Saint Kilda, l'île
hors du monde / Tom Steel ; trad. de l'anglais par Philippe
Babo. - Paris : Peuples du monde, 1992. -
348 p.-[24] p. de pl. ; 23 cm. -
(Domaine européen).
ISBN 2-907629-22-0
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Si cette île n'est pas
l'Eutopia recherchée depuis si longtemps, où se
trouve-t-elle ? Où est le pays qui n'a ni soldats,
ni monnaie, ni lois, ni médecine, ni vie politique, ni
impôts ? Ce pays est St Kilda.
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Dr John MacCuloch,
« A description of the western islands of
Scotland », 1819 — cité par Tom Steel, p. 34
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Hirta, Dun, Soay, Boreray : les îles
qui constituent le groupe de Saint Kilda, au large des
Hébrides, sont bien réelles ; mais pour
leurs rares visiteurs et, aujourd'hui, pour tous ceux qui
considèrent rétrospectivement ce
que pouvait être la vie d'une communauté
humaine à Hirta (jusqu'en 1930), il est difficile de ne pas
évoquer une forme d'utopie.
Le docteur Macculoch avait presqu'en tous
points raison. Pas de soldats ; pas de monnaie avant la
seconde moitié du XIXe siècle ;
l'île ignorait les lois du continent, et le
législateur du continent ignorait l'île ;
privée de médecine, l'île
était particulièrement vulnérable aux
épidémies importées, mais aussi
aux conséquences d'une hygiène
défaillante. L'avis du docteur sur la vie politique aurait
gagné à être nuancé, dans la
mesure où, selon la tradition, un système
collégial et patriarcal régissait la vie de la
communauté et, en particulier, organisait les
tâches telles que récolte, chasse,
pêche, travail de la laine, etc. Enfin, si l'impôt
était inconnu, les habitants devaient pourvoir au versement
d'une redevance en nature, prélevée chaque
année par le régisseur du propriétaire
de l'île (MacLeod of MacLeod).
La persistance, jusqu'au
début du XXe
siècle, d'un mode de vie étranger à
tout ce qui pouvait s'observer, en matière de vie sociale,
dans le reste de l'Europe, atteste le caractère utopique de
la communauté vivant à Saint Kilda. Avec le
temps, la survivance de cette exception était devenue de
moins en moins tolérable aux yeux de l'administration
britannique : « de par sa
situation géographique, St Kilda constituait bel et bien une
anomalie … »
et Tom Steel ajoute : « curieusement,
une nation qui avait les moyens d'administrer le plus grand empire que
le monde ait jamais connu, se révéla incapable de
pourvoir aux besoins d'une population vivant à moins de deux
cents kilomètres de ses côtes ».
En août 1930, les derniers St Kildans
sont évacués de gré ou de force et
s'apprêtent à commencer une nouvelle vie. Bien
plus tard, l'un d'entre eux, Lachlan Macdonald, aura ces
mots : « La vie était
belle sur l'île ».
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EXTRAIT |
Jusqu'au déclenchement de la
Première Guerre Mondiale, les habitants de l'île
devaient tout ignorer des défaites et des victoires de la
nation conquérante qu'était la Grande-Bretagne.
Ils ne surent rien des guerres d'indépendance
américaines, pas plus qu'ils n'eurent connaissance en 1815
de la déroute des Français à Waterloo.
Lorsque George Atkinson visita l'île en 1831, la
première question qu'on lui posa fut :
« Sommes-nous en
guerre ? ». Ce fut là de tout
temps la première question à laquelle les
étrangers devaient répondre, bien que les St
Kildans n'aient jamais eu la moindre idée de ce à
quoi pouvait ressembler un combat. Ils ne prirent part à
aucun conflit et aucun d'eux ne périt dans une bataille.
Dans une description des îles écossaises pour la
période 1577-1595 présentant le nombre de
comtattants que devait fournir, en cas de besoin, chaque paroisse de
l' « empire » des
MacLeod of MacLeod, St Kilda apparaît comme totalement
exemptée, « étant
habitée par des pauvres gens vivant trop loin des
côtes ». Des jugements similaires
devaient, à travers les siècles, être
portés sur l'île. St Kilda constituait,
lorsqu'elle était habitée, l'une des rares
communautés du Royaume-Uni à être
dépourvue de monument aux morts.
« Isolée par ses tourbillons,
nichée au creux de ses tempêtes, l'île
ne connaît rien des ouragans politiques qui
ébranlent les fondations de l'Europe »,
écrit le Dr Macculloch en 1819. « Bien
qu'ils reconnaissent la suzeraineté des MacLeod et du roi
Georges, ses habitants ne soucient guère de savoir si ledit
roi George est le premier ou le quatrième du
nom ».
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pp. 33-34
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « The
life and death of St. Kilda », London :
Fontana paperbacks, 1975
- « The life and death of St. Kilda » updated by Peta Steel, London : HarperPress, 2011
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mise-à-jour : 8 septembre 2021 |
Tom Steel, né à Edimbourg en 1943, est mort à Londres en 2007 |
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