Déchirures
/ Marie-Andrée Manuel Étienne. - Châteauneuf-le-Rouge :
Vents d'Ailleurs, 2001. - 164 p. ; 17 cm.
ISBN 2-911412-07-9
|
NOTE DE L'ÉDITEUR : Alexandra, jeune femme née
en Haïti, terre douloureuse labourée par la folie
des hommes et les cyclones, prend le chemin de l'exil.
Déchirée entre
l'amour qu'elle porte aux siens et l'horreur quotidienne d'un
pays qui a perdu la tête, elle nous entraîne dans
un tourbillon de mots venus du tréfonds de l'humanité,
dans un flot de paroles où la violence débridée
le dispute à la mort sans pudeur, où l'acuité
de la folie traduit l'impossibilité de vivre.
L'imaginaire éclaté
de Déchirures, son style diffracté, haletant,
nous placent au bord du précipice. Irrémédiablement. ❙ Marie-Andrée
Manuel Étienne est née et vit en Haïti ;
le roman est dédié à son « époux
et compagnon de route », l'écrivain Frankétienne.
|
MARIE-ANDRÉE MANUEL ÉTIENNE :
Ce roman retrace la tragédie de la terre haïtienne à
travers les aventures pathétiques d’un personnage qui est
à la fois moi-même, ma fille et toutes les autres femmes
haïtiennes. Les jeunes vivaient un cauchemar tous les jours,
n’osant pas regarder les morts qui s’étalaient sur
les trottoirs, parfois recouverts d’un drap blanc. Je suis
déchirée par des scènes de crimes qui me hantent
et provoquent de grandes déchirures. Les enfants se
barricadaient chez eux et n’osaient pas sortir pour
s’amuser comme devraient le faire les jeunes de 16 à 20
ans. À cette époque-là, j’entendais souvent
leurs plaintes, leurs cris et leur envie de se suicider ou de laisser
le pays pour ne jamais y revenir.
→ extrait d'un entretien
recueilli en 2016 par Marie Alice Théard — à
lire dans son intégralité sur le site du quotidien Le National.
|
EXTRAIT |
Puis-je à haute voix
révéler le secret de l'ombre dans la dramaturgie
du temps qui fuit ? Le passé au fond de moi est-il
un fleuve, un lac, un marécage ou une île ?
Serais-je une fabulatrice habile à décorer mes
vérités et mes mensonges ? Souvent mes mensonges
et mes fables sont comme des vêtements d'emprunt. Puis-je
vraiment retrouver mes ombres et mes clartés d'autrefois
dans cet arrière-paysage insaisissablement flou ?
Je m'égare si souvent à travers les provisoires
provinces de l'âme, tantôt pleines d'éclaboussures
lumineuses, tantôt recouvertes de neige imaginaire. Je
voudrais bien retrouver le nid douillet de mon enfance. Ce doux
mélange de tendresse et de tristesse. Mes voyages lyriques
à travers mes lectures préférées.
Les Souffrances du jeune
Werther. Madame Bovary. La Princesse de Clèves. Le Comte
de Monte-Cristo. Les Chants de Maldoror.
Solitaire et casanière
depuis ma tendre enfance, je ne sortais que très rarement.
Je n'ai jamais aimé les bruyantes agitations de la foule.
Repliée sur moi-même, la lecture a été
mon passe-temps favori.
[…]
Les immenses joies que me procurait
la lecture m'éloignaient […] de la triste et macabre
réalité de mon pays. Je pouvais alors, pendant
quelques heures, oublier l'enfer avec son quota d'horreurs insoutenables.
☐ pp. 80-81
|
|
|
mise-à-jour : 14 mai 2017 |
| |
|