6ème édition du Prix du Livre Insulaire
(Ouessant 2004)
ouvrage en
compétition |
Van Cortland Club / Syto Cave.
- New York : Rivarticollection, 2004. -
114 p. ; 21 cm.
ISBN 0-9748912-2-3
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Au Club Van Cortland,
à Manhattan, les mondes se côtoient, les
identités sont brassées, les repères
se brouillent. C'est là, où la
mémoire des Apaches, Coyotes et Sioux reste enfouie sous un
rocher, que Syto Cavé — figure de
l'exil, marquée par l'anxiété
du maquisard — se laisse happer par
l'évocation de la terre natale : “ j'ai voyagé dans ma vieillesse. Une
vieillesse imaginaire, expérimentale en tout cas. J'ai
transporté mon corps en plus vieux dans ma tête.
La grande question était de lui trouver un lieu, quelque
part où le poser et l'observer bouger. Pour qu'il ne soit
pas choqué ou ne se sente pas dépaysé,
j'ai dû le replacer en pays familier : une rue de sa
ville natale où il avait coutume d'aller marcher
rêver. Ce genre d'attache est indéfectible. Tout
le corps se souvient ” (p. 42).
Par touches brèves,
proches souvent de l'anecdote, se joue un dialogue tendu entre ici et
ailleurs : “ C'est là aussi
qu'est notre fief : au marronnage des
territoires ” (p. 91).
❙ | Syto Cavé est né en 1944 en Haïti. Il est écrivain et metteur en scène. Van Cortland club
regroupe des textes divers, leur lien nécessaire est, bien
sûr, ce “ rapport fécond ” à
l'écriture qui caractérise Cavé. |
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EXTRAIT |
L'architecture d'une île a pour point de
départ son nombril qui est comme son Ithaque. D'elle, comme
telle, on peut tout voir et tout imaginer. L'architecture d'une
île part de sa fondation à ses multiples
élans, avec des strates d'air, des variations
secrètes, l'intime couleur des bois et le sens des rythmes,
une géométrie impulsive d'arcades et de terrasses
providentielles, comme si on s'appropriait le ciel et la mer pour les
remettre en allée, en esprit de voyage. Une île
est une feinte de terre, la crainte de s'étioler. Mais une
île c'est une refonte de l'être dans sa
précarité, un point du voir équilibre,
l'immensité de tout départ. Une île
peut être un rocher, et nous, son laminaire, son algue
têtue qui redonne ses cheveux. Alors, le vent
carrément danse dans les arbres et développe sa
romance. Une île prenons par exemple Robinson Crusoe,
c'est une manière de se mesurer, de se ressourcer,
d'envisager la démesure. Une île, c'est le plus
souvent une chanson, un cocotier au clair de lune dans le miroir des
cartes postales. Mais une île, c'est d'abord un tourment, le
haut point d'une solitude. Une île, c'est un village
où l'on se connaît à tant se voir
passer. C'est une expérimentation de son visage. Comme
l'enfance, elle est le lieu par excellence de nos
propriétés. Très vite, elle se jette
à la mer. C'est une coureuse, une nageuse. Parfois elle
rêve d'avions, mais elle a le Cœur plus
à bateau. Ses habitants ont la démarche des
vagues hautaines qui se relaient ou se surprennent dans de grands jets
de rires. Une île, c'est une façon de s'entendre
parler avec des mots fouettés de sel, de vent et de varech.
On s'y tient en otage, puis on cabotine de Charybde en Scylla. On sait
chez qui l'on va, mais on y met toujours de nouvelles voiles et un
nouveau visage.
☐ pp. 104-105
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COMPLÉMENT BIBLIOGRAPHIQUE | - « Fatras-bâton »,
Le Serpent à plumes, n° 16,
été-automne 1992 (pp. 27-30)
- « Le singe du
dormeur », Montréal :
CIDIHCA ; Port-au-Prince : Regain, 1999
- « Mourir sans
raison », in Hommage
aux lettres d'Haïti, dossier
préparé par Jean-Euphèle
Milcé, La Nouvelle Revue Française,
n° 576, janvier 2006 (pp. 183-185)
- « Ma place parmi les
vivants », in Haïti parmi les
vivants, Arles : Actes Sud, Paris : Le Point,
2010
- « Qui d'un
soir », Montréal : CIDIHCA, 2011
- « Une rose rouge entre les
doigts », Léchelle : Zellige,
2011
- « La cabine jaune [suivi de]
Fables du crépuscule », New
York : Riv' Art', 2014
- « D'amour
à mort = Damou a
mò », Port-au-Prince :
Imprimeur II, 2015
| | Sur le site « île en île » : dossier Syto Cavé |
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mise-à-jour : 29
avril 2016 |
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