NASHIKI Kaho

Les mensonges de la mer

Philippe Picquier

Arles, 2017

bibliothèque insulaire

   
Autour du Japon
parutions 2017
Les mensonges de la mer / Nashiki Kaho ; trad. du japonais par Corinne Quentin. - Arles : Philippe Picquier, 2017. - 195 p. ; 21 cm.
ISBN 978-2-8097-1252-0
NOTE DE L'ÉDITEUR : Au début des années 1930, un jeune chercheur en géographie humaine se rend dans une île isolée au sud de Kyūshū.

Une île petite et dense comme un bonsaï (1) où, entre mer et montagne, il chemine dans la forêt de brume ou les villages accrochés aux pentes abruptes, attentif à la moindre rencontre, animaux, fleurs ou humains. Il cherche les ruines d'un immense monastère bouddhiste, recueille les croyances anciennes, mène de longues conversations avec un ancien marin retiré au milieu de la forêt. C'est un monde où le temps semble s'être arrêté, dont la sérénité est cependant rompue par les traces des violentes destructions qui l'ont jadis traversé.

Ce roman à l'écriture limpide nous transmet une forme de tranquillité, à la recherche de l'accord secret entre une terre et la vie qui l'anime, du lien spirituel qui nous unit à la nature et à la mémoire.
       
NASHIKI Kaho, née en 1959 à Kagoshima dans le Kyūshū, écrit pour la jeunesse et pour les adultes. Son intérêt pour l'histoire des religions, sa connaissance des plantes, son goût pour les voyages alimentent ses écrits, romans, essais, récits de voyage … Elle a reçu de nombreux prix littéraires, notamment pour Nishi no majo ga shinda (La sorcière de l’est est morte) également adapté au cinéma. Un album illustré dont elle a signé le texte, Le peintre, est paru en France (éditions nobi nobi !, 2014).
       
1. « Une île, ce fut la forte impression que j'eus au début de mon séjour, est comme un bonsaï. Non parce qu'elle est modelée par l'homme. Plutôt parce qu'elle déborde d'une vitalité qui ne cesse d'exploser. » — Les mensonges de la mer, p. 15.
En cheminant d'une extrémité à l'autre de l'île (fictive) d'Osojima, au Sud de Kyūshū, le narrateur prend la mesure moins des lieux — quelques jours de marche suffisent pour se rendre d'un extrême à l'autre — que du temps et de son passage dont témoignent des ruines laissées à l'écart et des histoires voilées de silence. On devine en arrière-plan le rude conflit opposant shintō et bouddhisme pendant l'ère Meiji ; on s'interroge sur l'évolution de l'habitat insulaire à la croisée d'influences venues du nord et du sud — mais l'élan conquérant ? les forces de résistance ? la capacité de synthèse ?

Ces questions, et d'autres, demeurent sans réponse quand le narrateur quitte l'île, bien décidé à revenir pour reprendre son enquête. Mais survient la guerre, puis le mariage et les contraintes d'une carrière universitaire. Cinquante ans plus tard … le hasard permet de renouer le fil. Un pont unit l'île à la grande terre proche, la plus haute montagne a été écimée pour fournir la pierre nécessaire à d'ambitieux projets touristiques. Face à l'ampleur du bouleversement, les interrogations d'hier pourraient avoir perdu toute pertinence. C'est pourtant à cet instant précis qu'un phénomène naturel, un instant de vacillement des apparences — les mensonges de la mer —, impose paradoxalement l'idée d'une sereine et rassurante permanence.
EXTRAIT        Mon regard quitta les verts feuillages et se tourna vers la mer. A ce moment, quelque chose qui m'était familier entra dans mon champ de vision.
       — Yûji, regarde ça !
       — Quoi donc ? Ah, les mirages ?
       — Oui. Certains les appellent les mensonges de la mer.
       — C'est vrai, j'ai entendu dire que des mirages se produisaient. Moi, je n'ai pas le temps de regarder tranquillement la mer, c'est la première fois que j'en vois. Ils étaient là depuis quand ? Tout à l'heure il n'y en avait pas, il me semble ?
       Les rayons du soleil d'été, se reflétaient sur l'eau éblouissante dans ce décor vacillant, une superposition de murs blancs s'étirait vers l'horizon ; ainsi que M. Yamané le disait, c'était comme ces remparts qui apparaissent soudain dans le désert.
       — Que c'est beau ! murmura Yûji. Il semblait ne pas pouvoir contenir son émotion. Comme frappé par surprise, j'eus la sensation qu'une lame acérée atteignait le plus profond de ma poitrine. Ce phénomène, même si je le trouvais intéressant, je ne lui aurais jamais donné ce qualificatif de « beau » ; jusqu'à présent, dans ma vie, je n'avais jamais regardé les choses avec ce que je pourrais appeler « un regard d'enfant ». Je fixai intensément la mer.
       Umi-uso, les mirages de la mer. Cette chose-là, au moins, était telle qu'autrefois. Si je l'avais pu, j'aurais voulu m'accrocher à cette « permanence » et laisser mes cris et mes pleurs exploser sans la moindre retenue. En même temps, je me rappelai ce qu'autrefois M. Yamané avait murmuré. « Voir des mirages depuis ici était la plus grande joie de mon père ».

pp. 191-192
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « 海うそ (Umiuso) », Tōkyō : Iwanami Shoten, 2014
  • « Les mensonges de la mer », Arles : Picquier (Picquier poche), 2019

mise-à-jour : 19 janvier 2022
Nashiki Kaho : Les mensonges de la mer
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