JOSYANE
SAVIGNEAU : Les vrais amoureux
des îles, de toutes les îles, même
« éphémères et
fantômes » — et pas
seulement celles qu'aiment les touristes, sous les tropiques,
baignées de mers chaudes et très
bleues — se souviennent peut-être d'un
étonnant premier roman, paru […] en 1988
[…], L'Œuvre
des mers.
On y découvrait un
archipel ignoré, presque oublié de la France,
qui, pourtant, le possède, Saint-Pierre et Miquelon.
[…]
Eugène Nicole avait
continué son chemin dans cette topographie sentimentale avec
Les Larmes de pierre (1991) et Le
Caillou de l'Enfant-Perdu (1996). […]
Et le revoici avec un gros
volume de près de 800 pages […]. Il comporte
quatre parties, et treize chapitres — treize chants comme une
épopée — et s'intitule aussi L'Œuvre
des mers […].
[…]
Mais quel est donc ce nouvel et gros Œuvre des
mers ? « J'ai repris mon lointain projet de
rassembler en un seul volume le cycle romanesque que j'avais entrepris,
explique Eugène Nicole. Je l'ai
augmenté d'une quatrième partie, " La
Ville sous son jour clair ", et, surtout, je l'ai
entièrement retravaillé dans la perspective d'une
unité. On y perçoit, je crois, la modification de
mon rapport à ce lieu, qui, désormais, entre dans
le monde moderne. C'est aussi dans la distance que j'ai pu le faire
émerger comme lieu
d'écriture. »
Dans L'Œuvre
des mers d'autrefois, devenu aujourd'hui la
première partie du récit, le lecteur entrait dans
un pays inconnu, un étrange village avec de curieux
personnages […].
On retrouve tout cela, bien
sûr, dans ce « chant »
de Saint-Pierre et Miquelon qu'est désormais ce livre. Mais
on comprend beaucoup mieux comment le narrateur lui-même
s'est construit en refaisant ce parcours, en retraçant sa
propre histoire, sa géographie intime, en explorant son
rapport aux ancêtres, aux aïeux, aux grands-parents
qui ont élevé cet enfant dont la mère
est morte alors qu'il avait 5 ans.
[…]
Né dans une
île, on n'en sort jamais vraiment, sauf peut-être
en écrivant. « A Paris, puis
à New York, je n'ai jamais quitté les
îles » souligne
Eugène Nicole. « J'avais
même d'abord écrit " à Paris
comme à New York, j'ai toujours poursuivi les
îles " », dit-il. « Les
îles c'est une entité qui est
à la fois une terre et une
écriture », dont il fallait
faire « une œuvre
épique et vagabonde »,
aujourd'hui totalement accomplie.
☐
Le Monde des livres, 9
janvier 2004
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
La
première version de “ L'Œuvre des mers ”
a été publiée en 1988 ; par
la suite,
Eugène Nicole a fait paraître deux romans
également
situés à Saint-Pierre-et-Miquelon :
“ Les
larmes de pierre ” en 1991, “ Le
caillou de
l'Enfant-perdu ” en 1996. La seconde version de
“ L'Œuvre des mers ”
(2004) réunit
le texte de la première version (1988) suivi des romans de
1991
et 1996, et d'une quatrième partie inédite,
“ La ville sous son jour clair ”.
Une ultime (?) version, publiée
en 2011, s'achève sur une cinquième partie
— “ Un adieu au long
cours ” où
l'auteur évoque la figure de son père.
- « L'Œuvre des mers »,
Paris : Françoise Bourin, 1988 ; Gallimard (Folio, 2171), 1990 [première version]
- «
L'Œuvre des mers », Paris : L'Olivier, 2011 [nouv.
version élargie]
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- « Les
larmes de pierre », Paris :
Françoise Bourin, 1991 ; Gallimard (Folio, 2552),
1993
- « Le
caillou de l'Enfant-perdu », Paris :
Flammarion, 1996
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