10e édition du Prix du Livre Insulaire
(Ouessant 2008)
prix « fiction » |
36, rue de
l'Argenterie / Antoni Serra ; traduit du catalan (Majorque)
par
Renée Sallaberry. - Gardonne :
Fédérop, 2007.
- 203 p. ; 21 cm.
ISBN
978-2-85792-173-8
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NOTE
DE L'ÉDITEUR
: « 36, rue de
l'Argenterie » est le roman d'une
double défaite : celle de la Majorque
républicaine
tombée aux mains des phalangistes et des soldats de
Mussolini
venus en renfort, et celle d'Ignasi et de Nina, un vieux couple
de xuetes (descendants
de juifs convertis) pris dans la tourmente de la guerre civile.
C'est le
roman de la peur, de la lâcheté et de
l'impuissance : Nina ne songe pour sauver sa vie
qu'à
complaire au nouveau pouvoir, « il ne faut
mécontenter personne si nous voulons
survivre » ; Ignasi,
« le perdant de
toujours » voit renaître à la
faveur de la
guerre les persécutions contre son peuple. C'est un vieil
homme
résigné et las qui, sa vie durant, a subi toutes
sortes
d'humiliations et qui n'a jamais été capable
d'affronter
autrui. Seuls son travail de bijoutier et les pigeons qu'il
élève sur la terrasse de sa maison lui apportent
quelque
réconfort. Parvenu à la fin de sa vie, il ne
pense plus
qu'à mourir et en vient à désirer
secrètement que la ville de Palma qui, pendant des
siècles, a humilié et
persécuté les siens,
soit anéantie sous les bombardements.
❙ |
Antoni
Serra est né à Sóller (île
de Majorque) en
1936. Après des études de médecine, il
parcourt
l'Espagne tout en exerçant différents
métiers : journaliste, correcteur, clown dans un
cirque de
Cádiz … Il réside quelques
temps à
Valence où il collabore à des revues, puis
à
Barcelone. De retour à Majorque, il se consacre
définitivement au journalisme et à la
littérature.
Il est membre fondateur de l'Association des écrivains de
langue
catalane. |
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ADRIEN
LE BIHAN : […]
36, rue de
l'Argenterie
(1988) est le second de trois romans qui ont pour cadre Majorque
pendant la guerre civile. Sur le tableau d'Antoni Gelabert de la
couverture, on voit la cathédrale gothique de Palma et, dans
le
fond, entre mer et montagne, le quartier aujourd'hui touristique
où achève de pourrir, avec ses cabarets, la place
Gomila.
À cet endroit, hors de la ville
médiévale et de
ses murailles, l'Inquisition expédia au bûcher des
Juifs
convertis, jugés coupables de pratiquer leur ancienne
religion
en secret. Parmi eux, un ancêtre de Pierre Vidal-Naquet,
comme il
le signale dans ses Mémoires. Jusqu'au XXe
siècle, les descendants des Juifs convertis, les chuetas, subirent
des discriminations dans la société insulaire, y
compris au sein de l'Église.
Non loin de la cathédrale l'ancien quartier juif de Palma,
le call
(de l'hébreu kahal,
communauté).
Rue de l'Argenterie, la petite maison surmontée d'une
terrasse,
et le magasin, du bijoutier Ignace et de sa femme Nina. Juillet
1936 : dans l'Espagne coupée en deux par le
soulèvement de Franco, Madrid et Barcelone restent
républicaines ; Majorque tombe rapidement aux mains
des
franquistes. Les deux vieux chuetas
ont
peur, elle surtout : « Dès qu'il y a une
tempête, c'est nous qui recevons les plus fortes
éclaboussures. »
[…]
36, rue de
l'Argenterie :
le drame d'un homme soumis raconté par un indocile. Membre
fondateur de l'Association des écrivains de langue catalane,
il
a refusé avec éclat, en 2007, de se rendre
à la
foire de Francfort qui mettait la littérature catalane
à
l'honneur en ne concédant aux écrivains des
Baléares, conformément aux décisions
des
autorités littéraires de Catalogne, qu'un discret
strapontin. Antoni Serra exposa ses raisons en catalan dans le Diari de Balears :
1) une foire est un lieu de commerce destiné à
des
éditeurs ; 2) usagers à part
entière de la
langue catalane, nous ne sommes pas des oiseaux rares dans une
réserve offerte à la curiosité des
touristes.
À la fin de son papier, ce mot de Josep
Palàcios :
« Écrire coûte beaucoup de
sang :
certainement le plus doux. »
☐ Esprit,
mars-avril 2008
Adrien Le Bihan dans la
« bibliothèque
insulaire » :
- Adrien Le
Bihan, « Retour
de Lémurie », Paris :
François Bourin, 1993
- Adrien Le
Bihan, « George
Sand, Chopin et le crime de la Chartreuse »,
Espelette : Cherche-bruit, 2008
- Cristóbal
Serra, « Pendule
et autres écrits » trad. de
l'espagnol par Adrien Le Bihan, Paris : Ed. du
Félin, 1991
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EXTRAIT |
Ignasi
en haut de la terrasse laissait la porte ouverte à son
imagination, il aimait penser à des choses qu'il aurait
difficilement confiées à quelqu'un : la
ville
était fermée et dure, malgré son
apparence
aimable, rumina-t-il. Personne n'aurait imaginé que,
finalement,
elle était soupçonneuse, méfiante
vis-à-vis
de ce qui existait ailleurs, comme vis-à-vis d'elle
même.
Sans hésitation, Ignasi osa penser que peut-être
même, avec le temps, tout au long de l'histoire, deux villes
à l'intérieur de la ville s'étaient
dessinnées, irréconciliables l'une avec l'autre,
séparées par un mur de terreur et de violence. La
ville
du vieux Call, de la marginalité, des gens
« de la
rue » des xuetes,
comme
aimaient à le dire les autres citoyens, dont il faisait
partie
lui par naissance et par souffrance, séparée du
reste de
la ville, dont il ne savait pas exactement si quelques secteurs leur
étaient interdits à eux, les xuetes.
Et,
regardant le ciel, Ignasi décida que plus grand-chose ne
pouvait le surprendre ni l'affecter outre mesure.
☐
pp. 31-32 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Carrer
de l'Argenteria, 36 », Barcelona :
Pòrtic, 1988
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mise-à-jour : 10
octobre 2012 |
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