Antoine Innocent

Mimola ou l'histoire d'une cassette

Éd. Fardin

Port-au-Prince, 1999

bibliothèque insulaire
   
édité en Haïti

parutions 1999

Mimola ou l'histoire d'une cassette / Antoine Innocent. - Port-au-Prince : Éd. Fardin, 1999. - 132 p. ; 21 cm. - (Nouveaux classiques haïtiens).
WIDLY JEAN : […]

Mimola ou l’histoire d’une cassette ce célèbre roman d’Antoine Innocent [1873-1960] dessine un magnifique vèvè qui met le vaudou dans le midi du quotidien haïtien. À mon avis, le titre qui conviendrait le mieux à cette œuvre romanesque serait le pouvoir des loa. Toute la trame de ce roman se focalise sur notre profonde croyance dans le vaudou. Maurice A. Van Zeebroeck, critique américain d’origine belge, dans son fameux ouvrage : Anthologie de la littérature française d’Haïti 1, fait pour notre délectation un bref résumé de l’œuvre de la manière suivante : “ Mimola, fille de madame Georges, est atteinte d’une maladie nerveuse, apparemment incurable. En désespoir de cause, la mère décide un pèlerinage à Ville-Bonheur en vue d’y implorer les divinités africaines. Elle y rencontre une cousine, dont le fils Léon, est atteint de troubles similaires. Léon rejette les croyances vaudoues, sombrera dans la folie ; ardemment croyante, Mimola guérira et se fera hounsi. ” Il faut ajouter que Léon a fait des études très poussées à Paris. Selon ses points de vue, les loa c’est comme les contes de fée qu’on raconte aux enfants. Sa folie, peut-être, a été le prix à payer. Comme dit Jean-Baptiste Cinéas, l’esprit de ses pères est entré en Mimola elle est devenue une excellente mambo. Antoine Innocent prouve que la terre d’Haïti est faite de légendes, de mystères, à cet effet, soyons nous-mêmes le plus complètement possible pour paraphraser le docteur Jean Price Mars.

[…]

→ “ Le Vaudou dans la littérature haïtienne ”, Le Nouvelliste, 18 septembre 2015 [en ligne]
       
1. Maurice Van Zeebroeck « Anthologie de la littérature française d’Haïti », Port-au-Prince : Les éditions du Soleil, 1985
EXTRAIT Cet extrait — conforme au texte de l'édition de 1935 (Port-au-Prince : Imp. V. Valcin) — provient de la section anthologie de l'étude de Jean Jonassaint, « Des romans de tradition haïtienne : Sur un récit tragique », Montréal : CIDIHCA, Paris : L'Harmattan, 2002. Il est reproduit ici avec l'aimable autorisation de Jean Jonassaint et de ses éditeurs.
Quel entrain, quelle vie !

On ne peut vraiment analyser cette joie qu'on éprouve de se sentir là dans cette foire humaine et de se dire : Moi aussi, je connais Ville-Bonheur, ce rendez-vous des pénitents, de ceux qui souffrent et qui veulent être guéris, de ceux qui font des voeux pour qu'ils soient exaucés, des curieux en quête de distractions, de sensations et d'impressions nouvelles, des filles de joie qui viennent profaner la terre sacrée. Tout ce monde se coudoie ; il semble que Port-au-Prince entier y est présent. Des gens de la plaine, des mornes, de Jacmel, de Léôgane, de St-Marc, de l'Arcahaïe, des Gonaïves, de Lascahobas, que sais-je encore ? y viennent s'acquitter d'une promesse, faire une offrande, ou solliciter de la Vierge ses inlassables faveurs.

On est tout surpris parfois de rencontrer d'anciens condisciples de classe venus de bien loin, qu'on n'a pas revus il a longtemps et dont on oublie par conséquent les noms. On se presse chaleureusement la main ; on est tout joyeux de se revoir hommes, ayant de longs poils au menton ; on cause, on trinque bruyamment devant la buvette en plein air.

