Jorge Luis Borges et María Esther Vasquez

Essai sur les anciennes littératures germaniques

Union générale d'éditions - 10/18, 507

Paris, 1970

bibliothèque insulaire

   
Islande
Essai sur les anciennes littératures germaniques / J.L. Borges et M.E. Vasquez ; traduit de l'espagnol par Michel Maxence. - Paris : Union générale d'éditions, 1970. - 190 p. ; 18 cm. - (10/18, 507).
Les fondateurs de l'Islande étaient des exilés. Ils ont trompé leur ennui en pratiquant des jeux athlétiques, et ils ont vaincu leur nostalgie par le maintien des traditions de leur race. (…) Ils ont produit une vaste littérature, en vers et en prose.

pp. 105-106

L'ouvrage réunit trois « grandes littératures » issues d'une même souche (la Germanie telle que la définit Tacite) : littérature de l'Angleterre saxonne, littérature allemande et littérature scandinave. Cette dernière, qui « a vu principalement le jour en Islande » est, sans conteste, « la plus complexe et la plus riche » ; les auteurs lui accordent le plus long développement au sein d'un livre qui « n'est pas seulement une histoire », mais également « une sorte d'anthologie ».

Ont une place de choix au sein de ce parcours, la Grande Edda ou Edda poétique (recueil de poèmes des IXe-XIIIe siècles), les Sagas et la poésie des scaldes — « il leur était habituel de dire au lieu de mer, chemin de la baleine », « pré de la mouette » ou « chaîne des îles ».

Bien des auteurs de ce corpus foisonnant sont aujourd'hui oubliés ; mais quelques grandes figures gardent tout leur éclat, notamment Ari l'historien (Ari Thorgilsson, 1067-1148), « le père de l'histoire islandaise, le premier écrivain en prose vernaculaire, l'homme qui découvre le style dans lequel on écrira les grandes sagas et l'illustre Heimskringla 1 ». Le plus brillant de tous est  Snorri Sturluson (1179-1241), l'auteur précisément de la Heimskringla et de la Petite Edda ou Edda en prose.
       
1. Littéralement, la sphère du monde ; « la Heimskringla compte seize vies de rois et embrasse environ quatre siècles d'histoire ».
EXTRAIT La culture islandaise atteint son apogée dans l'œuvre de Snorri. Carlyle, dans son éloge de Snorri, le qualifie d'homérique. Cette qualification, à notre avis, est erronée. Justifié ou non par l'histoire, le nom d'Homère suggère toujours quelque chose de semblable à une aurore, à un surgissement ; tel n'est pas le cas de Snorri Sturluson qui résume et couronne un long processus antérieur. Il serait plus juste de le comparer à Thucydide, qui appliqua également à l'histoire une tradition littéraire. On le sait, l'exemple de l'épopée et du théâtre influa sur les discours que Thucydide a insérés dans sa Guerre du Péloponnèse. Les sagas ont eu de même une influence sur le style de la Heimskringla.

Snorri, dans la Heimskringla, recueille le passé historique et légendaire de sa race ; dans l'Edda en prose, il réunit et organise les mythes épars du paganisme, puis il les étudie. Il assume ainsi, comme l'a signalé R.M. Meyer (Altgermanische Religionsgeschichte, Leipzig, 1910), une double fonction : celle de théologien et celle d'investigateur. Meyer écrit : « La dernière activité des théologiens est la codification : le rassemblement et l'élaboration des matériaux … Snorri perfectionne l'ancienne théologie nordique et il fonde déjà la science de l'ancienne religion germanique. » Nous lisons plus loin : « Snorri appartient à l'Histoire de l'évolution mythologique et aussi à celle de la science mythologique. Il fut un lointain collègue de Jakob Grimm ; il fut surtout un grand prosateur classique. »

Les sciences naturelles et philosophiques n'ont pas capté l'attention de Snorri. Ces disciplines exceptées, il convient d'affirmer qu'il a préfiguré, en plein Moyen Âge, le type de l'homme universel de la Renaissance. Il a été en quelque sorte la conscience du Nord ; l'histoire, la poésie, la mythologie revécurent en lui. Peut-être a-t-il accompli la tâche de fixer ces vieilles choses scandinaves, car il eut l'intuition qu'elles touchaient à leur fin ; peut-être a-t-il deviné la désintégration de ce monde dans la faiblesse et la fausseté de sa propre vie.

pp. 167-168
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Antiguas literaturas germánicas » con la colab. de Delia Ingenieros, México : Fondo de cultura económica (Breviarios, 53), 1951
  • « Literaturas germánicas medievales » con la colab. de María Esther Vasquez, Buenos Aires : Falbo, 1966
  • « Essai sur les anciennes littératures germaniques », Paris : Christian Bourgois, 1966
  • « Atlas » en coll. avec María Kodama, Paris : Gallimard, 1988
  • « Le miroir et le masque », in : Le livre de sable, Paris : Gallimard, 1978
  • « Thème du traître et du héros », in Fictions, Paris : Gallimard (Folio, 614), 1974

mise-à-jour : 25 juillet 2016

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