EXTRAIT |
Ceux qui connaissent les îles
[de la Madeleine] savent que, dans chaque maison, on retrouve
un musicien, quand ce n'est tout simplement pas la famille au
grand complet. Et que, pour finir, il y a bien des chance que
ce soient des violoneux.
Pourquoi ? L'explication
se perd dans la nuit des temps, remonte aux pêcheurs bretons
et basques, au régime français, à la déportation
des Acadiens, au retour de ceux-ci avec, à leur tête,
l'abbé Jean-Baptiste Allain en provenance, cette fois,
de Saint-Pierre et Miquelon, fuyant la Révolution française.
De même qu'au précieux apport des naufragés
irlandais et écossais et de toutes les influences que
peuvent subir, à travers l'âge et le temps, des
îles en pleine mer, bateaux chargés à ras
bord, de survie, d'émotions, de rêves et de révoltes,
de morts à enterrer et d'enfants à mettre au monde.
C'est bien tout cela que représente
pour moi le violon aux îles de la Madeleine, le livre ouvert
des peines et des misères, d'où s'écoule,
des ouïes, la grande et petite histoire d'un peuple de la
mer, n'en finissant plus de s'écrire, de se lire, de se
dire et de se taire, et de se redire de génération
en génération, avec tout ce que cela peut comporter
d'influences et de renonciations.
Voilà pourquoi j'ai si
tant d'amour et de respect pour ces îles où l'âme
est vivante, dans le cœur des violons, battant aux tempes des
archets revendicateurs, tout autant de désirs que de révolte,
de ballades en reels et d'écossaises en cotillons
sauvages.
☐ p. 16
|