À chacun
son big-bang / Jean-Robert Léonidas. -
Léchelle :
Zellige, 2012. - 188 p. ; 21 cm. - (Ayiti).
ISBN
978-2-914773-46-1
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Haïti,
fin du XXe
siècle. Un vieil homme, sentant venir sa fin,
décide de raconter sa vie à sa petite-fille.
Congo
belge, début du XXe
siècle.
Un gamin se retrouve orphelin après que son village ait
été rasé par une tornade. Il est
recueilli par un
missionnaire grec qui se fait appeler Bonogreco et dont la vocation a
pour origine l’argent que Léopold II, le roi des
Belges,
versait à ceux qui étaient prêts
à aller
évangéliser les Noirs. Une affection
partagée va
naître entre le gamin, désormais
baptisé Mompela,
du nom de son village détruit, et Bonogreco. C’est
alors
que celui-ci décide de retourner en Grèce
s’occuper
du restaurant Plaisir
du gourmet qu’il avait laissé
à la garde de sa femme, Ana.
Serveur
dans le restaurant du Grec, Mompela grandit et devient un beau jeune
homme dont la peau noire ne laisse pas insensibles les jeunes
Athéniennes. Mais son mentor a toujours la bougeotte et les
voilà partis avec Ana pour la Belgique, où
Bonogreco
avait noué des liens lors de son séjour au Congo.
Puis
le trio embarque sur l’un de ces paquebots de luxe qui
faisaient
alors la traversée vers le Nouveau Monde. Lors
d’une
escale à Port-au-Prince, un drame se noue dans la cabine de
Bonogreco, qui amène Mompela à s’enfuir
à la
nage vers les rivages d’Haïti. Il comprend alors
qu’il
est arrivé au bout de son errance et que ce pays va
être
le sien. Loin du big-bang initial, une nouvelle vie
commence …
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EXTRAIT |
Les
passagers n'avaient jamais été à
pareille
fête. Ils venaient de vivre une agréable
journée
dans un endroit qui porte avec la plus grande
élégance le
beau nom de Port-au-Prince. On ne savait trop pourquoi, mais de tous
les panoramas admirés durant ce trajet, jalonné
de
découvertes, celui de Port-au-Prince avait exercé
sur
Mompela un attrait spécial. Il y sentait une âme
qui
s'attachait à la sienne pour déclencher un
rêve.
Une sublime évocation faisait apparaître, en un
tour de
passe-passe abracadabrant, l'image d'un pays d'origine.
Le souvenir du Congo surgissait. Était-ce
à cause
de la poésie qui enrobait les quartiers ?
Était-ce
en raison du nom de la cité qui faisait penser à
un
séjour royal ? Port-au-Prince,
ce mot-valise semblait cacher dans ses compartiments une sorte de
trésor à la mesure des princes. Le
côté
royal associé au port, le parfum princier qui se
dégageait de cette capitale antillaise,
correspondait de
quelque manière à l'ancienne façon
d'être du
bonhomme quand il était très jeune, grand
nègre de
son village natal, à l'époque qui
précédait
le déluge et dont il ne se souvenait presque pas. Eh oui, ce
temps où il allait à l'école
accompagné de
sa petite amie disparue, cette époque où il
portait en
terre d'Afrique l'élégant boubou bleu recouvrant
ses
culottes. À la vérité, plus que tout
autre chose,
c'était une similitude de culture qui se profilait entre lui
et
le tout Port-au-Prince, la toute Haïti même.
L'endroit
sentait l'Afrique. Il y avait la proximité des sentiers, la
campagne toute proche qui entourait un urbanisme précaire,
sans
une totale rupture entre les deux. Il y avait les quartiers trop chics
de Port-au-Prince où l'on se promenait en tenue de ville,
où l'on faisait le lèche-vitrine pour acheter
étranger. Il y avait la senteur immédiate des
arbres dans
toute leur fraîcheur, leur vibrant rapport avec les citadins.
Il
y avait les plantes ornementales amies de l'homme, la somptueuse
déclinaison de leurs couleurs depuis les bouquets rouges et
blancs des bougainvilliers jusqu'à la teinte
orangée des
tulipiers en fleurs. Port-au-Prince est bâti dans un jardin
persiste-t-on à dire. On reniflait l'odeur enivrante de la
canne
à sucre qui se transportait tout près, qui se
transformait en un parfum de rhum. Il y avait l'odeur des
bêtes qui avaient du mal à se distancer des
hommes.
L'endroit sentait l'Afrique sauf les bêtes sauvages.
L'endroit
sentait aussi la France et ce n'était pas sorcier. Le hic,
c'est
qu'il exsudait étonnamment un relent de la Grèce
antique.
Mompela venait de quitter la rue du Palais National, et de
là,
tournant à gauche, il traversa le Champ de Mars, croisa la
rue
des Miracles pour grimper sur une petite colline. Surprise, il entendit
la voix d'une poignée d'élèves qui
conjuguaient
à haute voix un verbe grec au présent de
l'indicatif. Il
rencontrait des gens à l'allure typiquement africaine et
dont le
nom résonnait comme une chansonnette du
Péloponnèse.
☐ pp. 155-157 |
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Comme
un arbre planté dans le jardin du bon
Dieu »,
Paris : Riveneuve, 2022
- « L'impertinence
du Mot »
avec Hélène Tirole, dessins de Jean-Louis
Jacopin,
Paris : Riveneuve, 2018
- «
Retour
à Gygès », Léchelle : Zellige,
2017
- « Rythmique
incandescente », Paris : Riveneuve
(Arpents), 2011
- « Ce qui me reste
d'Haïti : fragments et regards »,
Montréal : CIDIHCA, 2010
- « Rêver d'Haïti en
couleurs = Colorful dreams of
Haiti » photographies de Frantz Michaud,
préface de Gérald Bloncourt,
Montréal : CIDIHCA, 2009
- « Parfum de bergamote »,
Montréal : CIDIHCA, 2007
- « Les campêches de Versailles »,
Montréal : CIDIHCA, 2005
- « Prétendus
créolismes : le couteau dans
l'igname », Montréal : CIDIHCA,
1995
- « Sérénade
pour un pays, ou la génération du
silence », Montréal : CIDIHCA,
1992
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Sur
le site « île
en île » :
dossier Jean-Robert
Léonidas |
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mise-à-jour : 2 février 2022 |
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