Un tourbillon de bulles lave ma
peau et je m'enroule me déroule je m'enroule me déroule
et tout en tourbillonnant je me souviens de la chair onctueuse
sucrée corsée dans mon bec. Je me souviens que tapie
dans un herbier d'algues onduleuses j'ai guetté une langouste
dressée au-dessus d'un oursin qui l'a retourné de ses
pinces. Une fois retourné ses épines étaient plus
petites plus souples et j'ai vu que sa bouche était faible et
pénétrable j'ai regardé la langouste tirer la
chair par le trou et une brume de filaments est sortie en volutes dans
l'eau et m'a frôlée je l'ai
touchée-goûtée j'en voulais. J'ai ondulé
lentement hors des herbes jusqu'aux rochers au-dessus de la langouste
j'ai ouvert tout grand mon manteau et je l'ai laissé retomber
sur elle je l'ai tirée en moi je l'ai engloutie et elle se
secouait se contractait se débattait dans mes bras et je l'ai
tenue et tenue encore j'ai senti le goût de sa panique de sa
confusion de sa défaite jusqu'à ce qu'elle s'immobilise.
J'ai d'abord pensé serrer la langouste broyer son armure dans
mon bec mais dans ses pinces le goût-couleur-odeur de l'oursin
était si sucré si corsé. J'ai abandonné la
langouste qui s'est précipitée sous l'avancée
rocheuse je me suis introduite dans la bouche de l'oursin du bout de
mon tentacule recourbé j'ai sorti une lame de chair et je l'ai
pressée contre mon bec c'était onctueux un délice.
☐ Je suis elle, pp. 277-278 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « The octopus and I », Sydney : Allen & Unwin, 2020
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mise-à-jour : 15 septembre 2021 |
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