Mœurs et coutumes
des anciens Maoris des îles Marquises / Louis Rollin. -
Papeete : Stepolde, 1974. - 282 p. : ill.,
cartes ; 20 cm.
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Dr
HUCK :
[…]
[Le
Docteur Rollin] a séjourné aux îles
Marquises de juin 1923 à avril 1928
et, faisant alors fonction d'Administrateur, du 15 juillet 1929 au 3
août 1930, ce qui porte à six années
son séjour dans ces îles
éloignées
(à 1 380 kilomètres de Tahiti).
Préoccupé
par
l'intense dépeuplement des îles Marquises
tombées de 20 200 habitants
en 1842 à 2 080 en 1926, le Dr Rollin a obtenu un
redressement
démographique total par un effort personnel intense et
dangereux,
navigant sur une embarcation de 10 mètres 20 jours par mois
par
n'importe quel temps.
La population des
Marquises est, en effet, depuis, passée de 2 080 en
1926 à 3 936 en
1956, soit une augmentation de près de 100 % en une
génération. A
signaler que ce redressement s'est manifesté dès
1924 dans le Groupe
Nord et en 1929 dans le Groupe Sud et l'ensemble de l'archipel lors du
second séjour du Dr Rollin aux Marquises. Cette
œuvre, accomplie avec
des moyens très limités, est unique dans
l'histoire coloniale française.
[…]
→
Notice nécrologique, Journal
de la Société des Océanistes, 1972 | 35 | pp. 175-176 [en
ligne]
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Le livre du docteur Rollin est
précis, bien documenté. Après les
premiers missionnaires et Max
Radiguet, c'est un des rares auteurs francophones
à livrer une description aussi claire de l'ancienne
société marquisienne et une analyse convaincante
de son évolution dans la première
moitié du vingtième siècle. On peut
considérer qu'il abuse du parallèle entre les
Marquisiens et les anciens Grecs ou les Celtes : quelles
conclusions pratiques tirer d'une quelconque similitude entre certains
motifs ornementaux marquisiens et les signes gravés “ sur
les pierres levées des cromlechs de l'îlot
Gavrinis du golfe du Morbihan ” ?
Mais par ailleurs, le docteur
Rollin s'appuie fréquemment sur ce parallèle un
peu forcé pour un sain exercice d'autocritique ;
sous sa plume “ sauvages ” et
“ barbares ” semblent soudain
mieux répartis dans les deux
hémisphères : “ Leur
barbarie, cannibalisme à part, n'excédait pas
celle des anciens Romains qui, à l'apogée de leur
civilisation, se complaisaient aux horribles jeux du cirque. Elle ne
dépassait pas non plus celle de nos
arrière-grands-pères qui se donnaient rendez-vous
place de Grève à Paris, capitale du monde
civilisé, pour voir rouer, brûler,
écarteler des misérables aux chairs pantelantes,
aux membres brisés, déjà
martyrisés par la féroce question, et cela
à l'époque même où Cook
visitait Vaitahu (1774), promulguant au feu de ses mousquets notre
incontestable supériorité
morale ”.
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NOTE
DE L'ÉDITEUR : Le Dr
Rollin, bien connu dans tout le Pacifique, avait fait fonction
d'Administrateur aux îles Marquises pendant six
années.
Préoccupé
par le dépeuplement des îles (la population
était passée de 20 200 habitants en 1842
à 2 080 en 1926), le Dr Rollin obtint un redressement
démographique radical par un effort personnel intensif. En
1956, la population était remontée à 3
936 habitants. Passionné par les Marquises,
fréquentant assidûment les familles
indigènes, on peut dire que l'action du Dr Rollin a
aidé puissamment à la renaissance d'un peuple
à l'agonie.
Auteur de nombreux travaux
scientifiques sur le traitement de certaines maladies infectieuses, le
Dr Rollin s'intéressait également à
l'ethnographie. Nombres d'antiquités marquisiennes
exposées au Musée du Trocadéro
[Musée de l'Homme] avaient été
collectées par lui.
Le Dr Rollin avait
découvert des idéogrammes marquisiens identiques
à ceux de l'île de Pâques.
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EXTRAIT |
Quand on faisait la guerre aux anciennes Marquises
on rentrait chez soi chaque soir pour reprendre le combat au petit jour
le lendemain ; quand un homme était par hasard abattu, on
chantait victoire et on organisait bien vite une fête pour la
célébrer. Tout ce qui était jeune
(kaioi) guerroyait par plaisir, comme on va à la chasse ;
c'était un simple jeu, un sport. Il
n'y avait pas chez eux de fournisseurs s'enrichissant de la souffrance
de ceux qu'ils envoient se battre pour conserver leurs biens et leur
gagner des fortunes. Dulce bellum inexpertis.
Les Blancs se sont imposés aux
Marquises comme ailleurs beaucoup plus par la force que par la
supériorité morale. Un voyageur [Max Radiguet]
appelle les Marquisiens les derniers sauvages. Pourquoi
sauvages ? les mots
ont-ils perdus toute signification ? On appelle habituellement
sauvages les individus qui
vivent à l'écart, sans lois ni demeures fixes et
qui fuient la société. Qui
reconnaîtrait là les anciens Marquisiens si
accueillants, si polis, si bien organisés
socialement ?
☐ L'ancienne
civilisation marquisienne,
p. 252
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COMPLÉMENT
BIBLIOGRAPHIQUE |
- « Les
îles Marquises : géographie,
ethnographie, histoire, colonisation et mise en
valeur », Paris : Sté
d'Éditions géographiques, maritimes et
coloniales, 1929
|
- Patrick Chastel, « Le docteur Louis
Rollin (1887-1972) et la renaissance d'un peuple à
l'agonie », Confluences Océanes, 1, Papeete, 2022
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→
Antoine
Cabaton, « Dr Louis Rollin, Les îles
Marquises : géographie, ethnographie, histoire,
colonisation et mise en valeur » — compte-rendu,
Annales
d'histoire économique et sociale, 1932 | 13 | pp. 111-112 [en
ligne]
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mise-à-jour : 7 septembre 2022 |
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