parutions 2003

ANANDA DEVI : […]

… le lecteur, interpellé par l'incandescence réactive des mots, devra, dans sa violence même, suivre le poète pour créer « le dernier continent » — l'île.

Cette île à laquelle il croit malgré sa peur, ses peurs, les visages terrifiants qu'il entrevoit, l'avenir qu'il voudrait dire mais auquel on ne croira pas — parce qu'il n'est « que » poète — « infirme ignorant et méprisable / conteur de chimères ».

Conteur de chimères ? Mais de chimère à chimie, il n'y a qu'une syllabe ; et c'est une syllabe qui chante, entre « mère » et « mie », un chant d'amour et d'errance en fraternelle dissonance avec ses multiples incarnations, passant par tous les états de Jekyll à Hyde ; car le poète, dans son innocence même, peut aussi être un monstre.

Innocent comme celui qui, la première fois, effleure une chevelure de femme comme il caresse un mot.

Qui découvre, dans l'apesanteur de vers comme libérés de tout poids, le « corps source » et « l'instance de compassion ».

Et monstrueux comme le Sphinx qui décrète la mort au moment où l'on croit résoudre l'énigme. Qui « cannibalise … empoisonne … envenime ».

Mais déchiré, surtout, entre la vision éblouie de ce qui serait, et le constat désabusé de ce qui est …

[…]

EXTRAIT

[…] paroles pour corps de coraux aux jointures de l'incréé tu es ghazal incurvation                 d'un                      cygne                            dans                      un                 ciel       disjoncté le tabla arabesque tes courbes tambourine tes abandons ton corps dépôts de sable écarlate ma moelle océane corps dédale de vallées vallons labyrinthe de sueur ombrelle qui ventile mes ombres boréale qui mélodie mon boucan inconciliable qui concilie épine et baume scalpel et cautère hérésie et foi je suis le cocaïnomane de tes alternances […] ☐ pp. 20-21