Rékòt,
brisures de mots / Max Rippon ; préface de Maryse
Condé ; ill. de Michel Rovelas. - Pointe-à-Pitre :
Jasor, 1996. - 89 p. : ill. ; 22 cm.
ISBN 2-9502195-6-X
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MARYSE CONDÉ : […]
C'est connu, je ne suis pas de
ceux qui croient aux vertus particulières de tel ou tel
idiome. L'opposition binaire : langue de colonisation étrangère/langue
de plantation maternelle me semble un fâcheux héritage
colonial. Je crois, et je l'ai souvent dit, qu'un écrivain
n'a pas de langue maternelle. C'est en dynamitant la forêt
des repères et des balises et des signes reconnus qu'il
ouvre sa voie à lui et trouve sa voix, cachée au
plus profond. Si le créole de Max Rippon me paraissait
essentiel, c'est qu'indifférent à toute jactance
théorisante et militante, tout en évitant la nostalgie,
il portait à ma mémoire la vérité
d'un monde que je ne pouvais plus habiter.
Ce nouveau recueil Rékòt
m'apparaît comme différent. Certainement, il se
veut du terroir et garde des accents d'autrefois, ce que le poète
appelle « la parole des plantations de cannes suries »
(Lékòl an mwen, Soukougnan ou encore
Aka Gaga). Mais il marque l'émergence d'une modernité
d'une nature particulière. Inspiration ouvertement lyrique
marquant la revendication de l'individualité. La bouche
du poète ne se veut plus seulement « la bouche
des malheurs qui n'ont pas de bouche ». Elle dit « je »
et chante la peine de l'amour non partagé (Le temps
d'un blues, Maria Luisa, Chéri Doudou). Incrustations
de phrases en français à l'intérieur des
poèmes créoles en une volonté affichée
de métissage (Hermanita, Canto para una mujer).
Liberté stylistique plus grande par la recherche des allitérations
et le jeu des assonances (Rythme, Houk, Chut, Jé bésé).
Max Rippon semble plus conscient
d'appartenir à la Caraïbe aux trois âmes et
aux mille voix. Il revendique sa diversité et pour finir,
inscrit sa spécificité. Il l'écrit lui-même :
« Le poète est un creuset ».
Pour forger
le minerai
nouveau !
☐ Préface, pp. 7-8 ❙ Max Rippon est né en 1944 à Grand-Bourg
de Marie-Galante. Depuis son quartier de naissance : Lalé
Pòyé, centre, levier, poumon, moteur de sa poésie,
il crie au monde la douleur de ceux qui « boivent
l'alcool mauvais des mots », dans cette langue Kréyòl
dont il réinvente en permanence la senteur.
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EXTRAIT |
RÉKÒT
Je suis le bambou creux
par lequel passe une voix autre
pa mandé mwen lèsplikasyon
pa tigonné lèspri an mwen
pa èché savé kouman
é patati é patata
just leave me alone
sé patchaj yo ban'm pòté wi
kamarad
mon ami mon frère
si'w pé
pòté yonn lanmen
rédé'm déchajé
pwoblèm nan mo tèt
☐ p. 66
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Pawòl naïf :
recueil de textes libres », Grand-Bourg (Marie-Galante) :
Aïchi éd., 1987
- « Feuilles de mots :
recueil de pawòl ordinaires », Pointe-à-Pitre :
Jasor, 1989
- « Dé gout
dlo pou Dada », Pointe-à-Pitre : Jasor,
1991
- « Agouba »,
Pointe-à-Pitre : Jasor, 1993
- « Marie-Galante :
itinéraires », Grand-Bourg (Marie-Galante) :
Aïchi éd., 1997
- « Marie
La Gracieuse «, Pointe-à-Pitre : Jasor,
2002
- « Le
dernier matin », Pointe-à-Pitre :
Jasor, 2003
- « Débris de
silences », Pointe-à-Pitre : Jasor, 2004
- « Six
virgule trois, secousses à Terre-de-Bas :
racontage », Pointe-à-Pitre : Jasor, 2006
- « Morriña : quitter la rade », Pointe-à-Pitre : Jasor, 2011
- « Pègmèl,
trant lanné poézi kréyòl »,
Pointe-à-Pitre : Jasor, 2013
- « Marie-Galante,
regards : hommage à la poétique du
silence », Grand-Bourg (Marie-Galante) : Éd.
DCA, 2014
| Sur le site « île
en île » : dossier Max Rippon |
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mise-à-jour : 3 septembre 2017 |
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