ANANDA DEVI : Il faut que les bruits du monde s'éteignent pour que s'élève la voix du poète. Il endosse alors sa solitude et s'en va à l'assaut du silence. Il soulève son regard en veilleuse et par à la conquête de la lumière. A l'écoute des commandements de l'âme, il façonne le granit des images, manie, avec la dextérité du désespoir, les formes nues de la nostalgie.

Les mots en souffrance, en souffrance des mots, « seul sur le seuil », il attend.

Puis commence l'étrange voyage, de la naissance entre deux vagues à la mort en bout de falaise, qui a pour autre nom la co-(n)naissance.

[…]

L'orient en lui scrute le passé à la recherche des souvenirs et des sources ; l'occident en lui fait face au futur, trouve des solutions, apprivoise les mystères.

Mais voilà qu'issu d'une île, il se fait trait d'union et ose. Il ose jeter un mont entre Est et Ouest. Il ose souder des mots qui jamais ne se sont côtoyés. Tendre deux mains ouvertes dans un monde aux poings fermés. Et l'Ouessant s'anime d'un soleil-tika, le rouge-gorge se métamorphose en Paille-en-Queue, la danse de Shiva, à la chevelure en folie, a lieu sur fond de requiem, le bois de manguier qui recueillera ses brûlures et ses cendres accueillera aussi les sept couleurs des jours de la terre créole. Le pont est jeté, et le poète le parcourt.

Mais terrible est la charge d'une telle nostalgie […].

☐ Préface, pp. 1-2

EXTRAIT

quand sur le front lisse de l'ouessant le soleil-tika rouvrira ses portes d'écume au large du pas de mer mes pieds largueront les amarres et traverseront les quatre océans derrière le paille-en-queue en quête de prières […] et quand sur le front lisse de l'ouessant le soleil fermera ses portes d'écume la nuit profilera sa lueur au large du pas de mer et proue à l'est par-dessus latitudes et longitudes décroisées je voguerai sur les vents sorciers ☐ p. 14