CÉCILE MAROTTE,
HERVÉ RAKOTO RAZAFIMBAHINY : […]
Ce livre est le résultat
d' une recherche effectuée en Haïti, portant sur
la problématique des Droits de l'Homme et plus spécifiquement
sur les violations des Droits de l'Homme et les conséquences
au plan de la santé mentale qui peuvent en découler.
Le choix de la période
1991-1994, qui fait suite au coup d'État du 30 septembre
1991 à Port-au-Prince, correspond en Haïti à
une période spécifique de répression. Face
à l'ampleur des violences et des désastres commis
et constatés, deux professionnels de la santé,
l'un au plan médical, l'autre au plan de la psycho-pathologie
dans une optique ethnopsychiatrique, furent confrontés
à la nécessité de porter l'éclairage
sur l'articulation Droits de l'homme/santé. Les séquelles
qui découlent des violations des Droits de l'homme sont
gravissimes, tant au plan physique qu'au plan pyschologique.
En outre, la violence qui accompagne toute situation de survie
est endémique en Haïti, et se répercute sur
les rapports sociaux en les malmenant continuellement. Le constat
de cette violence constante a remis en question la notion de
victime et a permis de l'approfondir.
Mais ce travail se veut surtout
une réflexion sur la mémoire, sur l'exigence faite
à une société d'oublier — de faire
comme si elle oubliait — afin de survivre, alors que son
passé même la porte à garder toujours présent
le souvenir de son indépendance. Cette réflexion
sur la mémoire s'est aiguisée sur le deuil et le
travail de deuil autour duquel il est presque devenu classique
de mettre en valeur les aspects paradoxaux d'une réalité
disparue dont il convient d'endiguer la reviviscence plus ou
moins tenace. La mémoire semble s'enliser et se perdre
à travers des méandres où les logiques rationnelles
classiques s'arrachent les cheveux ! Le passé ne
semble pas produire de leçons à proprement parler,
mais il continue de hanter l'identité des Haïtiens
au plan collectif comme au plan individuel.
[…]
L'homme haïtien n'a pas
disparu, et l'on demeure parfois saisi devant l'aspect coriace
de sa capacité à résister, à être
debout, en dépit des exactions subies.
Mais le prix à payer est
exorbitant en vies humaines comme en modifications tragiques
des destinées : c'est à ce titre que la réflexion
s'impose et c'est à ce titre que nous l'avons amorcée.
☐ Introduction, pp. 19-21
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