8ème
édition du Prix du
Livre Insulaire (Ouessant 2006)
ouvrage
en compétition |
Césesthésie,
et l'urgence d'être ... / Tony Delsham. - Schoelcher :
Martinique éditions, 2005. - 208 p. ; 22 cm.
ISBN 2-9518512-7-8
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« L'urgence d'être ... »
elle-même, dans
sa diversité assumée et sa plénitude —
tel est le mot d'ordre que Tony Delsham intime à la Martinique,
terre où les déchirures d'une histoire tourmentée
ne cessent de se survivre, quand elles ne sont pas entretenues
par les rancœurs des uns, ou l'appétit de pouvoir des
autres soucieux de diviser pour régner.
Cette Martinique inhibée
par les tensions d'héritages contradictoires 1
ne manque pourtant pas de guides, repères fondamentaux
pour la pensée ; Tony Delsham invoque successivement
Aimé Césaire — mais la recherche identitaire
du poète, passant par l'authenticité africaine,
n'a-t-elle pas exclu les autres composantes et retardé
la martinicanité ? —, Frantz Fanon
— en décortiquant les relations entre colonisateurs
et colonisés, a-t-il pris en compte l'extrême originalité
de la construction des Antilles françaises ? —,
Edouard Glissant — qui nous convie au Tout-Monde (…)
quand les Martiniquais peinent à réaliser le
Tout-Martinique —, Patrick Chamoiseau et Raphaël
Confiant — mais la Créolité ne serait-elle
pas cantonnée à un genre littéraire …
L'essai de Tony Delsham propose
un sursaut, un dépassement ; prenant en compte les
avancées qui ont nom Négritude, Tout-Monde,
Créolité, il estime venu le temps de la rencontre
entre les différentes composantes de l'identité
martiniquaise ; cette cénesthésie, ce
sera, ce doit être en urgence le Tout Martinique.
1. | Dans son roman « Tracée
sans horizon » (1985), Tony Delsham faisait dire à
son personnage principal : « La définition
même de l'antillanité est, sans doute aucun, l'acceptation
du résultat du choc des civilisations qui se sont affrontées
ici. Chercher à en privilégier une seule serait
notre perte. Vivre avec le souvenir actif de l'Afrique, de l'Inde,
de l'Europe est sans danger. Rechercher ces continents aux Antilles
et prétendre les y trouver serait mortel ».
— extrait cité dans « Cénesthésie »,
p. 72. |
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EXTRAIT
(dernières pages) |
Avec le défi permanent
que l'histoire a toujours exigé de nous, hissons-nous
au niveau des autres nations en imposant au Tout-France et au
Tout-Europe, le Tout-Martinique. Offrons aux héritiers
du groupe des noirs esclaves, du groupe des blancs esclavagistes,
du groupe des gens de couleur libres, du groupe des Indiens,
un pari sur le futur. Faisons-le avec l'éclat qui sied
aux gestes fondateurs, avec le rituel qui soude les hommes unis
par un même destin et officialise la naissance des nations.
La Martinique du présent, avec son identité affirmée
et reconnue, se félicitera de l'image du préfet
de la République française déposant une
gerbe aux pieds du nèg mawon réhabilité,
ne s'offusquera pas outre mesure du drapeau bleu blanc rouge,
symbole de l'ensemble des régions françaises, côtoyant
le drapeau martiniquais, symbole de la Région Martinique
qui, dans une écrasante majorité, pour l'heure,
accepte le bloc français et européen.
Alors la « Poétique
de la relation », professée par Edouard
Glissant, nous conduira au Tout-Martinique, condition obligée
pour obtenir la Créolité qui […] n'existe pas
dans une Martinique, victime d'une dilution pure et simple. Alors
seulement nous pourrons, en adulte, rejoindre le Tout-Monde.
Les procureurs intransigeants, relais de l'outre-tombe, seront
enfin remplacés par les avocats du présent. Dès
lors, la Créolisation, le Tout-Monde, le Chaos-Monde,
l'Archipélisation, suites logiques du discours de la Négritude,
ne seront plus concepts inaccessibles. Les Martiniquais n'auront
plus l'impression de n'être point concernés par
les propositions de nos penseurs, de nos censeurs, et seront
prêts à échanger sans craindre de se perdre.
C'est cette Martinique-là,
et nulle autre, qui en toute sérénité et
en toute lucidité, décidera si elle doit être
pays indépendant parmi les autres Etats de la Caraïbe,
pays autonome au sein de la République française,
ou vrai département français avec une histoire
spécifique et originale.
Utopique, cette proposition ?
Pas sûr. En tout cas, Aimé
Césaire, lui-même, n'a-t-il pas souhaité,
dans un passé récent, une utopie refondatrice ?
☐ Assumer notre destin, pp. 208-209
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Le salopard », Paris : Circex, 1971
- « Xavier ou le drame
d'un émigré ... antillais », Fort-de-France :
M.G.G., 1981
- « Ma justice »,
Fort-de-France : M.G.G., 1982
- « Les larmes des
autres », Fort-de-France : M.G.G., 1983
- « Lapo farine »,
Fort-de-France : M.G.G., 1984 ; Schoelcher : Martinique
éd., 2002
- « Panique aux Antilles »,
Fort-de-France : M.G.G., 1985
- « Tracée sans
horizon », Fort-de-France : M.G.G., 1985
- « L'impuissant »,
Fort-de-France : M.G.G., 1986
- « L'Ababa »,
Fort-de-France : M.G.G., 1987
- « Fanm Déwò
(Le Siècle, I) », Schoelcher : M.G.G.,
1993
- « Antan Robé
(Le Siècle, II) », Schoelcher : M.G.G.,
1994
- « Kout Fé »,
Schoelcher : M.G.G., 1994
- « Lycée Schoelcher
(Le Siècle, III) », Schoelcher : M.G.G.,
1995
- « Choc (Le Siècle,
IV) », Schoelcher : M.G.G., 1996
- « Papa, est-ce que
je peux venir mourir à la maison ? »,
Schoelcher : M.G.G., 1997
- « Gwo Pwèl,
vies coupées », Schoelcher : M.G.G., 1998
- « Gueule de journaliste »,
Schoelcher : M.G.G., 1999
- « Dérives
(Le Siècle, V) », Schoelcher : M.G.G.,
1999
- « Négropolitains
et euro-blacks », Schoelcher : M.G.G., 2000
- « Tribunal femmes
bafouées », Schoelcher : Martinique éd.,
2001
- « Chauve qui peut
à Schoelcher », Schoelcher : Martinique
éd., 2003
- « M'man Lèlène
(Filiation, I), Schoelcher : Martinique éd., 2004
- « Une petite main
(Filiation, II), Schoelcher : Martinique éd., 2004
- « Le
fromager (Filiation, III) », Schoelcher :
Martinique éd., 2005
- « Paris,il faut que tu saches », Schoelcher : Martinique éd., 2007
- « Valentin et Soraya », Schoelcher : Martinique éd., 2008
| | Sur le site « île
en île » : dossier
Tony Delsham |
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mise-à-jour : 13 décembre 2011 |
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