Les eaux territoriales /
Eugène Nicole. - Paris : L'Olivier, 2013. -
216 p. ; 21 cm.
ISBN
978-2-8236-0110-7
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Rien
n'aura lieu que le lieu
☐ Mallarmé,
cité en épigraphe p. 141 |
Peu après la parution du premier état de L'Œuvre des mers, en
juin 1988, Eugène Nicole se rend à Saint-Pierre
pour
l'enterrement de son père. D'autres retours suivront, en
1995 et
en 2005, alors que le roman qui brasse la matière
saint-pierraise poursuit sa croissance : il
connaîtra deux nouvelles éditions, enrichies
chaque fois, en 2004 et en 2011.
En
1988, la société de l'île est fortement
ébranlée par un nouveau découpage des
eaux
territoriales qui ampute largement les zones de pêches
traditionnelles : « l'ancien triangle de
notre aire de
pêche … était
réduit à un
étroit couloir » (p. 69),
« l'image
populaire qui s'imposa fut celle du tuyau de
poêle »
(p. 71).
Mais en
1988 comme lors des deux voyages qui
suivront, d'autres évolutions retiennent l'attention de
l'auteur
obligé de confronter ses souvenirs, leur agencement dans le
roman en cours, et ce qui se dévoile au
présent :
« depuis ce matin, je n'ai fait que naviguer entre
les mots
et les choses » (p. 33). Les lieux ont
changé
— tout comme l'observateur qui, en 1995, constate l'inquiétante
étrangeté d'un retour chez soi.
Sont
conviées à fournir un contrepoint à ce
récit et aux questions qu'il soulève, plusieurs
évocations littéraires : Chateaubriand
en escale
à Saint-Pierre au printemps 1791, Joyce, Beckett,
Céline,
Valéry …
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EXTRAIT |
Quand un coup de téléphone de l'Office
de la
Télévision de Saint-Pierre, reçu
à Paris
où je passais mes vacances, m'invita, fin juin, à
me
rendre dans l'archipel pour le tournage d'un film où l'on me
verrait retrouver les lieux de mon enfance, j'ai accueilli cette offre
gratifiante comme un petit miracle. Elle allait m'extirper de
l'état d'abattement dans lequel j'étais
plongé,
alors que, assailli de doutes sur mon travail, je tentais vainement
depuis des mois de faire prendre forme au quatrième volume
de
mon cycle. Un retour chez moi dans ces conditions me sortirait de cette
impasse, je retrouverais — qui
sait ? — le
temps d'avant cette crise, j'aurais des idées, des raisons
d'écrire. J'ai pensé à ce Ponce de
Leòn
parti six siècles plus tôt dans l'Atlantique
à la
recherche de la Fontaine de Jouvence (…). Comble
d'imprudence,
j'avais voulu faire une surprise à ma sœur et
à mon
frère en ne leur annonçant pas mon
arrivée.
À ma descente d'avion (…) j'ai appris qu'ils
passaient
leurs vacances au Canada avec leurs familles. Le différend
qui,
depuis la publication du premier volume de L'Œuvre
des mers, m'oppose
à mes tantes, la douloureuse
détérioration
subséquente de nos rapports, excluaient bien entendu que je
leur
demande de m'héberger. Pour la première fois de
ma vie,
je suis, chez moi, descendu à
l'hôtel. « Descendre à
l'hôtel. » L'expression m'avait toujours
paru bizarre.
La situation dans laquelle je me trouvais, l'impression
d'être
véritablement au
« trente-septième
dessous », lui conférait une motivation
inattendue.
Mais comme les précédentes, cette
réflexion ne m'a
pas fait sourire.
☐ IV
— Inquiétante
étrangeté d'un retour ches soi (août
1995), pp. 148-149 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « L'Œuvre des mers »,
Paris : Françoise Bourin, 1988 ; Gallimard
(Folio, 2171), 1990 [première version]
- « Les
larmes de pierre », Paris :
Françoise Bourin, 1991 ; Gallimard (Folio, 2552),
1993
- « Le
caillou de l'Enfant-perdu », Paris :
Flammarion, 1996
- « L'Œuvre des mers »,
Paris : L'Olivier, 2004 ; Paris : Points (P1765),
2007 [version
élargie]
- « L'Œuvre
des mers », Paris : L'Olivier, 2011 [nouv.
version élargie]
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mise-à-jour : 20
novembre 2018 |
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