C'est bien sur les îles que frappent les
plus dures tempêtes.
C'est dans leurs ports aussi que reviennent
toujours les plus rêveurs des
désespérés.
Ceux qui se parfument d'alcool et s'endorment sur
les livres des autres.
Ils savent fouetter les mots mais pas leur donner
un sens.
Quand ils sont ivres, la violence leur donne le
courage d'être faibles, de hacher leurs rêves en
balbutiant leur vie.
Ils titubent leur exil dans des virées
nocturnes et n'ont plus rien à fuir que leur seule peur de
revenir sur les pontons de l'enfance.
Ils finissent seuls, buvant des fonds de
tempêtes, râlant contre le vent trop faible pour
leur permettre le grand voyage, la traversée qu'ils
prévoient depuis si longtemps.
Ils finissent par ronfler sur le pont à
l'heure où le soleil cogne.
Comme personne, ils dorment et cuvent une autre
vie, celle qu'ils se saoulent à tracer depuis trop longtemps
sur la carte des mers.
Ils se laissent pousser la barbe dans l'attente
d'un improbable départ.
Ana pense à ce verbe :
ils cabotent.
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pp. 78-79
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