Armelle Détang (éd.)

Le roman d'Anansi, ou Le fabuleux voyage d'une araignée

Caret - Petite bibliothèque du curieux créole, 7

Gosier (Guadeloupe), 2006

bibliothèque insulaire

   
bestiaire insulaire
bannzil kréyòl

parutions 2006

Le roman d'Anansi, ou Le fabuleux voyage d'une araignée / présentation et essai, Armelle Détang ; traduction, Armelle Détang et C. Beaujon Cherdieu d'Alexis ; recherche documentaire et notes, Jacqueline Picard ; dessins originaux, P. Casalegno. - Gosier (Guadeloupe) : Caret, 2006. - 491 p. : ill. ; 19 cm. - (Petite bibliothèque du curieux créole, 7).
ISBN 2-912849-07-1
Quand les houes s'arrêtent de claquer et que vous entendez des éclats de rire venant du champ, sachez que quelqu'un est en train de racconter une histoire d'Annancy.

Walter Jekyll, cité p. 257

Originaire d'Afrique occidentale, Anansi 1
l'araignée a traversé l'Atlantique avec les victimes de la traite, tissant son fil du pays Ashanti au rivage de Guyane en passant par l'archipel Caraïbe où, contrairement à compère Lapin, figure familière des Antilles françaises, son souvenir s'est surtout fixé dans la sphère anglophone, tout particulièrement à la Jamaïque, et à Curaçao.

L'enquête menée par Armelle Détang révèle la chronologie et la géographie de cette migration ; elle précise les ressorts mis en œuvre lors de l'acclimatation à chaque escale, analyse les péripéties et les métamorphoses tant d'Anansi que des récits qui lui sont consacrés, désigne les « passeurs » 2 qui à l'écoute des conteurs locaux et avec leur concours ont contribué à assurer la pérennité d'une tradition, et ne cache rien des résistances qui ont contrarié son essor, au premier rang desquelles l'ardeur de missionnaires parfois trop zélés.

Ce riche faisceau d'information facilite l'approche d'un recueil qui, pour le seul domaine insulaire, propose dix-huit contes d'origine jamaïcaine, collectés entre 1817 et 1907, et quatre contes de Curaçao, publiés en papiamentu 3 au milieu du XXe siècle. Le lecteur dispose en outre des sources africaines (Ghana, Côte d'Ivoire, Nigeria) et des versions élaborées sur le continent sud-américain (Surinam et Guyane française). Enfin, un épilogue souligne la vitalité d'un héros qui plus près de nous sait rebondir : détournements, enrichissements, travestissements, sous la plume de Louise Bennett (Jamaïque), Edward Kamau Brathwaite (La Barbade) ou Andrew Salkey (Jamaïque). 

Hier ou aujourd'hui, les histoires d'Anansi ne s'adressent pas seulement aux enfants ; Anansi n'est pas seulement un personnage amusant ; Anansi n'est pas seulement rusé. Anansi conteste l'ordre. Sans doute est-ce l'un des fondements de la sympathie qu'il éveille.
       
1. On trouve de nombreuses transcriptions : Ananse, Anansé, Ananzé, Anazé Anansi, Anancy, Annancy, Nannj, Nancy, Nanzi, Nansi, …
2. L'un des plus célèbres est Matthew Gregory Lewis (1775-1818), l'auteur du Moine ; héritier de deux plantations à la Jamaïque, il s'y était rendu en 1815 puis en 1817 pour se faire une opinion personnelle sur le système colonial. Il ne s'est pas prononcé en faveur de l'abolition de l'esclavage, mais a engagé des réformes telles que l'interdiction du fouet. « Son Journal est la marque de la reconnaissance simple et nouvelle de l'individualité des Noirs, de leur quotidienneté. Ils portent des noms, éprouvent des joies, des peines, des difficultés, sont vivants, attachants … Le Journal, avec ses personnages, se lit comme un roman subversif. » — Liliane Abensour, Préface à la traduction française du Journal de Matthew Gregory Lewis, citée par Armelle Détang (p. 209).
3. Le papiamentu est un créole parlé à Curaçao, Bonaire et Aruba.
EXTRAIT
Fò on bon dézòd pou sa métè lòd.
D'un bon désordre peut naître un nouvel ordre.


p. 454

Mettons-nous bien d'accord, cher lecteur : Anansi, c'est toi, c'est nous, c'est vous, c'est moi. Tous les défauts de la terre : A comme avare, B comme bégayeur, C comme cupide et cruel, D comme démoniaque, F comme faux-jeton, M comme menteur, R comme rustre, V comme violent … Arrêtons là. Mais aussi L comme liberté, n'est-ce pas ? Laquelle ? La plus ancienne de toutes, celle revendiquée dans le mythe car ce double de nous-même sort tout droit du mythe. Et pour se jeter dans le conte.

Armelle Détang, Mythe, conte et portrait de moi-même en mon voisin, p. 447 
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
(établi à partir de la bibliographie de l'ouvrage)
  • Louise Bennett, « Anancy and miss Lou », Kingston : Sangston's, 1979
  • Edward Kamau Brathwaite, « The arrivants : A New World trilogy » [contents : Rights of passage (1967), Masks (1968), Islands (1969)], Oxford : Oxford university press, 1973
  • Nilda M. Geerdink-Jesurun Pinto, « Cuentanan di Nanzi », Curaçao : Herdruck Drukkerij Scherpenheuvel, 1952
  • Nilda M. Geerdink-Jesurun Pinto, « Nanzi Stories, Curaçao Folklore » translated from the papiamentu by Richard E. Wood, Curaçao : Stichting Wetenschappelijke Bibliotheek, 1973
  • Walter Jekyll (ed.), « Jamaican song and story : Annancy stories, digging sings, ring tunes and dancing tunes », London : Folk-Lore society, 1907
  • Walter Jekyll (ed.), « Jamaican song and story : Annancy stories, digging sings, ring tunes and dancing tunes » with new introductory essays by Philip Sherlock, Louise Bennett and Rex Nettleford, New York : Dover publications, 1966, 2005
  • Matthew Gregory Lewis, « Journal of a residence among the negroes in the West Indies », London : John Murray, 1845
  • Matthew Gregory Lewis, « Journal de voyage à la Jamaïque » traduit et préfacé par Liliane Abensour, Paris : José Corti, 1991
  • Mary Pamela Milne-Home, « Mamma's black nurse stories, West India folk-lore », Edinburgh, London : William Blackwood, 1890
  • Andrew Salkey, « Anancy's score », London : Bogle-L'Ouverture, 1973
  • Andrew Salkey, « Anancy, traveller », London : Bogle-L'Ouverture, 1992
  • Andrew Salkey, « Brother Anancy and other stories », Harlow : Longman, 1993

mise-à-jour : 23 juillet 2008

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