C'était le 13 Juillet à huit heures du matin que la petite troupe fit son entrée à Saut-d'Eau, elle était pour ainsi dire désorientée au milieu des toits de chaume et des ruelles où l'on s'égare facilement quand on n'y est pas habitué. Elle alla ainsi pendant une demi-heure sans pouvoir trouver un endroit convenable où faire son gîte. Albert et Léon, à bout de patience, fatigués de cette promenade forcée qui les offrait en spectacle à tout le monde, avaient fini par aborder carrément une femme de l'endroit. Ils lui demandèrent si, par hasard, elle n'avait pas une petite chambre à louer. Sur la réponse affirmative de la Sautd'laise, on convint du prix ; les dames et les cavaliers firent pied à terre, les animaux furent déchargés et les sacs-paille empilés dans un coin de la cellule qui était très exiguë. Maripiè qui avait hâte de s'en aller, puisqu'elle devait retourner à Port-au-Prince une dernière fois, prit congé de ces dames en tirant par la corde Cétoutt et Fanmpabouqué avec promesse formelle de les ramener dans une quarantaine de jours. Les trois autres montures étaient confiées à un homme de l'endroit.

Albert et Léon n'avaient pas omis de dire à ce dernier qu'il aurait à les tenir à leur disposition le 16 Juillet de grand matin, c'était afin qu'ils pussent aller visiter, avant leur départ, la superbe chute d'eau qui a valu au quartier le doux nom de Saut-d'Eau.

Les femmes étaient allées faire le signe de la croix à la chapelle de la Vierge-des-Miracles.

Débarrassés de leurs montures, Albert et Léon se réjouissaient à l'idée qu'ils allaient se livrer tout entier à leurs ébats. Debout, sur un petit tertre, ils se plaisaient à regarder cette savane qu'ils venaient de parcourir, et où ils voyaient encore cette file interminable de pèlerins. Mu par je ne sais quel sentiment de curiosité, Léon avait levé les yeux au ciel comme pour observer la marche de l'astre du jour.

— Albert, regarde-moi un peu ce soleil. Ne lui trouves-tu pas un air étrange, timide ? Il ne ressemble vraiment pas à celui de la Capitale. Et ne te sens-tu pas plus dans le voisinage de celui-ci ?

En effet, à Saut-d'Eau, le soleil a l'air paresseux, nonchalant, car après s'être élevé à une certaine hauteur au-dessus de l'horizon, il semble rester stationnaire, immobile, comme figé en un coin du ciel. Au moment de se coucher, il vous laisse cette illusion qu'il n'a pas traversé le ciel, qu'il va mourir à peu de distance de l'endroit où il est levé, et que n'ayant pas de mer pour éteindre lentement son disque enflammé, il va s'éventrer contre la cime crénelée des collines. Il est d'autant plus étrange que chaque fois qu'on se déplace, il paraît aussi changer de position comme font les enfants qui jouent en plein air au lago-lago 1.

Souvent des discussions s'élevaient sur la situation géographique de Ville-Bonheur ; les quatre points cardinaux devenaient un sujet de colle.

Albert et Léon n'eurent pas de peine à s'orienter. Ils attribuèrent cette anomalie apparente dans le cours de l'astre à la position qu'occupe Saut-d'Eau relativement à Port-au-Prince.

À leur retour de la chapelle, les trois femmes avaient préparé leur repas en commun. On rivalisa d'appétit de part et d'autre. Après quoi elles étendirent des nattes à terre et se reposèrent tout le reste de la journée. Les jeunes gens, eux, ayant ôté éperons, jambières, paletot, s'installèrent dans leur hamac. Ils se sentaient malades de fatigue. Léon à qui il n'arrivait de monter à cheval que très rarement, ressentait une courbature dans tout le corps. Il n'y a vraiment qu'un bon bain qui pourrait délasser leurs membres engourdis. Il ne fallait pas y penser pour le moment, car on n'avait pas assez dormi cette nuit aux Orangers.

Le bain fut donc renvoyé au lendemain de grand matin. Les dames de leur côté, s'étaient promises d'aller visiter les palmes sacrées 2. [...]

La nuit vint et se passa dans le plus grand calme. Jamais on n'avait dormi dans un sommeil si profond.

