Imperium
/ Christian Kracht ; trad. de l'allemand par Corinna Gepner. -
Paris : Phébus, 2017. - 189 p. ;
21 cm.
ISBN 978-2-7529-1003-2
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Engelhardt
(…) était en train de se soustraire non seulement
à l'émergence générale de
la
modernité, mais aussi à tout ce que nous
(…)
décrivons comme le progrès,
comme … Eh bien
oui, comme la civilisation.
☐
p. 56
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NOTE DE L'ÉDITEUR : Imperium est
l'histoire vraie d'August Engelhardt, qui s'exila au début
du XXe
siècle en Nouvelle-Guinée allemande et fonda une
colonie d'un genre nouveau 1 — entièrement
dédiée à la culture de la noix de coco.
Cependant,
ce qui commence comme la biographie romancée de l'un des
pionniers allemands du nudisme et du végétarisme
devient
rapidement le rêve éveillé d'une
époque et
d'une géographie proches et lointaines à la fois.
Véritable
roman d’aventure, Imperium
est également une réflexion sur
l'impérialisme,
sur le pouvoir des idées, même les plus
délirantes,
et sur un monde européen 2
en pleine décadence. Avec une ironie
déconcertante,
Christian Kracht poursuit une œuvre littéraire des
plus
singulières.
1. |
Très
différent, par exemple, du programme de colonisation
lancé en France, une vingtaine d'années plus
tôt,
par Charles de Rays — Cf. Daniel Raphalen, L'Odyssée
de Port-Breton. |
2. |
Christian
Kracht multiplie échos et références
parfois piégés
à l'actualité politique, sociale et culturelle de
l'Europe du XXe
siècle
naissant : à la fin du roman il évoque,
par exemple, les voyages
dans le Pacifique des peintres Emil Nolde (en 1913) et Max Pechstein
(en 1914). |
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EXTRAIT |
Être
propriétaire d'une île sur laquelle la noix de
coco
croissait et prospérait en pleine nature ! La
conscience
d'Engelhardt n'en était pas encore totalement
pénétrée, mais alors que l'embarcation
passait du
grand large aux eaux plus calmes, transparentes, d'une petite baie dont
la plage claire avait surgi comme par enchantement, bordée
de
majestueux palmiers, son cœur se mit à battre des
ailes
comme un oiseau excité ! Seigneur, pensa-t-il, tout
cela
était réellement à lui ! Tout
cela sans
exception.
Il
sauta dans l'eau, franchit en pataugeant les derniers mètres
qui
le séparaient de la plage et tomba à genoux dans
le
sable, tant il était terrassé ; et pour
les Noirs du
bateau et les quelques autochtones qui étaient
arrivés
sur la plage avec une curiosité flegmatique (l'un d'eux
portait,
comme s'il se parodiait lui-même ainsi que sa race, un
éclat d'os dans la lèvre inférieure),
cela
ressemblait à un homme de Dieu priant sous leurs yeux avec
dévotion alors que pour nous, civilisés, cela
évoque peut-être une représentation de
l'accostage
du conquistador Hernán Cortès sur le rivage
inviolé de San Juan de Ulúa, à vrai
dire peint
alternativement — à supposer que ce soit
possible — par le Greco et Gauguin qui, d'un pinceau
expressif, ébréché,
confèrent derechef au
conquérant agenouillé Engelhardt les traits
ascétiques de Jésus.
La
prise de possession de l'île Kabakon par notre ami
revêtait
donc un aspect très différent en fonction de la
manière dont on considérait le
scénario et
l'identité de l'observateur. Du reste ce morcellement de la
réalité était l'une des
caractéristiques
principales de l'époque où se déroule
l'histoire
d'Engelhardt. La modernité était née
(…).
☐ p. 55
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Imperium »,
Köln : Kiepenheuer & Witsch, 2012
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- August
Engelhardt und August
Bethmann, « Eine
sorgenfreie Zukunft : das neue
Evangelium », Berlin : Bethmann &
Engelhardt, 1906
|
- Sven
Mönter, « Following a South Seas
dream : August
Engelhardt and the Sonnenorden », Auckland
(N.Z.) :
University of Auckland, Research Centre for Germanic Connections with
New Zealand, 2008
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mise-à-jour : 27
novembre 2017 |
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