Description de
l'île de portraiture et de la ville des portraits / Charles
Sorel ; éd. critique par Martine
Debaisieux ;
préface de Michel Jeanneret. - Genève :
Droz, 2006.
- 199 p.-[8] p. de pl. ; 18 cm. -
(Textes
littéraires français, 582).
ISBN
2-600-01074-2
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Lorsque
Charles Sorel publie sa Description
de l'île de Portraiture et de la ville des Portraits
en 1659, la « fureur » de se
faire peindre a
gagné le milieu mondain, tandis que de nombreux
écrivains
s'adonnent à la manie des collections de tableaux.
Parallèlement, la mode du portrait littéraire
atteint son
apogée. Sorel témoigne de cet engouement en
traçant le parcours d'un « curieux »,
Périandre, dans une île peuplée de
portraitistes
« de toutes sortes ». À l'observation de
ces
artistes se juxtapose la satire de leurs vaniteux modèles,
dont
le corps travesti et le visage masqué n'attendent
qu'à
être découverts et ridiculisés.
Les
extraits 1
que publie Martine Debaisieux en annexe
à son édition indiquent que la production
romanesque de
Charles Sorel privilégiait déjà la
«
portraiture ». Mais, dans son voyage imaginaire,
où se
mêlent fantaisie et critique, l'auteur va plus loin. S'il
révèle une fois de plus les vices de son
siècle,
il expose aussi ouvertement les impostures de la mimésis
et le mensonge des « figures » — qu'elles
soient tracées par la plume ou par le pinceau.
1. |
Ces extraits sont réunis en
annexe : (1) La
portraiture dans les romans de Sorel, et
(2) 1659, la
mode du portrait littéraire. |
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MARTINE
DEBAISIEUX
: […]
Sorel/Périandre, passionné
d'érudition, «
collectionneur » insatiable d'idées et de
connaissances,
se serait-il aventuré dans
« l'île de
Portraiture » dans le seul but de « voir
toutes les
sortes » de
peintres et de « savoir un peu de tout » ? La
visite de
l'île n'est-elle pas aussi l'occasion pour cet auteur en
quête de vérité de constater le
mensonge des
« figures » ? Sous le
couvert de
l'allégorie de la
portraiture, dans lequel la satire d'un monde se confond avec le
jugement de l'activité artistique, Sorel questionne aussi
les
limites de la représentation et son bien-fondé.
Certes,
le pinceau de ce « peintre-censeur »
révèles
les vices et les vertus de son siècle, mais il
dénonce aussi
les impostures de la mimesis.
[…]
☐ Introduction,
p.
61
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INCIPIT |
La
grande île de Portraiture a été
découverte
depuis plusieurs siècles, mais jamais elle n'a
été
si célèbre qu'elle est devenue depuis deux ou
trois ans.
Les voyages fréquents que plusieurs Français y
ont faits,
et le commerce qu'ils y ont établi, l'ont rendue une terre
des
plus considérables où l'on puisse aller. On tient
que sa
situation est justement au milieu du monde, afin qu'elle semble
être comme la reine des autres îles ; et pour son
abord, il
est très agréable et facile à ceux qui
savent bien
choisir le vent qui y conduit. Je m'étais
embarqué dans
un vaisseau équipé pour ce voyage, où
je trouvai
deux de mes anciens amis, Erotime et Gélaste,
touchés
d'un même dessein que le mien, qui était de voir
cette
belle île, et les raretés qui s'y rencontrent.
Comme on ne
parlait plus à Paris que de portraits et que tous les bons
esprits étaient curieux d'en avoir ou d'en savoir faire,
nous
étions ravis d'aller au lieu où habitaient les
meilleurs
maîtres de cet art, et d'où l'on croyait qu'en
venait
l'origine. Nous nous aperçûmes aisément
que nous en
étions proches, quand nous vîmes que la mer, outre
sa
couleur, tantôt verdâtre et tantôt
bleuâtre, en
prenait quantité d'autres diverses, et la terre que nous
découvrions parut aussi fort bigarrée. Tous les
nuages
qui étaient élevés au-dessus de
l'île
composaient différentes figures, où l'imagination
des
contemplatifs pouvait trouver tout ce qu'elle désirait.
☐
pp. 69-70 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
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mise-à-jour : 19
janvier 2007 |
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