Le 14 Juillet qui était un vendredi, Albert et Léon se réveillèrent au petit jour. Il faisait bon, l'air était délicieux. Cette date et la fraîcheur du climat leur faisaient rappeler leur séjour à Paris. Ils se revoyaient par la pensée au milieu de ce monde parisien fêtant ce grand anniversaire. Leur serviette de bain autour du cou, les ex-parisiens se promenaient à travers les ruelles de Saut-d'Eau en revivant par l'imagination les scènes inoubliables de leur vie sur les boulevards. Dans leur pérégrination imaginaire à travers Paris, ils passaient devant les corps de garde, entraient un moment dans la chapelle où ils ne firent seulement que se signer, inspectaient les marchandes de bougies assises devant leurs paniers, traversaient le marché, se dirigeaient du côté du calvaire, revenaient sur leurs pas pour aller enfin se baigner dans... Sapotille. Sur tout le passage, ils voyaient de petits groupes d'hommes et de femmes, des pénitents et des pénitentes qui se rendaient à l'église, des messieurs qui allaient prendre leur café chez des personnes de leur connaissance ou leur absinthe sous les tonnelles, les galeries où se tiennent les buvettes.

Arrivés au bord de la rivière, Albert et Léon furent grandement surpris de se voir devancés à cette heure matinale par une foule de gens qui étaient venus aussi s'y baigner.

* *.*

Sapotille coule dans un ravin à travers des rochers placés à distance les uns des autres. On y voit de nombreux bassins qui vont s'échelonnant pour ainsi dire.

Ici des hommes presque nus causent, jasent, rient à pleins poumons ; d'autres, ayant de l'eau jusqu'au nombril et leurs bouteilles dans des anfractuosités de rocher, avalent un grog entre deux plongeons ; plus haut des femmes, véritables naïades, les cheveux en désordre, abandonnent les plis flottants de leurs chemises aux méandres des ondes, ou font tomber en grains de perle sur leurs têtes l'eau venant d'une cascatelle.

Souvent des couples, fuyant les regards indiscrets, vont, le soir, à la faveur de la nuit, fredonner leur duo d'amour dans le courant qui va chuchoter leur secret aux arbres du rivage ...

La même scène qui se passe dans Sapotille, se répète aussi dans la Tombe et la rivière Canotte, car chaque pèlerin a son cours d'eau de prédilection.

Albert et Léon, après s'être bien délassé les membres dans la rivière, avaient regagné leur chaumière.

Ils n'eurent que le temps de casser une croûte : biscuits, confitures, fromage, et ils allèrent ensuite rejoindre les trois pénitentes qui étaient parties vers les palmes ...

Les palmistes sacrés sont, comme la Grotte de Lourdes, l'objet d'un culte profond de la part des pèlerins.

Ils sont disposés par groupes dans un bas fond que domine la petite église rustique présentant à ceux qui la regardent d'en bas son côté gauche blanchi à la chaux.

On va de la chapelle aux palmistes par une petite pente assez raide, mais de courte haleine.

Ces arbres majestueux élèvent vers le ciel leurs flèches d'aiguilles ; à leur base, autour des racines en saillie, sont amassées des pierres brunes enduites de cire brûlée sur lesquelles on vient allumer sans cesse des bougies. C'est là que la Vierge-des-Miracles fit la première fois son apparition, c'est là qu'à travers ces palmes les pèlerins persistent encore à la voir : c'est là qu'elle continue toujours d'accomplir ses prodiges divins ; c'est là enfin que des milliers de voix reconnaissantes ou solliciteuses chantent ses louanges et glorifient son nom mille fois béni.

Assise, agenouillée ou debout à l'ombre des palmes, une foule innombrable est là dans un pêle-mêle indescriptible. C'est le rendez-vous des pénitents et pénitentes. C'est la terre du bonheur, de la guérison, la ruche où bourdonne tout un essaim de misères, de souffrances et de maux de toutes sortes. Sourds, muets, aveugles, paralytiques, épileptiques, ulcéreux, cancéreux, scrofuleux, lépreux, culs-de-jatte, perclus, manchots, ankylosés, hydropiques, goitreux, que sais-je encore ! sont jetés là comme les épaves sordides d'un naufrage. - On y trouve toute la gamme des misères humaines. Ici un fichu noir cache une large plaie purulente à la place de la figure, là des crânes tondus par l'eczéma, des chairs vivantes en putréfaction. Ce sont des lamentations, des plaintes, des prières qui montent en un hoin-hoin formidable, confus et prolongé vers ces branches qui semblent écouter plutôt la chanson amoureuse de la brise caressant leurs longues tresses. Les cantiques se multiplient, s'entrecroisent ; chaque groupe chante un air différent, toutes les notes se confondent, et les scènes de manger-les-âmes se répètent à n'en plus finir. Des cercles se forment ; une femme ou un homme est au milieu, qui titube, s'épuise en contorsions de visage et de corps, baragouine un jargon mystérieux, fait des prédictions néfastes, annonce la disette, la peste, la fin du monde.

