Trésors des
îles Marquises [catalogue de l'exposition : Paris,
Musée de l'Homme, octobre 1995-mars 1996] / sous la dir.
de Michel Panoff. - Paris : Réunion des musées
nationaux, 1995. - 140 p. : ill., cartes ; 24 cm.
ISBN 2-7118-3333-X
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Depuis Pissarro 1,
on a beaucoup raillé les emprunts de Gauguin, en particulier
ceux effectués au détriment de civilisations
extra-européennes. En ce qui concerne la Polynésie,
on a plus rarement observé que ces emprunts sont allés
en diminuant ou, pour le moins, se sont faits plus discrets
avec le temps. On peut à cet égard mettre
en parallèle les œuvres du premier et du second séjour ; les
créations des années marquisiennes témoignent,
mieux encore, de cette évolution : « les œuvres que Gauguin exécute à Atuona ne se réfèrent
qu'exceptionnellement à l'art marquisien » 2.
Sa peinture alors se dépouille
et gagne en intériorité ; quant
à l'art marquisien, dont il avait déjà
une certaine connaissance, il peut sur place apprécier
à sa juste valeur sa valeur décorative : « Chez
le Marquisien surtout il y a un sens inouï de la décoration.
Donnez-lui un objet de formes géométriques quelconques
même de géométrie gobine, il parviendra
— le tout harmonieusement — à ne laisser
aucun vide choquant et disparate. La base en est le corps
humain ou le visage. Le visage surtout. On est étonné
de trouver un visage là où l'on croyait à
une figure étrange géométrique. Toujours
la même chose et cependant jamais la même chose » 3.
Dès lors, la querelle
des « emprunts » perd toute pertinence ;
progressivement Gauguin a renoncé aux « placages »
parfois artificiels du début, mais sans renier un
apport essentiel, apprécié avec l'œil d'un
spécialiste et profondément assimilé. 1. | « Il
est toujours à braconner sur les terrains d'autrui :
aujourd'hui, il pille les sauvages de l'Océanie. » | 2. | p. 92 | 3. | « Avant et après ». |
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EXTRAIT |
Si à Tahiti Gauguin avait
voulu comprendre et recréer la mythologie et l'art sacré
pour mieux pénétrer l'âme tahitienne, […]
à Atuona, il ne peint ni ne sculpte plus ces dieux indigènes
qui l'avaient fasciné, exception faite de la petite statue
d'argile installée dans son jardin et sur le socle de
laquelle il avait écrit (ceci expliquerait peut-être
cela) : « Les Dieux sont morts et Atuana meurt
de leur mort … »
Force est de constater que son
propos est tout autre. La poésie, le rêve, thèmes
récurrents dans son œuvre, tiennent une place de plus
en plus grande dans ses peintures. « Ici, la
poésie se dégage toute seule et il suffit de se
laisser aller au rêve en peignant pour la suggérer »,
écrivait-il à Daniel de Monfreid en novembre 1901.
☐ p. 92
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mise-à-jour : 15 juillet 2005 |
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