DOMINIQUE JOUVE : […]

Ce poète accueille tout du monde avec un tempérament puissant qui lui commande d'en user et d'en abuser pour « être plus là », de faire entrer dans ses vers bonheurs, malheurs, souvenirs et rêves. Il dit oui de la même façon qu'il dit non : franchement, sans amertume ; il pourfend les tares avec équanimité et humour […]. La dérision, il l'exerce d'abord sur lui-même, […]. Chaque instant de ce marcheur est noté avec précision, un sourire au coin des lèvres : « l'odeur des nems qu'on frit » nous plonge dans l'évidence des sens, et un regard amusé accompagne les incidents de voyage […].

[…]

Le poème donne à voir (selon les termes d'Éluard) même l'évidence : l'escargot sur l'escalier, la sieste des tourterelles, l'essaimage des termites lui font méditer des leçons de vie ! Il reste fidèle à une exigence éthique : ne pas se refuser, ne pas refuser de voir, de montrer, de parler, et tout dire. Ainsi, il n'hésite pas à accuser ceux qui sont « morts de n'avoir rien servi ». Il parie que le cœur, ce « caillot d'astre » qui le guide, guidera peut-être aussi les autres, et il entretient le feu de l'espoir, du partage, de l'amitié, de la compassion, de l'amour :

Ne parle pas du sens si tu n'allumes au soir
une lampe dans la montagne.

Alors, l'obscurité n'est plus ténèbre, la rencontre devient possible, le langage poétique s'ouvre sur la possibilité de mondes réconciliés […].

☐ Préface, pp. 5-11

EXTRAITS

En revenant de Kunié j'ai vu aussi dans la stupeur des retours quand chaque heure alourdit la cangue de ton cou le Rayon vert le vrai cet éclair bref dont parlent les livres ☐ Dernier été, p. 97 Dans le halo des montagnes quand se répète de cime en cime ceci qui fut ta patrie tous ces dos ronds tendus de nerfs tous ces rocs dans leur prière toutes ces haleines végétales et chaudes et ce souffle salé qui monte de la mer Tout est simple ici La seule gloire est de vivre et d'habiter la terre ☐ Une lampe dans la montagne, p. 176

COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE

• « La voie solaire », Paris : Galerie Racine, 1996
• « La peau qui marche et autres poèmes », Nouméa : L'Herbier de Feu, 1999
• « Brûlures », Nouméa : Éd. Grain de Sable, 2000
• « Duo », in Ô saisons, ô châteaux !, Nouméa : L'Herbier de Feu, 2001
• « Premier sang », Nouméa : Éd. Grain de Sable, 2001
• « La lumière du monde », Nouméa : Grain de sable, L'Herbier de feu, 2005
• « Venir au jour », Nouméa : L'Herbier de feu, 2009
• « Anima æterna », Nouméa : L'Herbier de feu, 2011
• « Fils du ciel », Nouméa : L'Herbier de feu, 2011
• « Quintet », Paris : Gallimard (Continents noirs), 2014
• « Les mains d'Isis », Paris : Gallimard (Continents noirs), 2016

Sur le site « île en île » : dossier Frédéric Ohlen