Et chose bizarre !

Ces hallucinés se prétendent être Saint-Jean, Ste-Philomène, Vierge-des-Miracles, etc.

En présence de ces drames d'un autre genre, on ne peut vraiment se défendre d'un sentiment de profonde pitié pour ces misérables qui réclament leur pitance de la Vierge. Si elle pouvait descendre de là haut au milieu de cette foule affamée de guérison, d'aisance, de fortune, de bonheur, de félicité terrestre, quel martyre n'eut-elle pas à subir ? Chacun voudrait prendre un lambeau de sa robe ensanglantée ; poussant plus loin son cannibalisme inconscient, chacun voudrait trouver dans un morceau de cette chair pure et chaste, sanctifiée par la maternité divine, sa nourriture sacrée.

Pauvres âmes malades, pauvres débris humains ! Si c'était en vain que vous gémissiez ! Si la Miraculeuse nichée au haut des palmes restait impuissante ou tout au moins indifférente à vos plaintes, à vos accents ! N'est-ce pas que votre foi ne serait pas ébranlée ? N'est-ce pas que vous reviendriez l'année prochaine avec la même ferveur, le même zèle, vous disant : — (Oh ! que la souffrance se berce facilement d'espoir !) — que ce n'était peut-être pas votre tour, et que la Vierge ne saurait prodiguer ses bienfaits à tous ses fils à la fois.

Réconforté par cette pensée, tout pèlerin dont les voeux n'auront pas été exaucés, dira la même chose chaque année, et chaque année, il reprendra son pèlerinage jusqu'à ce que le corps horriblement mortifié par les austérités de la pénitence, consumé par la souffrance, les pieds meurtris par les pierres du chemin, n'ayant pour toute force qu'une lueur d'espoir, l'âme lasse, il vienne s'abattre enfin sous les arbres sacrés, les yeux tournés vers les palmes et leur mendiant encore dans une ultime agonie le baume divin qui n'arrivera jamais ...

Certes, il ne manquerait pas une voix pour murmurer comme une consolation à cette âme défunte : « La Vierge l'a aimée, la Vierge l'a gardée », pensant que cette victime est un élu, et que là-haut l'attend la félicité suprême.

Oh ! combien de pèlerins sont partis pour la terre du bonheur, Sainte-Vierge, qui sont restés là-bas par ta volonté, dit-on, et ne sont jamais revenus !

Mais, avoue-le, Sainte-Miraculeuse, pour quelques-uns que tu as guéris, combien sont incalculables ceux-là qui crèveront sans avoir jamais reçu un seul de tes baumes ! Pour le petit nombre de favoris que tu as comblés de tes largesses, combien mourront dans la plus noire misère sans jamais bénéficier d'une seule de tes faveurs ! Et malgré cette loi implacable de l'inégalité sociale qui pèse à jamais sur eux, ils continueront toujours à te tendre leurs lèvres inapaisées.

Sais-tu bien, Sainte-Vierge, ce qui se dégage de toutes ces jérémiades, de tous ces appels au bonheur, à la santé ? C'est le retour du Messie que résument toutes ces scènes hideuses ; c'est une autre rédemption, la suppression de toutes les souffrances, de tous les maux, de toutes les misères. Car l'impotent qui est venu mourir à tes pieds, parce qu'il lui restait un lambeau d'espoir, te serait, certes, beaucoup plus reconnaissant d'une seconde éphémère de joie terrestre que de celle éternelle de félicité céleste que tu lui promets tacitement ...

