De grâce
et de vérité / Jennifer Johnston ; trad. de l'anglais
(Irlande) par Anne Damour. - Paris : Belfond, 2007. -
217 p. ; 23 cm.
ISBN 978-2-7144-4218-5
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Et la lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie.
Évangile selon saint Jean (1, 5), cité p. 217 |
Sally
est actrice de théâtre, et connaît un succès
tel qu'elle se lasse d'interpréter le rôle de
Pegeen : « trente-sept semaines à jouer Le Baladin du monde occidental me suffisaient, sans doute pour toujours ». Dans le vide qui se creuse, elle rêve alors d'autres incarnations : Miranda — « son aura m'habitait encore : pâle, jeune et innocente », la sainte Jeanne de Bernard Shaw et même un personnage de Beckett : « j'adorerais jouer Vladimir » … Du
monde extérieur, du monde réel, ne semblent plus
l'atteindre par la télévision que d'obsédantes
images de la guerre qui ravage l'Irak.
Pour échapper
à la solitude, Sally se tourne vers son grand-père,
dernier dépositaire d'une histoire familiale dont la clé
lui a toujours été refusée. Au terme du roman, une
porte s'ouvre sur une vérité plus lourde et douloureuse
que le silence mais Sally ne vacille pas et, l'épreuve
surmontée, se retire « sur
la pointe des pieds songeant à la poésie, à la
grâce et à la vérité ».
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EXTRAIT |
Je me penchai vers lui.
« Grand-père, vous devez m'aider. J'ai vraiment
besoin de savoir que j'ai une famille. J'ai vraiment, vraiment besoin
de trouver mon père. »
Son visage se ferma, sévère, résolument hermétique.
« Mange. »
Je lui obéis.
Nous mangeâmes tous deux en silence.
Au bout d'un moment, tandis que Mme Caruthers
débarrassait nos assiettes et les remplaçait par
d'autres, je pris mon courage à deux mains.
« Je suis désolée de vous harceler
ainsi, mais nous sommes seuls désormais … du moins,
je suis seule. Vous avez tous ceux-là, les morts. Je n'avais que
ma mère et elle n'était pas totalement
présente … et je vous ai, vous. Et
vous … m'avez, moi. Pour ce que ça vaut.
Grand-père. »
J'effleurai sa main.
Il tressaillit.
« Excusez-moi, dis-je. J'aimerais vraiment
avoir une famille. Je n'ai pas besoin de les aimer …
juste … de savoir qu'ils existent. Je vous en prie.
— Ce n'est pas possible. » Ayant
prononcé ces mots cruels, il m'adressa soudain un sourire
charmant. « Je t'ai vu jouer Miranda. »
Je restai sans voix.
« Vous …
— Oui. Je t'ai vue. Je t'ai trouvée
excellente. Il m'a semblé que tu avais très bien saisi sa
parfaite innocence. Tu ne l'as pas jouée comme si elle
était stupide. Comme le font certaines actrices. Elle
n'était pas stupide. Elle était d'une exquise innocence.
Son père ne lui avait jamais rien dit, ne lui avait rien appris
du monde … du monde du Mal, en fait. Jamais.
— Je suis heureuse que vous ayez apprécié le spectacle.
— Pas tant le spectacle que ta propre interprétation. » Il ferma les yeux.
☐
pp. 39-40 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE
- « Grace and truth »,
London : Review, 2005
- « De grâce et de vérité », Paris : 10/18 (Domaine étranger, 4291), 2009
- « Un Noël en famille », Paris : Belfond, 2009 ; 10/18 (Domaine étranger, 4394), 2010
- « Ceci n'est pas
un roman », Paris : Belfond, 2004 ; 10/18
(Domaine étranger, 4047), 2007
- « Je m'appelle Mimi »,
Nîmes : Jacqueline Chambon, 2000
- « L'illusionniste »,
Nîmes : Jacqueline Chambon, 1996
- « La femme qui court »,
Paris : Les Belles lettres, 1992 ; Le Serpent à
plumes (Motifs, 119), 2000
- « Le sanctuaire des fous », Arles : Éd. Bernard Coutaz, 1989 ; Nîmes : Jacqueline Chambon (Chambon-poche,
9), 1996
- « Les ombres sur
la peau », Paris : Denoël, 1979 ; Le Serpent à plumes (Motifs, 142), 2001
- « Petite musique
des adieux », Paris : Belfond, 2003 ; 10/18
(Domaine étranger, 3979), 2004
- « Princes et capitaines »,
Paris : Denoël, 1977
- « Si loin de Babylone »,
Paris : Denoël, 1979
- « Un homme sur la
plage », Paris : Les Belles lettres, 1991 ;
Le Serpent à plumes (Motifs, 101), 2000
- « Un Noël blanc »,
Paris : Denoël, 1985 ; Nîmes : Jacqueline
Chambon, 1997 ; Paris : Le Serpent à plumes (Motifs, 185), 2003
- « Une histoire irlandaise »,
Paris : Denoël, 1983
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mise-à-jour : 23 mars 2013 |
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