Jimmy M. Ly

Adieu l'Etang aux Chevrettes

Te Ite

Papeete, 2003

bibliothèque insulaire

   
édité à Tahiti
parutions 2003
Adieu l'Etang aux Chevrettes / Jimmy M. Ly. - Papeete : Te Ite, 2003. - 171 p. ; 21 cm.
ISBN 2-9518794-1-5
We shall not cease from exploration
And the end of all our exploring
Will be to arrive where we started
And know the place for the first time.
Nous continuerons à explorer sans trêve
Et le terme de toutes nos explorations
Sera d'arriver à notre point de départ
Et de le connaître pour la première fois.
T.S. Eliot, Four quartets • cité en épigraphe                                                

Jimmy Li est né en 1941 ; ses grands-parents avaient quitté le village de Xia Gong Tan au sud de la Chine pour s'établir et trouver du travail à Tahiti. Ce pourrait être une histoire ancienne à conserver pieusement, mais Jimmy Ly souhaite la faire vivre et la transmettre ; pour y parvenir, il s'efforce d'en évaluer la portée, pour savoir « si le dialogue avec les valeurs éternelles de notre passé est encore possible » (p. 26). C'est le sujet d'une longue lettre adressée à son fils.

Cette quête est illustrée par un voyage de retour aux sources : Hong Kong, Beijing (Pékin), Canton, Nanning dans le Guanxi et, pour finir ou presque, Xia Gong Tan — l'Etang aux Chevrettes — berceau de la famille où se mesure rudement le passage du temps : le souvenir d'une Chine immémoriale entretenu dans la diaspora souffre de la confrontation avec une société qui a connu entre temps deux révolutions (communisme puis capitalisme d'état), au point de susciter un commentaire empreint d'amertume : « eux sont géographiquement des Chinois, mais c'est nous qui, aujourd'hui, gardons dans nos cœurs les valeurs de la Chine éternelle » (p. 133).

Pourtant le parcours de Jimmy Ly et le témoignage qu'il souhaite laisser aux générations plus jeunes ne se limitent pas à ce constat désenchanté. Pour en apprécier la portée, il importe de garder en mémoire la motivation initiale : s'il faut remonter le cours du temps pour consolider une identité fragilisée, c'est avant tout pour mener à terme la démarche des premiers émigrants, respecter « leur désir d'aller au-delà d'eux-mêmes et leur sens d'une frontière à dépasser » (p. 40). Et quant aux lendemains d'un voyage où bien des illusions se sont dissipées, ils demeurent ouverts : « ma fidélité à une culture me permet une liberté de choix indispensable dans la marche vers un territoire inconnu » (p. 137).
EXTRAIT    Xia Gong Tan était le lieu où je devais mettre les pieds. C'était le nom du village d'où étaient partis tes arrière grands-parents paternels. Il me fallait absolument en faire le pélerinage, afin de voir une fois pour toutes la réalité sans concession ni sans complaisance. Xia Gong Tan, l'étang aux chevrettes, drôle de nom pour un patelin d'origine. Je savais seulement qu'il se trouvait à une heure de route de la grande ville de Shenzhen et qu'il faisait partie du canton de la ville administrative de Longgang.

   Trouverais-je là-bas un village de maisons aux toits retroussés, perdu dans un paysage de collines brumeuses, sorties d'une calligraphie toute empreinte de sérénité chinoise ? Serais-je aussi reçu par une famille en fête que je devrais combler de cadeaux somptueux (pour eux) et qui, en reconnaissance, m'accueillerait sous des ovations de joie ? Y mangerais-je même des chevrettes ? Le village natal de mes grands-parents était une énigme. La Chine après Tian An Men encore plus. Resterait-elle assez authentique pour me montrer et extraire ce qu'il y avait encore de Chinois en moi ?

   Voyager en Chine c'était donc vérifier par le dépaysement, même par bribes incomplètes (puisque je ne pourrais ni tout visiter, ni tout écouter, ni tout voir, ni tout comprendre), si l'imaginaire que j'avais nourri depuis mon enfance sur cette Chine mythique n'allait pas s'évanouir en illusions perdues ou au contraire se renforcer au contact avec la réalité du terrain. Pour percer son secret, il fallait absolument un regard : le mien.

   Voyager en Chine c'était aussi rencontrer des gens qui vous ressemblent extérieurement et dont les vies sont d'autres expressions des chemins possibles de la vie, afin de ne pas s'imaginer de façon nombriliste que la Polynésie représente la Terre entière.

   Voyager en Chine, c'était retrouver enfin le berceau d'où était partie toute l'aventure de mes aïeux. Je pourrai peut-être enfin comprendre de visu les raisons qui les avaient poussés à se lancer dans l'inconnu, au risque comme les Puntis de perdre leur âme.

pp. 55-56
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Hakka en Polynésie française », Papeete : Association Wen Fa, 1996
  • « Bonbon sœurette & pai coco », Papeete : chez l'auteur, 1997
  • « Histoires de feu, de flamme et de femmes », Papeete : chez l'auteur, 2006
  • « Wen Hua : À la recherche de mon identité perdue », Papeete : chez l'auteur, 2012
  • Association Wen Fa, « Histoire et portrait de la communauté chinoise de Tahiti », Barcelone : Christian Gleizal, 1979
  • Ernest Sin Chan, « Identité hakka à Tahiti [tome 1] : Histoire, rites et logiques », Papeete : Éd. Te Ite, 2004
  • Ernest Sin Chan, « Identité hakka à Tahiti [tome 2] : Ruptures, désordres et fabrication », Papeete : Éd. Te Ite, 2005
  • Joseph Tsang Mang Kin, « Le grand chant Hakka », Port Louis (Maurice) : Éd. du Flambloyant, 1992
Sur le site « île en île » : dossier Jimmy M. Ly

mise-à-jour : 17 septembre 2013

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