Et d'ailleurs ils savent tous que, si ton fils a souffert, sa passion n'a pas été vaine, car il a vu se réaliser le plus beau de ses rêves divins après celui d'avoir racheté le genre humain : sa résurrection qui l'a détaché de l'humanité qui aurait tant besoin de lui dans la suite. Après avoir dépouillé de son enveloppe mortelle ce qu'il y avait de divin en lui, que n'était-il resté parmi nous pour mieux apprendre à souffrir aux générations qui ne l'ont pas connu ? que n'avait-il pris le sceptre et la pourpre ? Le royaume serait un et ne serait pas démembré. Et puis, il y a longtemps que les grandes vérités auraient été proclamées ! Nous aurions appris à mieux connaître Dieu le Père par les leçons directes de Dieu le Fils. Il ne l'a pas voulu. Il a mieux aimé laisser à d'autres, dans la crainte peut-être de se souiller à notre contact, le soin d'achever le travail par lui commencé. Mais ceux-là auront-ils jamais la force de le mener à bonne fin ? Ne succombent-ils pas déjà sous le poids de l'immense empire divisé ?

Tu m'objecteras peut-être, Sainte-Vierge, que ton fils, en nous rachetant, n'a fait que se donner en exemple à l'humanité, et que celle-ci, pour ressusciter à la perfection, à l'égalité, à la félicité suprême, doit aussi gravir son calvaire !

Mais tu conviendras qu'à ton fils il n'a fallu que trente trois années d'un martyre pour accomplir son oeuvre jusqu'ici imparfaite.

Par contre, combien de siècles de souffrances et de larmes que de stations sanglantes l'humanité n'aura-t-elle pas à franchir avant d'épuiser son long martyrologe ? Dans combien de temps encore opérera-t-elle son ascension vers les hauteurs sereines, imprégnées de vérités immuables, baignées des vives lumières de la science divine ? Quand donc divorcera-t-elle d'avec le doute qui la mutile et la ronge ? Aucune voix ne lui répond ; dans son désert d'angoisses aucun « mirage divin. » Et quand bien même elle verrait tous ses idéals éclore, est-elle sûre qu'elle n'aurait plus rien à désirer dans son nirvana ?

En outre, ton fils, Sainte-Vierge, ne doutait nullement qu'au terme de ses maux, il dût partager le royaume céleste avec son Père. Avant de monter là-haut, n'a-t-il pas vu s'accomplir sa destinée humano-divine ? Aussi, est-ce pourquoi, au milieu de ses tortures, il n'a pas eu une seule minute de défaillance. - Mais lui, le misérable qui a la face tournée vers toi, sait-il ce qu'il y a au bout de ses affres, trouvera-t-il jamais cette félicité promise ?

Oh ! si seulement, il pouvait sentir sur la pâleur moite de son front, la chaleur vivifiante d'une larme de tes yeux de mère ! Mais non, ces yeux se sont desséchés ; tous tes pleurs ont coulé sur les pieds du « grand Crucifié. »

À défaut de cette larme, si cette âme assoiffée, en s'envolant pour l'éternité, pouvait boire seulement une goutte de rosée sur tes palmes bénies, seulement cela, et rien que cela ! C'est encore en vain, car la colombe, en prenant son essor vers les cieux, l'a déjà bue cette goutte d'Espérance, nous laissant l'aveugle Foi et la timide Charité aux prises avec le Doute et l'Égoïsme.

Troublé, pris par le vertige en présence de cet état de choses, nous craignons vraiment que la pauvre humanité malade, lasse de marcher, l'esprit torturé, vaincu finalement par le doute, ne s'affaise à jamais sur le chemin, les yeux tournés vers le ciel, non pour l'implorer, mais pour le blasphémer ...

C'étaient là les réflexions auxquelles se livraient Albert et Léon pendant que les trois femmes, agenouillées aux pieds des palmes, allumaient des cierges et égrenaient leurs chapelets ...

pp. 87-99

1. lago-lago : cache-cache
2. palmes sacrées : palmiers sacrés  
COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE
  • « Mimola ou l'histoire d'une cassette », Port-au-Prince: Imprimerie E. Malval, 1906
  • « Mimola ou l'histoire d'une cassette », Nendeln (Liechtenstein): Kraus, 1970
  • « Mimola ou l'histoire d'une cassette », Port-au-Prince : Éd. Fardin, 1981
  • « Mimola ou l'histoire d'une cassette », Port-au-Prince : Presses nationales d'Haïti (L'Intemporel), 2006
  • « Mimola ou l'histoire d'une cassette » préface de Dieulermersson Petit Frère, Port-au-Prince : Legs édition (Classique), 2019
Sur le site « île en île » : dossier Antoine Innocent

mise-à-jour : 13 mai 2020
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