Le philosophe autodidacte / Ibn
Tufayl ; trad. de l'arabe par Léon Gauthier, revue
par Séverine Auffret et Ghassan Ferzli ; postface
de Séverine Auffret ; ill. de Marion Bataille. -
Paris : Mille et une nuits, 1999. - 159 p. :
ill. ; 15 cm. - (La Petite collection, 248).
ISBN 2-84205-416-4
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Abu Bakr Mohammed ben Abd-el-Malik ben Tufayl
el-Qaïci, dit Ibn Tufayl (arabe : ابن طفيل), est un
philosophe andalou, astronome, médecin,
mathématicien, mutazile et mystique soufi. Il est
né en 1110 à Wadi-Asch [Guadix dans la province
de Grenade] et mort en 1185 à Marrakech. Il est
également connu en Occident sous le nom d'Abubacer.
☐ Wikipédia |
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CHAMS
NADIR :
Trouverai-je l'île déserte qui accueillit Hayy Ibn
Yaqdhan grâce à l'entremise de son
ingénieux créateur, le vizir Ibn
Al-Toufail ? Si oui, me livrerai-je aux mêmes
réflexions philosophiques que mon illustre devancier, le
très raisonneur naufragé solitaire ?
☐ « Les Portiques de la Mer »,
pp. 31-32
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SÉVERINE
AUFFRET :
[…]
Peu lu de nos jours en Europe,
inexplicablement, [Le
Philosophe autodidacte] constitue l'un des premiers
best-sellers, antérieur même à
l'imprimerie. D'abord diffusé et commenté dans
les pays de langue arabe, traduit en hébreu et objet d'un
commentaire de Moïse de Narbonne en 1349, l'Europe du nord
s'en empare, avec la traduction latine d'Edward Pococke (Oxford, 1671),
sous le titre Philosophus autodidactus (Le
Philosophe autodidacte ) adopté dans le monde de
langue latine, d'où suivent une série de
traductions : anglaises, néerlandaises, allemandes,
françaises, puis échelonnées
jusqu'à notre époque, espagnoles, russes, etc.
[…]
Que les auteurs modernes de
fictions d'île déserte en aient saisi les
lointains échos est au moins probable. On remarque en tout
cas que la première partie du Robinson
de Daniel Defoë, parue en 1719, suit de peu la traduction du
livre d'Ibn Tufayl par Ockley, à Londres, en 1708. Il serait
dommage de ne pas tirer l'original de l'ombre.
Le succès
populaire ancien de l'ouvrage tient d'abord à sa
forme : le roman.
[...]
À la fois
« roman d'aventures »,
« roman philosophique » servant
des thèses, comme bientôt ceux de Baltasar
Gracían, puis de Voltaire et Diderot,
« roman d'éducation »
comme l'Emile de Rousseau, Hayy
ben Yaqzân illustre […] cette
veine qui est celle du « roman
d'initiation ».
L'existence du personnage se
déroule en effet sous la forme d'un parcours initiatique,
aux résonnances symboliques. Sa vie comprend des
étapes soigneusement chiffrées :
quarante-neuf ans, soit sept fois sept ans. Chacune de ces
étapes correspond à l'un des moments d'un
parcours qui est à la fois celui d'une intelligence et celui
d'une âme. […] Ce n'est qu'à la
cinquième étape […] que Hayy se hausse
vers la méditation métaphysique, pour ensuite
atteindre la sagesse (réflexion sur l'homme et sur
l'âme), enfin une pratique religieuse exempte de toute
révélation externe, allant jusqu'à
l'extase mystique, l'ascèse, l'intuition et l'union.
Le roman pourrait
s'arrêter là, et il faut remarquer le
caractère abrupt et précipité de la
suite [qui] offre pourtant les moments les plus animés du
livre : ceux qui résultent de la confrontation du
solitaire et de la
« civilisation ».
[Açal,] le Vendredi de ce Robinson,
précisément, n'est pas un sauvage. […]
Aucun des deux hommes ne vise à faire de l'autre son
esclave, mais le plus civilisé trouve en ce
« sauvage » le maître
en intelligence et en bonté qu'il n'aurait osé
rêver.
Le cours plutôt
tranquille de l'histoire prend un tournant soudain dramatique quand le
solitaire s'en va découvrir en son lieu même la
« civilisation ». […]
Peut-elle tolérer qu'on veuille s'écarter d'elle
et qu'on prenne en dérision ses observances ?
Non, répond
l'auteur. Pour ces hommes, la grande masse, qui ne savent
qu'obéir et craindre les menaces de l'au-delà, la
religion de la foule, de l'autorité et des symboles est
nécessaire : elle les jugule.
Devançant des
exactions imminentes, les deux sages retournent au désert de
l'île.
Le cercle de la solitude se
referme. [Hayy] a gagné un ami : Açal.
À eux deux dans l'île, ils ne forment pas une
société, mais la communauté
élective et mutuellement respectueuse d'une
amitié.
☐ Postface,
pp. 150-155
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Philosophus
autodidactus, sive
epistola Abi Jaafar Ebn Tophail de Hai Ebn Yokdhan »
ex
arabica in linguam latinam versa ab Eduardo
Pocockio, Oxford : H. Hall, 1671
- « The
improvement of human reason, exhibited in the life of Hai Ebn Yokdan
[…] [translated from the original Arabick by Simon Ockley]
with an appendix, in which the possibility of man's attaining the true
knowledge of god, and things necessary to salvation without
instruction, is briefly considered »,
Londres : E. Powell & J. Morphew, 1708
- « Hayy
ben Yaqdhân : roman
philosophique » texte arabe publié
d'après un nouveau manuscrit avec les variantes des anciens
textes et traduction française par Léon Gauthier,
Alger : Imprimerie de P. Fontana, 1900
- « Ibn
Tufayl's Hayy ibn Yaqzan : a philosophical
tale » translated with introduction and
notes by Lenn Evan Goodman], New York : Twayne
publishers (Library of classical arabic literature, 1), 1972
- « Hayy
ben Yaqdhân : roman
philosophique » trad. française par
Léon Gauthier, Paris : Vrin (Reprise), 1983
- « L'éveillé,
ou Le philosophe autodidacte » trad. française par Léon
Gauthier, Paris : Libella (Libretto, 561), 2017
- «
Robinson de Guadix » adaptation de
l'épître
d'Ibn Tufayl par Jean-Baptiste Brenet, Lagrasse : Verdier,
(février) 2020
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- Léon
Gauthier, « Ibn Thofaïl, sa vie, ses
œuvres », Paris : Vrin (Reprise),
1983
- Éric
Marion, « Lumières arabes et
lumières modernes au miroir de l'utopie insulaire
d'Ibn Tufayl », Paris : Kimé (Philosophie
en cours), 2016
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mise-à-jour : 26
novembre 2019 |
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