L'archipel de Bird / Christian
Laborde. - Paris : Régine Deforges, 1991. -
178 p. ; 22 cm.
ISBN
2-905538-79-1
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Elle
était droite, brune, au galop, je l'avais lue quelque part.
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p. 49 |
L'archipel
de Bird aurait pu combler les rêves de Batista, Trujillo ou
Duvalier, mais on limiterait la portée du roman de Christian Laborde en n'y voyant que la caricature de dictatures
bananières
révolues. La fable désigne le futur plus que le
passé — pour mieux le conjurer s'il en est encore temps ?
Le Grand Meneur et,
sous sa coupe, la
télévision, la police et l'armée,
exercent sur
l'archipel un pouvoir capricieux et sans limite. La population suit un
chemin rectiligne, balisé d'un bord par le travail
— il
n'existe pas de bonheur hors le travail —,
de l'autre par un flux ininterrompu de divertissements
télévisés. Tous paraissent
s'épanouir dans
ce système où chacun reste libre de s'extasier
sur les
nouveaux escarpins d'Olga Rococo ou sur la dernière
œuvrette de Johnny Satchle. Pour les ingrats qui ne jouent
pas le
jeu, il reste l'échafaud … sous les
projecteurs et
les caméras.
La vie
d'Aldo Toomuch, King
doctor heureux bénéficiaire de la
faveur du Grand Meneur,
se serait doucement écoulée dans cet ultime
paradis
terrestre. Mais Aldo n'a pas oublié son père, ni
la
bibliothèque de son père ; et une image
le hante,
souvenir ou rêve, celle d'une jeune femme droite, brune, au galop —
au point de l'attirer sur un chemin de traverse. |
EXTRAIT |
Les
indigènes, ou naturels — le mot est du Grand
Meneur
—, vivent sur l'île Mustang, au pied du Plateau
central,
dans des réserves qu'ils ne quittent que pour aller
travailler
dans l'île Ocre. Des autobus climatisés, avec
toilettes et
télé, viennent les chercher, le matin, et les
reconduisent, le soir, dans l'île Mustang. Dans
l'île Ocre,
toute la journée, ils chargent, déchargent,
empilent et
rangent, ramassent, balaient, pèsent et enregistrent,
soudent,
martèlent, mastiquent et poncent, ou crépissent,
ou
lavent, ou rincent et font sécher. Ou peignent. Les
façades bleues des buildings de Bird, c'est eux. Leurs
barques
sont clean : eau, gaz, électricité, tout
y est, le
Grand Meneur y tient. « Je veux qu'ils mangent »,
avait-il
déclaré, à l'occasion d'un passage
éclair
dans l'île Mustang. Et depuis, les pizzas, les sucreries, les
surgelés, les pâtisseries, les boissons gazeuses,
les
médicaments et les hamburgers arrivent par camions entiers.
Et
c'est gratuit. L'obésité atteint un taux record,
ils
crèvent dans leur lard. « Je veux qu'ils
mangent,
vous m'entendez, je veux qu'ils
mangent … »
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pp. 63-64 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
La bibliographie de Christian Laborde compte
plusieurs dizaines de titres ; l'un d'entre eux
— L'os
de Dyonisos —
a été censuré en 1987 pour “ pornographie, lubricité, danger pour la
jeunesse en
pleine formation physique et morale, invitation au désordre
et
à la moquerie, trouble
illicite … ”.
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site internet de Christian Laborde |
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mise-à-jour : 27
novembre 2017 |
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